"L’EIIL a beaucoup, beaucoup de parents, mais tous renient aujourd’hui leur progéniture"
Essayons de clarifier, si cela est possible, le plan d’Obama pour s’occuper de l’EIIL, ce croquemitaine que l’Amérique a elle-même créé. La semaine dernière, le président a juré qu’il allait affaiblir et abattre l’État islamique, après l’avoir alimenté pendant trois ans en armes et avoir financé les combattants djihadistes, dont l’EIIL, dans l’espoir que ces derniers iraient «affaiblir et finalement abattre » l’État syrien du président Bachar al-Assad.
Résumons : les Américains ont tout fait pour détruire un État, la Syrie, dont le gouvernement n’avait jamais représenté aucun danger pour les USA, et ils se retrouvent aujourd’hui à créer un autre État, le fameux califat, à cheval sur les frontières de l’Irak et de la Syrie, lequel affiche ouvertement son intention de combattre les États-Unis.
Obama nous assure qu’il rassemble une nouvelle coalition désireuse de se joindre à lui pour détruire l’EIIL. Mais il s’avère que chacun des membres de cette coalition a déjà conspiré avec les États-Unis pour donner naissance à l’EIIL – à savoir, la Grande-Bretagne et la France et d’autres États européens, mais aussi la Turquie, l’Arabie Saoudite, la Jordanie, le Koweït, et les Émirats arabes unis… Bref, l’EIIL a beaucoup, beaucoup de parents, qui renient aujourd’hui leur progéniture.
Obama semble vouloir laisser en dehors de sa coalition ce pays si riche en gaz naturel qu’est le Qatar, ce qui n’est pas juste, étant donné que le Qatar s’est comporté en allié loyal des États-Unis et de l’OTAN voilà quelques années, au moment où Obama tentait d’affaiblir et d’abattre un autre État, la Libye, qui elle non plus ne représentait aucun danger pour les USA.
L’émir du Qatar avait alors mis à contribution ses revenus gaziers pour aider Obama, envoyant de l’argent, des armes et des mercenaires afin d’aider les djihadistes libyens que les USA désiraient installer dans le nouveau gouvernement. Une fois le changement de régime survenu en Libye, le Qatar a envoyé des centaines de djihadistes libyens en Syrie, pour renverser le régime d’Assad. En attendant, l’État en Libye n’existe plus, et rien n’a remplacé celui détruit en 2011. Au lieu de cela, le pays est maintenant ravagé par la guerre civile, qui n’est rien d’autre qu’une guerre « par procuration » entre l’Arabie saoudite et ses amis d’une part, et le Qatar d’autre part.
Des guerres au cœur d’autres guerres, au cœur de changements de régime
Il semble en fait que le Qatar se soit rangé du mauvais côté – celui des Frères musulmans – après le changement de régime en Égypte en 2011. La famille royale saoudienne hait profondément les Frères musulmans, car ces derniers prônent le système des élections, et les royautés n’aiment pas les élections. Aussi, les Saoudiens ont provoqué un nouveau changement de régime en Égypte, remettant les militaires au pouvoir, et sont actuellement en guerre « par procuration » avec le Qatar sur le terrain de la Libye. C’est pour cette raison que l’Arabie Saoudite a éjecté le Qatar de la coalition qu’Obama met en place pour combattre l’EIIL (tout cela n’est pas facile à comprendre, n’est-ce pas ?)
La Turquie, qui fait partie de l’OTAN, a été un père merveilleux pour l’EIIL, et a autorisé l’usage de ses longues frontières avec la Syrie et l’Irak aux combattants du califat. En retour, la Turquie a obtenu des tarifs avantageux sur le pétrole extrait des champs contrôlés par l’EIIL en Syrie et en Irak, ce qui par effet de bord, rend la Turquie assez réticente à aller botter les fesses du petit garnement EIIL.
Il se pourrait bien qu’Obama doive aller abattre le califat tout seul [mais non, Hollande est arrivé – NdT], ce qui expliquerait pourquoi le plus haut conseiller militaire du président parle d’envoyer des troupes US au sol en Irak et peut-être en Syrie.
Toujours est-il qu’Obama met en place une nouvelle armée de rebelles pour continuer le travail de destruction de l’État syrien – à moins, bien sûr, que ces nouveaux combattants ne prennent l’argent et les armes et ne rejoignent eux aussi les rangs de l’EIIL.
Glen Ford
BlackAgendaReport.com, le 17 sept. 2014
Traduction: IlFattoQuotidiano.fr