24-11-2024 12:39 AM Jerusalem Timing

Nouvelles tactiques de Daesh pour échapper aux frappes aériennes de la Coalition

Nouvelles tactiques de Daesh pour échapper aux frappes aériennes de la Coalition

Adaptation. Mutation. Camouflage.Guérilla urbaine.

Daesh où l’état islamique a pris la mesure de la guerre que la coalition lui livre, par les airs uniquement. Ses chefs, parmi lesquels on compte nombre d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein ont déjà mis au point une série de plans, pour éviter que la troupe ne soit durement frappée, et pour continuer en même temps de gagner du terrain afin d’étirer la ligne de front.

«Ils ont une capacité d’adaptation et de mutation déconcertante », confie anonymement un officier d’un service de renseignement militaire arabe de la coalition.

« Les ordres venus du haut de la pyramide sont suivis à la lettre par des combattants disciplinés, bêtes de guerre à sang-froid »

Ainsi, ces combattants ont renoncé à se mouvoir comme ils le faisaient auparavant, en longues colonnes de véhicules se suivant en plein jour, le drapeau noir flottant fièrement sur les véhicules militaires… Les déplacements se font désormais par petits groupes, parfois, juste une ou deux voitures, qui peuvent emprunter des itinéraires différents pour ensuite se retrouver en bloc et poursuivre leurs assauts sur des zones qu’ils considèrent comme stratégiques. Les gros 4X4 ou pick-up sont souvent délaissés au profit de motos qu’ils utilisent régulièrement.

Plus de signe extérieur ostensible de l’appartenance au mouvement. Des bases abandonnées et piégées, pour en construire d’autres ailleurs, de plus petite taille, mieux protégées. Dans les zones de feu, ils ont développés l’art du camouflage, celui de se cacher, et de ne pas mettre à découvert leurs armes lourdes. Fini le temps de la parade en masse  celui et des multiples check-points installés au beau milieu des routes qui leur permettaient de capturer qui ils voulaient.

De la même manière, ils adoptent déjà des tactiques de guérilla urbaine, dont les civils peuvent faire les frais, notamment dans les grandes villes qu’ils contrôlent comme Mossoul, où les gros villages. Ils réquisitionnent des maisons qui leur servent d’abris et en changent régulièrement. Parfois ils laissent volontairement des drapeaux sur des maisons abandonnées, et vides, pour tromper les moyens de reconnaissance aérienne de la coalition. Ils poussent le vice jusqu’à laisser ces mêmes drapeaux et d’autres signes de présence dans des zones civiles densément peuplées.

« Ils jouent très clairement la carte de la bavure, de la frappe qui viendrait tuer des innocents pris au piège», dit encore l’officier de renseignement.

Au rayon communication, ils sont devenus très prudents. Les portables ne sont ouverts que de courts instants, le temps d’échanger des informations essentielles. Le reste du temps, c’est débranché, et la batterie est enlevée. Pour éviter que les systèmes sophistiqués d’interception ou de détection de la coalition ne soient efficaces. Ils n’hésitent pas à changer régulièrement de portables, à prendre ceux d’habitants qui n’ont d’autre choix que de les leur donner. Ils les utilisent parfois une seule fois puis les jettent. Ils peuvent en changer plusieurs fois par jour.

Nombre d’entre eux ont déjà affronté l’armée américaine et ses avions pendant la guerre d’Irak (entre 2003 et le départ des derniers soldats US en 2011).

« Ce sont, au plan technique, des bons combattants, disciplinés, obéissants, et qui n’ont peur de rien au sens large », dit encore un expert du renseignement. Ils savent manier les armes lourdes, les tanks, les véhicules blindés  qu’ils ont récupérés lorsque l’armée irakienne a fui leur avancée.

On compte aussi parmi eux de redoutables « artificiers » capables de bidouiller des engins piégés avec trois fois rien. Un engin explosif, une télécommande de jouets d’enfants, des retardateurs de fortune. Rudimentaire mais efficace.

En 2005, j’avais rencontré avec le caméraman David le Marchand à Bagdad un de ces hommes. Baptisé « l’ingénieur » par ses compagnons d’armes, il nous avait fait une « éloquente » démonstration de sa capacité à fabriquer ce que les américains redoutaient le plus. Des IED (Imprivise Explosive Device) ou engins explosifs improvisés. C’est à leur principal, leur seul ennemi au sol pour l’heure qu’ils les destinent, les kurdes, Peshmergas ou autres, qui sont ceux qu’ils craignent véritablement sur le terrain.

Ils disposent aussi de « mouchards », de leurs propres agents de renseignements qui les renseignent sur les concertations de troupes irakiennes, appuyées et dirigées par quelques poignées d’hommes des forces spéciales américaines et françaises , selon un source très bien informée.

S’ils prennent autant de précautions, pour éviter de s’exposer aux frappes aériennes, c’est qu’ils veulent garder leur capacité offensive. Ils encerclent toujours plusieurs villages kurdes ou des zones stratégiques, qui si elles étaient gagnées leur permettraient d’allonger considérablement la ligne de front, et de rendre encore plus complexe  la tache de leurs adversaires.

De la même manière, ils « gardent la main » sur un nombre conséquent, au moins 300 otages, toutes nationalités confondues, dont on sait maintenant le sort effroyable qu’ils peuvent leur réserver. En même temps, comme ils l’ont fait auparavant et  encore récemment, ils peuvent négocier en secret des libérations contre des rançons faramineuses.

Tout semble indiquer qu’ils sont prêts à s’engager dans une guerre de longue durée. Actuellement les services de renseignement constatent qu’ils gagnent plus de soutiens et de nouveaux combattants qu’ils en perdent. Ainsi nombre de jihadistes d’Al-Nosra, qui ont pourtant fait le coup de feu contre eux l’an dernier, sont en train de se rallier à Daesh.  Car, en manque de cibles, la coalition a frappé aussi le Front Al Nosra.

Les bombardements ont également visés des installations pétrolières, et (par erreur?) des silos à grains, censés rapporter des « cent et des milles » aux hommes de l’état islamique, mais le résultat n’est pas au rendez-vous. 
«Au contraire, dit un militaire dépité, d’abord, ce sont de petites installations mobiles d’extraction et de raffinement grossier qui ont été touchées pour l’essentiel. Et  puis c’est la population qui va en pâtir et trinquer. Puisque les prix vont automatiquement augmenter. Et enrichir les poches des islamistes»…

Et ce alors que la campagne de frappes aériennes coute une fortune, des millions de dollars s’évaporent en tomahawk, missiles à guidage laser, et missions de bombardement, pour un résultat incertain, dès lors qu’il n’est pas de troupes à terres pour occuper et récupérer le contrôle des zones frappées.

« A cela, précise un ancien grand policier anti-terroriste, passé dans le privé, il faut ajouter le cout du renforcement des mesures de sécurité partout, par craintes d’attentats qui pourraient survenir … Pensez-vous qu’un Medhi Nemouche, ex-geôlier des otages français, ayant frappé à Bruxelles le Musée Juif,  est revenu en France avec tout son attirail de mort, pour y faire du tourisme? »

« Et quand on entend, ajoute l’expert, des responsables politiques dire que la campagne telle qu’elle est menée pourrait durer des années, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter, parce que nous nous ne nous demandons pas s’il y aura des attentats. Notre question  c’est quand et où ».

Le tableau est donc des plus sombres. L’état islamique ou Daesh, peu importe la dénomination, est toujours maitre de la situation. Il s’est adapté à la nouvelle donne avec une rapidité-éclair. Même s’il perd des hommes ou des moyens, force est de constater que sa capacité de nuisance reste intacte. Face à une coalition bancale, qui malgré toute sa puissance de feu est loin, très loin d’avoir éteint une menace de déstabilisation et de chaos à l’échelle mondiale.

 

Frédéric Helbert