"Il est évident qu’après la Russie n’achètera plus jamais aucun armement à la France. D’autres Etats pourront l’imiter. La France commencera alors à perdre le marché"
La coopération entre la France et la Russie dans la construction des BPC de classe Mistral met en question le choix des sociétés françaises en tant que sous-traitants dans la mise au point d'un système polonais de défense antimissile, a déclaré le ministre de la Défense de Pologne Tomasz Siemoniak dans une interview accordée au quotidien Rzeczpospolita.
Le ministre polonais a souligné qu'il ne voulait pas poser des conditions à la France. Il s'est déclaré convaincu que la France qui est membre de l'OTAN et connaît l'opinion des alliés prendrait une décision responsable. Au cours de ces 10 prochaines années la Pologne se propose de moderniser son système de défense anti-aérienne et de mettre au point un système de défense antimissile. Environ 6 milliards d'euros seront débloqués à ces fins. En juin, le groupe français Thales a remporté un appel d'offre pour la création d'un nouveau système antimissile. Son concurrent dans le cadre de l'appel d'offre était Raytheon américain. Les Français ont fait front commun avec le concepteur de missiles franco-italien MBDA et le groupe polonais Polska Grupa Zbrojeniowa (PGZ). Raytheon a proposé son système de type Patriot. Initialement la Pologne a opté pour le projet européen. Il devait être évidemment un équivalent du système THAAD-Patriot, note le directeur du Centre d'études socio-politiques Vladimir Evseev :
« A présent les Polonais commencent à faire du chantage à la France. Ils disent que la France perdra le contrat si elle livre les Mistral à la Russie. Cela témoigne apparemment de la concurrence déloyale de la part des Etats-Unis qui tentent de cette façon d'éliminer la France du marché polonais pour livrer leur propre système. Car le montant du contrat est considérable ».
Le plan américain sera mis en pratique si la France fournit le Mistral à la Russie et la Pologne se servira de ce prétexte pour renoncer au projet européen. Alors les Américains livreront leurs systèmes aux Polonais. Vladimir Evseev souligne que les Etats-Unis y sont intéressés et, en plus, c'est un moyen d'exercer la pression sur la France.
« La Pologne traduit les intérêts nationaux américains. Les Etats-Unis ont recommandé à la Pologne d'agir de cette façon, ils ont lancé un ultimatum à la France. Ils font feu de tout bois pour créer des problèmes à la Russie, même là où ils n'introduisent pas des sanctions ».
Précédemment la France a déclaré avoir suspendu la livraison à la Russie de deux BPC pour un montant de 1,2 milliard d'euros à cause de l'attitude critique envers cette coopération de la part des alliés de l'OTAN préoccupés par le rôle de Moscou dans la crise en Ukraine. Plus tard le président François Hollande a déclaré que la décision définitive sur l'annulation de ce contrat avantageux pour Paris serait prise en octobre. Si la France renonce au contrat, elle encourt des risques aussi bien financiers que réputationnels car personne n'a besoin de Mistral et seul Moscou peut les acheter. L'expert relève que la France devra elle-même acheter ces porte-hélicoptères inutiles pour elle :
« Il est évident qu'après la Russie n'achètera plus jamais aucun armement à la France. D'autres Etats pourront l'imiter. La France commencera alors à perdre le marché ».
Dans la situation où le navire est déjà construit, il faut le livrer au client. L'expert trouve que pour la France l'intérêt réside dans le développement du partenariat avec la Russie. Quant au contrat polonais, il faut tout simplement l'oublier, car tout porte à croire qu'il n'est pas réalisable pour les Français. Si ce n'est pas la Russie, d'autres raisons seront trouvées. Parce que les Américains souhaitent vivement fournir ces systèmes à la Pologne.