Sur le terrain, les combats font rage...entre les forces kurdes et l’ Etat islamique...
La Turquie fera "tout ce qu'elle peut" pour empêcher les jihadistes de groupe de l'Etat islamique (EI) de prendre le contrôle de la ville frontalière syrienne de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe), a promis le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.
"Nous ne voulons pas que Kobané tombe. Nous avons tendu la main à nos frères de Kobané", a déclaré M. Davutoglu dans un entretien accordé à la chaîne de télévision A Haber-ATV diffusé tard jeudi soir.
"Nous ferons tout ce que nous pouvons pour que Kobané ne tombe pas", a-t-il insisté.
Le gouvernement turc a toutefois clairement fait savoir qu'il ne prendrait pas de mesures immédiates après ce vote.
Sur le terrain, les combats font rage...entre les forces kurdes et l' Etat islamique.
Les combats faisaient rage vendredi aux portes de la ville syrienne de Kobané défendue par les forces kurdes face à l'assaut du groupe Etat islamique (EI).
Une épaisse fumée noire flottait au-dessus de la ville à majorité kurde du nord syrien, assiégée depuis deux semaines par l'EI, et des tirs d'obus s'y succédaient à intervalles réguliers, a constaté une journaliste de l'AFP depuis la frontière turque, distante de quelques km.
Malgré l'avancée des jihadistes, aucune intensification des frappes de la coalition dirigée par les Etats-Unis n'a été notée. Le dernier communiqué du commandement américain fait état de quatre frappes mercredi et jeudi en Syrie dont une près de Kobané, avec l'aide des Emirats arabes unis.
Depuis plusieurs jours, les combattants jihadistes se sont rapprochés par le sud, l'est et l'ouest de Kobané, la troisième ville kurde de Syrie, défendue tant bien que mal par des combattants kurdes inférieurs en nombre et moins bien armés.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), "les combats se sont poursuivis toute la nuit et ce matin" sur la ligne de front, située entre deux et moins d'un km de Kobané (Aïn al-Arab en arabe).
Les Unités de protection du peuple (YPG, principale milice kurde) ont détruit deux véhicules blindés de l'EI.
Idriss Nahsen, un responsable local kurde, a appelé à l'aide internationale "dans cette bataille contre le terrorisme", en réclamant armes et munitions. "Nous défendons Kobané (depuis le 16 septembre). Nous somme seuls".
Les Kurdes sont massacrés
"C'est un massacre commis sous les yeux du monde entier", a dit un témoin des combats, Burhan Atmaca, au poste-frontière turc de Mursitpinar. "Le monde reste silencieux alors que les Kurdes sont massacrés".
Depuis le début de l'assaut, l'EI a pris près de 70 villages aux alentours de Kobané et poussé à la fuite quelque 160.000 habitants kurdes de la région, de peur des terribles exactions de ce groupe takfiri.
Fort de dizaines de milliers d'hommes recrutés sur place et à l'étranger, l'EI contrôle déjà de vastes régions dans le nord et l'est de la Syrie ravagée par plus de trois ans de guerre civile, et occupe également de larges pans de territoire en Irak voisin.
La prise de Kobané, où il ne resterait que quelques milliers de civils, permettrait à l'EI de contrôler sans discontinuité une longue bande frontalière de la Turquie.
Face à cette menace grandissante à ses frontières avec la Syrie et l'Irak, le Parlement turc a autorisé l'armée à mener des opérations contre l'EI dans ces deux pays au sein de la coalition menée par les Etats-Unis et à laquelle participent à différents degrés environ 50 pays.
Le texte autorise également le stationnement sur le sol turc de troupes étrangères participantes.
Les Kurdes ne croient pas à une intervention de la Turquie
Le Parlement turc a donné son feu vert mais les Kurdes qui assistent à la chute annoncée de Kobané n'y croient
plus. Pour eux c'est sûr, le gouvernement d'Ankara n'engagera jamais son armée pour sauver la ville frontalière syrienne assiégée par les jihadistes.
Posté à quelques encablures de la ligne de barbelés qui sépare les deux pays, Nurettin Bayik observe les poings serrés les nuages de fumée noire qui flottent au-dessus de Kobané (Aïn al-Arab en langue arabe). Ce matin, les forces du groupe de l'Etat islamique (EI) sont aux portes de la ville et les combats font rage.
"Nous n'attendons rien des soldats turcs", lâche ce Kurde de Turquie.
"L'armée turque n'envisage pas la moindre opération contre les combattants de l'EI", assure-t-il, "cette résolution va rester lettre morte".
Comme lui, de nombreux Kurdes de Turquie sont persuadés que leurs dirigeants sont avant tout préoccupés par le renforcement du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) plutôt que par la menace jihadiste.
Le mouvement kurde de Turquie, en rébellion contre Ankara depuis 1984, est à la pointe du combat contre le groupe de l'Etat islamique, aussi bien en Irak qu'en Syrie, avec le soutien des pays occidentaux. Mais jusque-là, la Turquie n'a laissé passer qu'au compte-gouttes les Kurdes qui voulaient rejoindre la "résistance" en Syrie.
"Dans le passé, la Turquie a appliqué ses règles d'engagement et riposté à chaque coup de feu tiré par le PKK sur son sol", remarque Cafer Seven, "mais cette fois elle n'a pas réagi lorsque l'EI a visé le territoire turc avec des mortiers".
Plusieurs obus venus de Syrie ont atteint en début de semaine les environs du poste-frontière turc de Mursitpinar. L'armée turque a depuis déployé dans le secteur une cinquantaine de chars et de véhicules blindés, jusque-là restés muets.
Même seuls, sans l'aide de la Turquie voisine et malgré le peu d'efficacité démontré par les frappes aériennes de la coalition, les Kurdes de Kobané restent persuadés que leurs troupes sont en mesure de repousser l'assaut des jihadistes.
"Nous ne cèderons jamais, même si ça doit durer un an", promet Huseyin Hillac, qui a fuit l'avancée de l'EI sur sa ville et s'est réfugié côté turc, "nos camarades vont résister jusqu'à leur dernière goutte de sang".
Ses nombreux "frères" kurdes de Turquie qui se pressent chaque jour sur les collines qui bordent la frontière pour suivre à la jumelle le déroulement du siège de Kobané veulent eux aussi croire à une victoire, même de plus en plus improbable.
"Le monde et la Turquie restent silencieux face à cette tragédie", déplore Mulkiye Asurbayef, une enseignante qui a quitté son domicile de la province turque voisine de Mardin et ses deux enfants pour rejoindre la frontière. "Nous ne partirons pas tant que ce bain de sang ne cessera pas et que les monstres de l'EI ne seront pas défaits".
Avec AFP