Elle est grande favorite de l’élection présidentielle de dimanche contre l’écologiste Marina Silva
Torturée sous la dictature militaire, l'ex-guérillera Dilma Rousseff, s'est convertie en gestionnaire à poigne dans l'ombre de l'ex-président Lula, avant de devenir, en lui succédant, la première femme présidente du Brésil.
A 66 ans, elle part grande favorite de l'élection présidentielle de dimanche après une contre-offensive musclée et payante contre l'écologiste Marina Silva, une ex-alliée dissidente dont l'ascension fulgurante l'a faite trembler au début de la campagne.
Cette Angela Merkel sud-américaine de gauche est aussi austère que n'était jovial son parrain politique, Luiz Inacio Lula da Silva, l'ouvrier syndicaliste devenu président (2003-2010).
"Je suis heureuse, comme rarement je l'ai été dans ma vie, pour la chance que l'Histoire m'a donnée d'être la première femme à diriger le Brésil", avait-elle lancé le 1er janvier 2011, en recevant l'écharpe présidentielle des mains de l'ancien ouvrier syndicaliste. "Succéder au président Lula est un défi: je saurai honorer ce legs".
Dilma Rousseff avait été ministre des Mines et de l'Energie de Lula, de 2002 à 2005, puis sa ministre-chef de cabinet de 2005 à 2010. Elle préside alors aussi le conseil d'administration du géant pétrolier Petrobras.
Elle n'avait jamais encore disputé une élection. Les Brésiliens la connaissaient à peine. Ils se sont peu à peu habitués à la voix forte et au style "dame de fer" de la présidente, dont la coiffure en toupet permanenté fait le régal des caricaturistes.
La torture
Diplômée d'économie, la présidente rabroue ses ministres en public, et pique des colères réputées homériques en privé. Elle manie les chiffres avec aisance, connaît jusqu'au moindre détail de chaque programme de son gouvernement.
Dilma Rousseff ne laisse transparaître que rarement son côté intime: superstitieuse, avide lectrice ne s'endormant qu'après avoir tourné quelque pages, fan de la série Game of Thrones. Elle s'offre parfois une virée nocturne à moto, incognito dans Brasilia.
Dans une rare allusion à son expérience sous la dictature (1964-85), elle laisse poindre son émotion: "Dans ma vie j'ai affronté des situations des plus difficiles, des agressions physiques à la limite du supportable. Et rien ne m'a détournée de mon cap, de mes engagements ni du chemin que je me suis tracé", dira-t-elle après avoir été conspuée avant le match d'ouverture du Mondial-2014, le 12 juin à Sao Paulo.
Dilma Vana Rousseff est née le 14 décembre 1947 à Belo Horizonte (sud-est) dans une famille de la classe moyenne.
Son père, Pedro Rousseff, un immigrant bulgare, avocat et sympathisant communiste, et sa mère professeur, Dilma Jane da Silva, l'initient très tôt à la lecture: Balzac, Zola, Dostoievski.
Pendant la dictature, elle milite dans des organisations armées clandestines de gauche, sous les faux noms d'"Estela", "Vanda" et "Luiza". Son degré d'implication dans des actions armées est encore sujet à polémique aujourd'hui.
Arrêtée à 22 ans, elle est durement torturée et passe près de trois ans en prison. Sur une photo de sa biographie publiée un an après son arrivée au pouvoir on la voit menton relevé, regard insolent, face au militaire qui l'interroge après 22 jours de torture. Un cliché inédit qui émeut tout le pays.
Mme Rousseff a une fille Paula, et un petit-fils de quatre ans, Gabriel.
Elle a divorcé du père de sa fille, Carlos de Araújo, également emprisonné sous la dictature, après 30 ans de mariage.
Avec lui elle a participé en 1979 à la fondation du Parti travailliste brésilien (PDT, de Leonel Brizola) qu'elle abandonnera en 2000 pour rejoindre les rangs du PT de Lula.
Durant des années, elle occupe des postes au gouvernement de l'Etat de Rio Grande do Sul (sud) où elle a passé une bonne partie de sa vie.
Lula aime décrire leur rencontre: "Une camarade est apparue avec son petit ordinateur. On a commencé à discuter et je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose de différent en elle. Alors j'ai pensé: +je crois avoir trouvé ma ministre de l'Energie+".
En 2005, le "Mansalao, un scandale d'achats de votes de députés alliés au parlement décapite la direction du PT et l'entourage de Lula. Il en fait alors sa dauphine.
En quatre ans de présidence, Mme Rousseff a poursuivi avec succès le combat engagé par Lula contre les profondes inégalités sociales du Brésil.
Paradoxalement, elle a déçu dans son domaine: l'économie.