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Pourquoi Abou Bakr al-Baghdadi doit être le calife des Musulmans ?

Pourquoi Abou Bakr al-Baghdadi doit être le calife des Musulmans ?

Un livre électronique rédigé par un partisan de Daesh l’explique.

Un livret rédigé pour vanter les mérites du numéro un de l’Etat Islamique-Daesh, Abou Bakr al-Baghdadi et inciter les gens à lui prêter allégeance refait surface ces derniers temps, dans les milieux salafistes takfiristes .

Intitulé « Tendez les mains pour l’allégeance de Baghdadi », et disponible gratuitement via internet, il a été rédigé en 2013 par un salafiste takfiriste bahreïni, Turki al-Benali et qui se fait appeler Abou Hammam Bakr Ben Abdel Aziz al-Athari.

«  A tous ceux qui ont combattu et combattent toujours  sur la voie de Dieu et qui dépensent tout ce qu’ils ont de précieux pour repousser l’ennemi oppresseur, à tous les émirs de groupuscules et aux chefs des tribus,..., le temps n’est-il pas venu pour que vous vous solidarisiez avec vos frères, pour fonder et édifier votre Etat ? », est lancé dans cet ouvrage.
 

Il ajoute : « l’ennemi s’est uni pour vous combattre, unissez-vous pour le combattre. Il a dépêché ses soldats vers vous, coupez-leur le chemin ».

 

Descendant du prophète?!

Le livret met l’accent sur ce qu’il considère être les mérites de Baghdadi. Dont entre autre son appartenance à la lignée du prophète Mohammad (s). On constate que dans son appellation, Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qureïchi , est surtout mise en exergue sa descendance du petit-fils du prophète Mohammad, l’imam Hussein et celle de Qouraïch, la tribu à laquelle appartenait le prophète Mohammad et sa sainte famille..

Curieusement, son Premier ministre s’appelle Abou Abdallah al-Hassani al-Qouraïchi. De par sa nomination, il appartiendrait lui aussi à la lignée prophétique, mais de par le deuxième petit-fils du prophète, l’imam Hassan, l’ainé de l’Imam Hussein.

Sachant que ces deux imams frères occupent une place prépondérante chez les musulmans chiites!


Docteur en Charia

De plus, l’ouvrage  étale ses études en charia islamique, en signalant qu’il est titulaire d’un doctorat en jurisprudence islamique, et qu’il a écrit trois livres.

Dans son reportage pour la BBC, le rédacteur  Haroune Zelin rapporte d’Abou Hammam que Baghdadi a été diplômé de la Faculté Islamique de Bagdad. Une instance sans renommée dans le monde des études religieuses.

 

Parcours de "jihadiste"

De plus, le fascicule posté sur la Toile met de l’avant son parcours "jihadiste" qu’il considère être exemplaire et qui lui donne l’avantage pour être désigné «calife». A commencer par l’enseignement religieux dans les mosquées, en passant par l’imamat des mosquées, avant de commander des groupuscules jihadistes lors de l’invasion de l’Irak. Par la suite, il est devenu membre du Conseil Consultatif des Moujahidines (CCM), (le CCM étant l’appellation adoptée pour l’organisation d’Al-Qaïda au pays des Rafidaïn (l’Irak) en 2006. Puis, il a été désigné à la tête des comités des tribunaux religieux et de juridiction dans l’Etat islamique et siégeait en même temps au sein du CCM.

C’est après la mort de l’ancien prince des croyants de l’EIIL, Abou Omar al-Baghdadi (avec son Premier ministre Abou Hamza al-Mouhager), en 2010,  qu’il a été désigné à sa succession par le conseil choura du CCM et par les gens de la solution et de décision, (un terme utilisé dans l’histoire politique islamique qui désigne des personnalités influentes au sein de la société, à l’instar des notables, des chefs de tribus, des religieux etc...)


Toutes les conditions

Cet étalage sur la descendance, les diplômes et le parcours de Baghdadi n’est pas inopportun : il devrait servir surtout à répondre à plusieurs problématiques soulevées dans les milieux islamistes sur le bien-fondé de sa désignation.

Dans cette visée, Abou Hammam poursuit son apologie de Baghdadi : sa pièce maitressée étant qu’il remplit les conditions de l’imamat, selon les critères coraniques et la tradition prophétique.

Or dans le texte, il s’avère que ces conditions sont empruntées à l’Imam Badreddine Ibn Jamaa, éminent religieux syrien du 7ème siècle de l’hégire qui a influencé Ibn Jawziyyé, l’inspirateur d’Ibn Taymiyya, le précurseur de l’école salafiste takfiriste wahhabite: «  Etre male, libre, majeur, raisonnable, musulmans, juste, courageux, qoraïchite, savant, capable de prendre en charge la politique de la nation et ses intérêts... », préconisait Ibn Jamaa.

 

Une seule suffit

Par ailleurs, l’ouvrage répond aussi aux réserves qui estiment qu’il n’a pas été désigné par l’ensemble de la nation en disant que cette désignation ni celle de l’ensemble des gens de la solution et de la décision ne sont  nécessaires. Il en arrive même à conclure qu’une seule désignation de la part d’un seul de ces gens influents peut être suffisante. 

Pour confirmer cette thèse, sont étalés les avis favorables de plusieurs références islamiques qui se sont prononcées sur cette question, dont l’Imam Nawawi, Ibn Khaldoune, Ibn Taymiyya , Ibn Hazem, al-Qalqachandi, l’imam Ghazali, l‘imam al-Jawini .

Fort est de constater que ce sont les concertations qui avaient eu lieu au lendemain de la mort du prophète entre ses compagnons qui sont utilisées dans cette partie, sans aucune allusion ni aux citations prophétiques, ni au texte coranique.

Soumission coute que coute

Le livre consacre une partie de ses pages pour répondre aux contestations selon lesquelles Baghdadi a vaincu par la force non pas grâce à l’allégeance des gens de la solution et de décision. Les réponses se permettent toutes les contradictions : Baghdadi a conquis des régions non régies par la Charia. Et Quand bien même elles le seraient, et bien la Charia ordonne aux Musulmans de s’y soumettre, tant que c’est la Charia qui est instaurée.

L’avis de l’Imam Mohammad Ben Abdel Wahhab, qui a fondé l’Arabie Saoudite avec Ben Saoud  est mise en valeur : «  Les Imams de toutes les écoles sont unanimes que ceux qui sont victorieux dans un pays ou autre ont le statut d’imam sur tout et partout ». Cette opnion avait permis de déloger la dynastie des Ottomans en Arabie.

Caduque... arbitraire 

L’ouvrage répond aussi d’une façon aussi sélective à la question posée sur l’intelligibilité de  porter allégeance à un personnage totalement  inconnu des gens. 

Il soutient que ce n’est pas non plus une condition à remplir, et qu’il suffit qu’il soit connu des gens de solution et de décision. Sur cette question, il se base surtout sur l’avis de l’Imam al-Mawardi, grand juge de la dynastie des Abbasides, (4eme et 5eme siècle de l’Hégire\ 9eme et 10eme siècle après Jésus Christ).  
Lequel s’appuyait dans sa thèse sur les obstacles qui empêchaient à cette époque les musulmans d’accéder à cette connaissance.

Perception désormais bien caduque de nos jours, d’autant que sont également ressuscitées dans cette plaidoirie les querelles qui ont émaillé les deux dynasties omeyyade et abbaside.

Une approche aussi arbitraire s’attelle pour réfuter la nécessité pour l’allégeance que « le calife » règne sur l’ensemble du monde musulman pour être obéi par tous les Musulmans. Une allégation qui constitue la pierre angulaire de la plaidoirie des partisans de l’Etat islamique .

 

Ahl al-Cham surtout

En effet, aussi bien les textes sacrés que les évènements historiques sont exploités, arbitrairement, sélectivement et parfois contradictoirement pour assoir le règne de Baghdadi parmi les Musulmans en général.

Mais une spécificité est accordée aux  « soldats de l’état de l’Islam en Irak et au Levant  et aux émirs des groupuscules et les chefs de tribus ». A coup de versets coraniques et de citations prophétiques, ils sont invités à lui obéir et à s’unir autour de lui.

Un traitement de faveur est également perçu à l'encontre des habitants du Levant, (ahl al-Cham), « à ses ulémas, ses étudiants en religion et ses gens  en général ».

La raison de cette spécificité est expliquée par des citations soi-disant prophétiques qui vantent les soldats de trois peuples, ceux du Levant, ceux de l’Irak et ceux du Yémen, mais qui privilégient les premiers.

Il sont sommés de prêter allégeance à Baghdadi qui, pour combattre les forces du président syrien Bachar al-Assad,  a fait de son mieux pour accourir à leur secours, en dépêchant entre autre Abou Mohammad al-Joulani, le chef du front al-Nosra avec lequel il est actuellementen guerre de pouvoir.

Au moins par devoir de remerciement. Toute une panoplie de citations morales  est invoquée sur la nécessité de rendre la pareille aux bienfaiteurs, dont à leur tête n’est autre que Baghdadi.

L’ouvrage se clôture par la persuasion que « les Sunnites vont vaincre les ennemis », qui ne sont autres que « les gens de l’hérésie ».
Terme qui désigne les autres musulmans, entre autre les Chiites. La guerre donne bien son nom, son endroit, ses antagonistes et ses visées.

Une chose est sure: Israël en est totalement épargnée!!