Selon l’estimation la plus optimiste, il faudra au moins cinq ans pour reconstruire Gaza
Sa maison ayant été détruite cet été dans les bombardements d'Israël contre la bande de Gaza, c'est dans une tente dressée près des vestiges du bâtiment que Thabet célèbre l'Aïd al-Adha, l'une des plus grandes fêtes musulmanes.
Aux premières heures des célébrations, qui dureront jusqu'à mardi, Thabet et son fils aîné Naïm distribuent des douceurs et échangent les traditionnels vœux avec leurs voisins et proches du quartier de Zeitoun, dans la ville de Gaza.
Les deux hommes tentent de mettre du baume au cœur aux habitants du quartier malgré les 50 jours de guerre cet été qui ont fait plus de 2.100 morts côté palestinien, en large majorité des civils, et plus de 70 côté israélien, dont 66 soldats.
Mais pour les proches des victimes, la fête vient surtout raviver la douleur. Dans le cimetière de Cheikh Radwan au nord de la ville de Gaza, des dizaines de personnes sont venues déposer des fleurs sur les tombes des disparus.
Parmi eux, Majd al-Dhadouh, 9 ans, est assis près de la sépulture de son père Charban, un chef militaire du Jihad islamique tué dans un raid aérien contre une tour de Gaza.
"A l'occasion des fêtes, tout le monde se réjouit mais nous, notre père est au paradis", sanglote l'enfant, se remémorant les célébrations des années précédentes.
'Comment oublier ?'
"Charban était tout dans notre vie, il était notre fierté", explique la mère de Majd. "On essaye de se réjouir, mais cette fête est vraiment difficile. Comment oublier sa mort ?".
"On ne sent pas que c'est l'Aïd (...) mais on essaye de mettre de la joie dans le cœur des enfants", lance Mohamed Sakr, un habitant de Chajaya, une banlieue à l'est de Gaza.
Installé sur une chaise en bois, Mohamed offre dates et café aux personnes venues le saluer.
Il reçoit près des ruines de sa maison, l'une des 20.000 à avoir été rasées dans les bombardements dans l'enclave palestinienne selon l'ONU.
A Chajaya, quartier durement touché par les frappes, des centaines de personnes ont prié sur les décombres d'une mosquée, tandis que des enfants se rassemblaient dans une rue délabrée autour d'un boucher pratiquant le rite du sacrifice sur une vache et deux moutons, offerts par une association caritative.
Cette tradition reproduit, selon la coutume, le geste du patrarche des prophètes Ibrahim (psl), qui avait reçu un mouton en sacrifice en échange de celui de son fils, après avoir accepté la demande divine de le tuer. La viande doit ensuite être distribuée aux personnes dans le besoin.
Pour de nombreux habitants de la bande de Gaza, où s'entassent 1,8 million de Palestiniens coincés entre l'Egypte, les territoires de 1948 et la Méditerranée, les repas de fête traditionnellement copieux sont devenus inabordables.
Situation économique 'désespérée'
"La situation économique est désespérée", raconte Karam Batsch qui dirige une organisation ayant rassemblé des fonds pour acheter des bêtes.
Plusieurs factions palestiniennes distribuent également de la nourriture aux personnes ayant perdu des proches ou leur maison durant la guerre, précise-t-il.
Les célébrations de l'Aïd ont aussi été l'occasion de discours dont celui d'Ismaïl Haniyeh, l'ex-Premier ministre du Hamas à Gaza, qui a insisté sur l'importance de la reconstruction.
Selon l'estimation la plus optimiste, celle du Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction (PECDAR), il faudra au moins cinq ans pour reconstruire Gaza, en cas de levée totale du blocus imposé depuis 2006 par Israël.
"Nous allons continuer à développer notre force et les moyens de la résistance afin de libérer notre terre", a également assuré M. Haniyeh devant des milliers de Gazaouis rassemblés pour la prière dans un stade de Gaza.
"Nous célébrons (l'Aïd) malgré les destructions. L'ennemi ne pourra pas se réjouir d'avoir gâché notre joie", a pour sa part insisté Khodr Habib, un responsable du Jihad islamique, dans un autre discours.
Avec AFP