La résistance des Kurdes et des rebelles syriens contre les combattants de Daseh à Aïn al-Arab constitue une lutte disproportionnée.
La bataille de Kobané, troisième ville kurde au nord de la Syrie assiégée par les jihadistes du groupe Etat islamique, illustre les limites de la campagne de frappes aériennes menée par les Etats-Unis et leurs alliés.
Les avions de combat et drones de la flotte la plus puissante du monde ont mené près d'une quinzaine de raids cette semaine sans pouvoir apparemment changer le cours de l'assaut jihadiste sur cette région frontalière avec la Turquie lancé depuis le 16 septembre.
La prise de cette ville, où il ne resterait plus que quelques milliers de civils, permettrait au groupe extrémiste de contrôler sans discontinuité une longue bande de territoire frontalière de la Turquie.
Selon des experts et d'anciens responsables militaires américains, la résistance désespérée des Kurdes qui mènent, avec l'appui des rebelles syriens, une lutte disproportionnée contre les combattants de l'EI, montre bien les limites d'une intervention exclusivement aérienne sans appui au sol pour guider les frappes et assurer la présence d'alliés bien organisés sur le terrain qui puissent tirer avantage des raids aériens.
Les combattants kurdes sont loin de former une armée bien organisée et ils sont sous-équipés, affirme Seth Jones, un ancien conseiller auprès des forces spéciales américaines.
"Les Kurdes font face à des combattants de l'EI bien organisés et bien équipés", explique-t-il. "Il s'agit d'un problème plus large qui concerne toute la Syrie où l'intervention américaine n'est pas vraiment bien coordonnée avec des forces sur le terrain, en partie à cause du nombre pléthore de groupes rebelles".
Les frappes aériennes autour de Kobané, la plus petite des trois régions du Kurdistan syrien, ont été jusqu'ici relativement limitées dans leur nombre et leur puissance si l'on compare avec d'autres lieux, ce qui reflète, selon des experts, le manque d'informations dont disposent les renseignements.
Sans appui terrestre aux frappes aériennes à Kobané, les pilotes de chasse ont sans doute du mal à distinguer les alliés des ennemis, d'autant plus que les jihadistes se mêlent aux civils pour dissimuler leurs positions, selon Ben Connable, un ancien agent de renseignement dans le Corps des Marines.
"Nous n'avons probablement pas suffisamment de bonnes sources nous permettant d'identifier les prochaines cibles", suggère cet expert aujourd'hui auprès du groupe de réflexion RAND corporation.
Même avec des caméras ultrasophistiquées et des capteurs dont sont équipés les avions américains, ajoute-t-il, il est difficile d'identifier des cibles ennemies notamment par mauvais temps.
Trop prudent
Des responsables kurdes et américains accusent le président Barack Obama de pêcher par excès de prudence. Ils affirment que des frappes aériennes américaines à pleine puissance pourraient mettre un terme à l'avancée des islamistes.
Le lieutenant général David Deptula, aujourd'hui à la retraite, estime que la campagne aérienne est freinée par des lourdeurs administratives notamment pour approuver des frappes.
"Sur le terrain, on a le sentiment qu'il y a trop de personnes qui tentent de s'immiscer dans la gestion des frappes aériennes", affirme ce haut responsable, qui a dirigé des campagnes aériennes en Irak et en Afghanistan.
A Kobané, appelée Aïn al-Arab en arabe, "on a besoin d'une surveillance 24 heures/24 et à chaque fois que des troupes, véhicules ou des armes appartenant à l'EI sont repérées il faut être en mesure de frapper immédiatement", dit-il.
Or le processus d'approbation des frappes remonte à la guerre en Afghanistan où l'armée américaine a pris des précautions extrêmes après une série de bavures qui ont coûté la vie à des civils.
Mais selon lui, la guerre en Syrie et en Irak est bien différente puisque les cibles sont le plus souvent des combattants à bord de camions et en mouvement.
Le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a balayé ces accusations, soutenant que le chef du Commandement central pour le Moyen-Orient et l'Asie centrale (Centcom), le général Lloyd Austin, avait toute autorité pour diriger la campagne des frappes.
"L'idée selon laquelle la guerre est dirigée depuis la Maison Blanche est fausse. Le général Austin a toute l'autorité dont il a besoin", a affirmé un haut responsable américain sous couvert de l'anonymat.
Le Pentagone a suggéré vendredi que les frappes aériennes en Syrie n'étaient pas forcément destinées à changer le cours de telle ou telle bataille mais visaient à perturber l'approvisionnement en hommes et en matériel afin d'aider l'armée irakienne à combattre l'EI de l'autre côté de la frontière.
"Je souligne une fois encore que l'objectif en Syrie est d'éliminer le sanctuaire et le refuge dont ils disposent", a affirmé le contre-amiral John Kirby. "En Irak, il s'agit de se concentrer sur une assistance des forces de sécurité irakiennes et des forces kurdes au sol".