Mardi, ce sont au moins 18 manifestants qui ont été tués par les forces de l’ordre.
Les autorités turques ont la gâchette facile avec la communauté kurde.
Dans un nouveau bilan des heurts qui ont éclaté mardi dans le sud-est de la Turquie, entre militants kurdes et forces de l’ordre, il est question d’au moins 18 tués parmi les manifestants. Le précédent bilan faisait état de 14 victimes.
Partie d'un appel lancé lundi soir par le principal parti kurde de Turquie, le Parti démocratique populaire (HDP), la vague de protestation a embrasé mardi tout le pays.
Outre Diyarbakir, des morts ont ainsi été recensés à Mus, Siirt, Mardin, Batman et Van (sud-est), dont de nombreux districts étaient soumis mercredi au couvre-feu, au moins jusqu'à jeudi matin. La compagnie nationale Turkish Airlines a de son côté annulé tous ses vols vers Diyarbakir jusqu'à nouvel ordre.
Mardi soir, le vice-Premier ministre Yalcin Akdogan a mis en garde les manifestants. "Nous ne tolèrerons jamais le vandalisme et les autres actes de violence qui n'ont pour seul et unique but que de perturber la paix".
Inviter le bourbier
Face à cette situation, le chef du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), a exhorté le gouvernement à changer sa politique en Syrie, principal grief des manifestants.
"La Turquie a invité le bourbier du Moyen-Orient sur son sol", a estimé Kemal Kiliçdaroglu, "aujourd'hui elle est elle-même prise dans ce bourbier".
Malgré ce chiffre impressionnant et malgré un couvre-feu imposé malgré un couvre-feu imposé, les heurts ont repris ce mercredi à Diyarbakir et Van.
Reprise ce mercredi
Dans la matinée de ce mercredi des heurts isolés ont été déjà signalés entre militants kurdes et la police à Agri et Karliova (sud-est), selon les médias.
A Diyarbakir, considérée comme la "capitale" du sud-est kurde, la police est intervenue avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser plusieurs centaines de manifestants qui leur lançaient des pierres, a constaté un correspondant de l'AFP.
Des affrontements similaires ont été signalés dans le centre-ville de Van (est), a-t-on appris auprès des services de sécurité locaux.
Collusion avec Daesh
Les militants kurdes ont manifesté pour protester contre le refus du gouvernement d'intervenir dans la localité kurde syrienne à Aïn Arab (Kobané en kurde). Elle accuse Ankara de collusion avec Daesh et d’empêcher les militants kurdes turcs d’aller porter main forte aux kurdes syriens.
Selon l’AFP, malgré le feu vert la semaine dernière du Parlement à une opération militaire contre l'EI, Ankara s'est jusque-là refusé à intervenir pour aider les combattants kurdes qui défendent Kobané, pourtant à portée de canons des chars de l'armée turque
Qui a ouvert le feu
L'essentiel des affrontements se sont concentrés à Diyarbakir, considérée comme la "capitale" du sud-est kurde, où dix personnes ont été tuées, a confirmé lors d'une conférence de presse le ministre de l'Agriculture Mehdi Eker.
"La plupart des victimes (recensées à Diyarbakir) sont mortes par balles" lors de heurts entre militants proches des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et partisans de mouvements islamistes, a indiqué M. Eker.
Une version qui laisse entendre que ce ne sont pas les forces de l’ordre qui ont tiré sur les manifestants kurdes.
Originaire de Diyarbakir, le ministre a attribué la responsabilité de ces violences à un "lobby du chaos" désireux "d'empoisonner le processus de paix" et a appelé ses concitoyens à "se retenir d'exprimer leur haine" et ne pas redescendre dans les rues.
La paix menacée
Cette vague de protestation sans précédent ces dernières années, menace de faire dérailler le fragile processus de paix engagé entre la rébellion kurde et Ankara.
Les autorités turques jugent les frappes aériennes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis contre l'EI insuffisantes et redoutent qu'elles ne renforcent le pouvoir du président syrien Bachar al-Assad, leur principal ennemi.
Elle craignent aussi les revendications indépendantistes des kurdes, selon des observateurs.
Le chef emprisonné du PKK Abdullah Ocalan a prévenu que la chute de Kobané signerait la fin des efforts de paix engagés il y a deux ans pour mettre un terme à un conflit qui a fait quelque 40.000 morts depuis 1984.
"La paix menacée", a titré mercredi le quotidien à gros tirage Hürriyet.