Les forces du 14-Mars semblent de plus en plus déconnectés de la rue chrétienne.
Les personnalités et partis politiques chrétiens affiliés au 14-Mars semblent de plus en plus déconnectés de la rue chrétienne, laquelle appuie, dans sa grande majorité, l'engagement militaire du Hezbollah contre les extrémistes d'Al-Qaïda, pour protéger le Liban.
Bien que le monde entier considère les takfiristes de l'«Etat islamique» et du Front qaïdiste al-Nosra comme un «danger existentiel» ou un «cancer» qu'il faut extirper coûte que coûte, les responsables et partis politiques chrétiens membres de la coalition du 14-Mars continuent d'entretenir une position des plus ambigües autour de cette question. Ils ne ratent pas une occasion de faire assumer au Hezbollah la responsabilité de chaque incident, justifiant de la sorte les actes des takfiristes et leur assurant une précieuse couverture politique.
Après l'attaque lancée dimanche par le Front al-Nosra contre des positions du Hezbollah, installées dans la chaine de l'Anti-Liban -en territoire libanais- pour protéger les villages de la Békaa de toute tentative d'incursion, le 14-Mars est revenu à la charge.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a estimé que «l'attaque menée par des éléments armés (il n'utilise jamais les mots terroristes ou takfiristes, ndlr) dans le jurd de Brital et Nabi Sbat prouve une nouvelle fois l'extrême nécessité d'une décision du gouvernement, qui obligerait le Hezbollah à se retirer de Syrie, si bien sûr le souci du gouvernement de protéger le territoire libanais est sérieux».
Même son de cloche du côté du secrétariat du 14-Mars, qui a exprimé dans un communiqué son refus d'une protection des frontières libanaises par le Hezbollah.
L'Eglise soutient le combat du Hezbollah
Toutefois, ces déclarations ne reflètent ni l'humeur populaire chrétien, ni la position de l'Eglise maronite. Le quotidien as-Safir a rapporté, dans son édition de mardi, que le patriarche maronite Béchara Raï aurait dit, en petit comité: «Si les chrétiens étaient interrogés aujourd'hui sur leur avis au sujet des développements, ils répondraient tous que sans le Hezbollah, l'Etat islamique serait à Jounié». Le Safir, qui cite une source informée, ajoute que ces propos auraient été tenus par le patriarche lors d'une réunion restreinte tenue au siège patriarcal de Bkerké, à la veille de sa visite au Vatican. La position du patriarche Raï est en phase avec l'humeur générale de la rue chrétienne. Une tournée dans les villages frontaliers de la Syrie, dans la Békaa et au Liban-Nord, permettrait à tout observateur honnête de constater que l'écrasante majorité des chrétiens non seulement approuve l'engagement du Hezbollah contre les takfiristes, mais considère que les résistants déployés aux frontières constituent une ligne de défense qui protège leurs villages et leur terre contre les attaques des terroristes. Certains vont plus loin, en rappelant que le Hezbollah a consenti de nombreux martyrs pour libérer des villes chrétiennes de Syrie, comme Maaloula, et protéger d'autres localités frontalières habitées par des membres de cette communauté, comme Rablé et Saydnaya. Même les partisans des Forces libanaises regrettent, parfois, les positions de leur chef. A Deir al-Ahmar, une localité maronite de la Békaa, considérée comme un fief des FL, les habitants ne cachent pas leur soutien au combat du Hezbollah. Se sentant directement menacés de par la proximité de la frontière, ils savent plus que tout autre que sans la présence des combattants du Hezbollah, les takfiristes pourraient déferler vers leur village, sans personne pour les arrêter.
Ce phénomène est visible dans les réactions des internautes. Vers la mi-septembre, le site des Forces libanaises a mis en ligne une vidéo du Front al-Nosra, sur une prétendue attaque d'une position du Hezbollah par les takfiristes. De nombreux internautes, tout en affichant leur appartenance ou leur sympathie pour les FL, ne se sont pas privés de critiquer le fait que le site fasse la promotion des soi-disant «victoires» du groupe d'Al-Qaïda. «Les membres du Hezbollah sont comme nous tous, des Libanais»; «Les Libanais doivent s'unir face au danger venant de l'extérieur»... pouvait-on lire sur le site.
L'illusion de la protection internationale
Même au sein du 14-Mars, les positions de Samir Geagea ne font pas l'unanimité. Des sources de cette coalition, citées ce mardi par le site elnashra.com, auraient déclaré: «Tout homme politique membre de notre coalition ayant critiqué le Hezbollah après les incidents de dimanche (l'attaque contre le jurd de Brital) a commis une erreur».
Samir Geagea et le secrétariat du 14-Mars ont une nouvelle fois appelé, dimanche, à l'extension de la résolution 1701 à la frontière libano-syrienne. Ils ont réaffirmé que «seule une présence internationale serait susceptible de protéger le Liban».
De tels propos sont soit le fruit d'une ignorance totale des réalités géopolitiques, soit traduisent une mauvaise foi sans limite. D'abord, aucun pays au monde n'est disposé à déployer des troupes face aux terroristes de l'EI et du Front al-Nosra. Même la «coalition internationale», dirigée par les Etats-Unis, a limité son action contre Daech à une campagne aérienne.
Par ailleurs, le président de la Commission de la Défense au Sénat italien, le sénateur Nicola Latorre, dont le pays est l'un des principaux contributeurs à la Finul au Liban-Sud, a déclaré, lors d'une visite à Beyrouth, cet été, qu'il ne prévoyait pas «d'élargissement du rôle de la Finul».
De toute façon, on a pu mesurer, en direct, l'inefficacité des Casques bleus face aux terroristes dans le Golan. Une cinquantaine d'entre eux ont été capturés par le Front al-Nosra et des centaines d'autres ont évacué leurs positions, qui ont été occupées par les extrémistes.
L'histoire retiendra que Samir Geagea se trouve une nouvelle fois, comme en 1990, aux antipodes de ce que ressent et espère la rue chrétienne. En payera-t-il le prix lors des prochaines élections législatives?
Par Samer R. Zoughaib
Source : French.alahednews