Le journal panarabe assharq el-Awsat a effectué une interview avec un ancien milicien de Daesh qui a fait défection après des mois de combats contre l’armée irakienne. 

Un des fils de tribus d’al-Anbar, Taher Ghanem Douleimi (46 ans), raconte avoir rejoint les manifestations qui ont eu lieu à Ramadi contre le gouvernement irakien pour réclamer les droits des sunnites marginalisés, selon lui. 

« Des groupes comme Daesh s’activaient fortement dans les tentes des sit-in dans les provinces sunnites. Daesh a brandi des slogans en faveur de nos revendications. Il s’est même présenté en tant qu’alternative révolutionnaire aux slogans et sit-in qui n’ont pas poussé le gouvernement à agir. Les drapeaux de Daesh étaient hissés sur les places des rassemblements en tant qu’une partie qui combat contre le gouvernement en faveur des sunnites », raconte Douleimi. 

Précisant qu’il avait combattu dans les rangs des brigades de la résistance irakienne pour repousser l’occupation américaine de l’Irak surtout à Falloujah, Douleimi a indiqué s’être rallié avec un grand nombre de jeunes de tribus aux rangs de Daesh.

« Nous avons décidé de porter les armes contre le gouvernement et l’armée irakienne et d’œuvrer pour saboter le processus politique à Bagdad. Notre objectif était d’aller à Bagdad depuis Ramadi, Falloujah, Tikrit, Hawija, et Mossoul. Les plans étaient préparés et on nous a promis d’être soutenus par des milliers de partisans dans la capitale, qui nous prêteront main forte, dont d’anciens et d’actuels officiers de l’armée irakienne », a ajouté cet ancien milicien de Daesh. 

Et de poursuivre : « Nous avons utilisé au début les armes à notre disposition et nous avons agi avec une sorte d’indépendance en tant que tribus irakiennes. Mais le commandement de Daesh était ferme et nous a obligés de travailler sous sa direction, vu qu’il était le groupe qui contrôlait nos régions. Quant à ceux qui n’obéissaient pas aux ordres de Daesh, leur sort était la mort ». 

Révélant avoir reçu des entrainements dans le désert de l’Ouest qui sépare l’Irak de la Syrie, il a indiqué dans son interview au journal arabe prosaoudien avoir appris la manipulation des mitrailleuses et des lance-roquettes ainsi que le tir des obus de mortier. 

« Des officiers de la police locale voire de l’armée connaissaient à l’avance nos mouvements et ils nous détectaient sans prendre aucune mesure contre nous, ni contre des citoyens arabes éminents dans le groupe Daesh. Il y avait des Yéménites, des Syriens, des Palestiniens, des Saoudiens, des Tunisiens et des Soudanais. Mais au début ils ne sont pas entrés à Anbar et Falloujah. Ils ont compté sur les Irakiens dans la prise de contrôle de villes et dans la préparation du terrain pour l’entrée du reste des combattants arabes », confie-t-il.

Assurant qu’il se déplaçait en liberté à Ramadi et Falloujah et qu’il recevait avec ses collègues les bénédictions de certains responsables sécuritaires, ce milicien « repenti »  admet que « les combattants de Daesh obtenaient facilement les treillis militaires de la police et de l’armée et des voitures portant des plaques gouvernementales pour mener des assauts militaires contre des sites sécuritaires ou gouvernementaux ». 

Au sujet de l’armement de Daesh, Douleimi affirme que ce groupe gagnait de nouvelles armes après chaque attaque contre l’armée. « Daesh ne possédait que des armes légères et moyennes… je ne possède pas d’explication sur les raisons des victoires de Daesh sur les forces irakiennes surtout celles blindées. Nous avons acquis très facilement des jeeps et des Hamer américains des forces irakiennes, et parfois cela se faisait sans aucune confrontation », dit-il avec surprise. 

Tentant d’expliquer les victoires de Daesh, il avance que le soldat irakien, peu discipliné, craignait la mort aux mains de Daesh et pour cette raison il remettait toutes ses armes au groupe sans aucune résistance !

Et de témoigner de l’exécution sommaire de nombreux policiers et soldats irakiens qui ont été attaqués, pris en otage et menottés.  

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à fuir Daesh, Taher a répondu : « Je pensais au début que Daesh cherchait vraiment à réaliser les demandes de la population. Mais, moi et mes collègues, avons découvert que Daesh veut prendre le contrôle de l’Irak et réaliser des agendas extérieurs loin de nos revendications nationales. Ils ont commencé à agir contrairement aux enseignements islamiques ou mœurs tribales. Daesh a exécuté des rebelles de tribus qui ont voulu faire défection pour protester contre le meurtre des Irakiens sans raison valable ». 

Il a enfin refusé d’informer le gouvernement sur son endroit, affichant des craintes quant « à la présence de liens secrets entre certains officiers irakiens avec Daesh », et a dit avoir peur d’être dénoncé auprès de Daesh qui le tuera ainsi que sa famille sans aucun doute !

  

Source: assharq el-Awsat