Le danger du jihad en Europe ne réside pas uniquement dans ces milliers d’Européens qui rentreront un jour dans leurs pays des champs de bataille au Proche-Orient.
La montée de l'extrémisme islamique ne menace pas les seuls pays d'Orient où il a largement bénéficié des fruits du « printemps arabe». Le danger du jihad en Europe ne réside pas uniquement dans ces milliers d'Européens qui rentreront un jour dans leurs pays des champs de bataille au Proche-Orient.
Une armée de migrants qui prennent d'assaut les frontières de l'Union européenne est un terrain propice non seulement à la croissance de la misère et de la criminalité dans les pays occidentaux prospères, mais aussi à la formation des foyers d'extrémisme incomparablement plus grands. La migration clandestine vers l'Europe a sensiblement augmenté dans la deuxième moitié de l'année dernière. L'agence européenne pour les frontières extérieures de l'UE FRONTEX a communiqué que plus de 100 000 migrants illégaux ont été arrêtés sur les frontières de l'UE, soit une augmentation de 48 % par rapport à l'année précédente.
Il ne faut pas oublier que des milliers de personnes doivent être non seulement contrôlés, mais aussi sauvés aux abords des frontières européennes. L'année dernière 40 000 réfugiés sont arrivés en Europe depuis l'Afrique du Nord. Ils ont envahi l'Italie. Après la mort en Méditerranée d'environ 400 migrants clandestins venant de l'Afrique le 18 octobre 2013, Rome a pris la décision de lancer l'opération Mare Nostrum. Cette opération n'est pas la première. L'opération similaire, Constant Vigilance, a été menée en Italie depuis 2004. Mare Nostrum avait pour mission non seulement d'étendre les possibilités de régulation des flux migratoires, mais aussi de sauver les vies humaines.
L'Italie fait de son mieux. En un an 900 marins et pilotes de 32 unités de la marine italienne ont participé à plus de 400 opérations onéreuses. 95 000 personnes ont été sauvées à l'aide de satellites, de drones et de deux sous-marins ! Rien qu'en deux jours d'août 4 000 migrants ont été sauvés de la mort imminente. En un an, les marins italiens ont saisi 9 bateaux et ont arrêté 350 trafiquants s'occupant de l'immigration clandestine.
Pourtant la situation s'est empirée en 2014. Le nombre de réfugiés souhaitant atteindre les côtes italiennes s'est multiplié par trois par rapport à 2013 pour atteindre 118 000. Selon le HCR plus de 3 000 réfugiés ont trouvé la mort en mer. La plupart dans la deuxième moitié de l'année, tout comme en 2013.
De tels développements ont, semble-t-il, donné à réfléchir à l'Europe. Le ministre italien de l'Intérieur Angelino Alfano a déclaré à l'issue de la récente rencontre des ministres européens de l'Intérieur au Luxembourg qu'à partir du 1er novembre l'opération Triton succéderait à Mare Nostrum qui engagerait huit pays (Finlande, Espagne, Portugal, France, Pays-Bas, Lettonie, Malte et Islande) sous l'égide de FRONTEX.
A première vue, l'UE a enfin décidé de s'attaquer sérieusement au problème. Cependant la déclaration d'Angelino Alfano a été presqu'aussitôt suivie d'éclaircissements du chef de FRONTEX Gil Arias Fernandez. Celui-ci a déclaré que l'agence et l'Union européenne ne pouvaient pas remplacer la responsabilité des pays membres pour le contrôle de leurs frontières et qu'elle leur accorderait seulement son soutien.
Il s'est avéré que le financement mensuel de Triton par l'UE ne constituait qu'un tiers du budget mensuel de Mare Nostrum. En plus, le matériel octroyé était incomparable: quatre navires, deux vedettes, deux avions et un hélicoptère. En plus la zone surveillée était rigoureusement limitée à environ 50 km du littoral italien. A la question de savoir qui sauvera des dizaines de milliers de personnes désespérées en haute mer, M. Fernandez répond tranquillement : la décision de limiter ou d'arrêter l'opération Mare Nostrum relève de la compétence du gouvernement italien. « Le sauvetage des vies humaines est toujours une priorité absolue, mais le mandat de l'agence consiste dans le contrôle des frontières et non pas dans les recherches et le sauvetage ». Ainsi personne sauf l'Italie ne se propose de s'occuper de la sécurité des frontières méridionales de l'Europe et du sauvetage des milliers de personnes.
Il paraît que l'Italie est vouée à porter seule ce lourd fardeau d'une grave crise humanitaire. Cependant, selon le vice-amiral Filippo Mario Foffi, commandant de la marine italienne, ce problème doit être tranché ailleurs. Dans une interview au journal As-Safir il a relevé les problèmes auxquels devraient réfléchir les politiques européens : « Qu'est ce qui va se passer encore en Syrie, Libye, Erythrée, dans des régions du littoral africain, en Ukraine et en Palestine ? Voilà ce que nous devons tenter de changer. Il faut contrôler et régler les crises là où elles éclatent et non pas en mer. La solution est là».
AvecLa Voix de la Russie