29-11-2024 04:39 AM Jerusalem Timing

Chute du mur de Berlin: de l’euphorie à la déception dans le camp de Gorbatchev

Chute du mur de Berlin: de l’euphorie à la déception dans le camp de Gorbatchev

Ses anciens conseillers et proches déplore une "époque de grandes illusions" et parlent de trahison des Américains et des Européens.

Ils ont regardé, euphoriques, le mur de Berlin tomber. Mais 25 ans plus tard, les conseillers de l'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev dénoncent la "trahison" des Occidentaux et en veulent pour preuve la crise ukrainienne.
   
Six ans avant la chute du Mur, un nouveau leader dynamique s'installe au Kremlin après 20 ans de glacis brejnévien. On est en 1985, la Guerre froide n'a pas encore vécu mais la politique d'ouverture de Mikhaïl Gorbatchev, sa "perestroïka", change profondément l'image d'"Empire du Mal" qui colle à l'URSS. Bientôt, le mur de Berlin, l'URSS, va tomber. Et les frontières de l'Europe être redessinées.
   
Les relations entre le nouveau maître du Kremlin et les dirigeants étrangers, "surtout la direction américaine", deviennent rapidement "personnelles voire amicales", se souvient, nostalgique, le conseiller de Mikhaïl Gorbatchev pour la politique extérieure Anatoli Tcherniaev, 95 ans.
 "Avec la chute du Mur de Berlin, il est devenu clair que le processus était irréversible", raconte-t-il à l'AFP. "C'était une époque d'euphorie générale", ajoute le vieil homme avec un demi-sourire.
   

Pour le conseiller de l'ambassade soviétique à Berlin, Igor Maximytchev, la nuit du 9 au 10 novembre 1989 a été particulièrement agitée. Quelques heures après l'annonce qu'il est possible de quitter l'Allemagne de l'Est, nombre de Berlinois se ruent vers "le mur de la honte", qui passe à 300 mètres de la mission soviétique.
"De ma fenêtre, je vois des gens silencieux traverser en file l'avenue Unter den Linden dans le noir, en direction du mur", se souvient l'ex-diplomate de 82 ans. "J'entends leurs pas, et surtout j'ai très peur d'entendre des tirs", confie-t-il à l'AFP.
 "Il n'y a pas eu de tir. Il n'y avait plus de frontière non plus", résume-t-il.
 Le lendemain, "Gorbatchev apprend, satisfait, la nouvelle et remercie l'ambassadeur pour sa sage politique. Soulagement général".
   
 

La promesse des Occidentaux 

Mais les événements qui suivront la réunification de l'Allemagne -- l'élargissement de l'OTAN et surtout l'éclatement de l'URSS fin 1991 -- assombrissent aujourd'hui les souvenirs des proches de Gorbatchev.
   
"La réunification de l'Allemagne était un pas logique, mais à condition que l'URSS participe à la nouvelle Europe et que l'OTAN ne s'approche pas de nos frontières", s'emporte Igor Maximytchev.
   
"Gorbatchev avait bien posé cette condition, et les leaders occidentaux l'ont rassuré", insiste-t-il. "Malheureusement, il n'a signé aucun document dans ce sens", concède l'ancien diplomate.
   
La plupart des décideurs occidentaux de l'époque de la fin de la Guerre froide ont toujours rejeté les accusations d'une promesse violée.
   
Igor Maksimytchev déplore cette "époque de grandes illusions" quand "on croyait l'Occident sur parole". Et rappelle que l'Otan a intégré 13 pays de l'ancien bloc socialiste.
   
Le soutien actuel des Occidentaux aux autorités de Kiev qui veulent accélérer le rapprochement avec l'Union européenne et l'Alliance atlantique est pour les conseillers de M. Gorbatchev, comme pour le Kremlin de Vladimir Poutine, une preuve de plus de la trahison des Américains et des Européens.
   
 

Bientôt l'OTAN en Ukraine?

Anatoly Tcherniaev affirme avoir été témoin des assurances de Washington sur le non-élargissement de l'OTAN vers l'Est.
"De mes propres oreilles, j'ai entendu le secrétaire d'Etat américain James Baker promettre à Gorbatchev, le 9 février 1990, dans la salle de Catherine II du Kremlin, que l'Otan ne s'étendrait +pas d'un pouce+ à l'Est, si nous acceptions l'entrée de l'Allemagne réunifiée dans l'alliance", raconte-t-il.
 
"Gorbatchev prenait ces assurances comme une parole d'honneur donnée entre amis", explique M. Tcherniaev.
"Gorbatchev doit expliquer pourquoi il croyait ce que l'Occident lui disait", martèle l'ex-ambassadeur soviétique à Bonn au début des années 1990, Vladislav Terekhov.

"Après toutes les belles paroles sur la création d'une Europe unie, de l'Atlantique au Pacifique, les forces de l'Otan camperont bientôt chez nos voisins ukrainiens", dit-il à l'AFP, sans cacher son dépit.

"A l'époque on se comportait pourtant comme des amis avec l'Europe", ajoute l'ex-diplomate de 81 ans qui a participé notamment à l'élaboration du Traité sur le partenariat et la coopération entre l'URSS et l'Allemagne réunifiée.

"Les Occidentaux assuraient qu'ils voulaient en finir avec le communisme, mais en fait leur but réel était de mettre fin à l'URSS, et la position anti-russe de l'Occident dans la crise ukrainienne en est une preuve de plus", résume Anatoli Tcherniaev.