La Russie réduit les investissements dans les obligations d’Etat américaines et retirera,à partir du printemps prochain,ses dépôts dans des banques américaines. Rien qu’en mars 2015, plus de 100 milliards de dollars seront retirés
La Russie est disposée à desserrer l'étau du dollar. Il s'agit aujourd'hui de renoncer au billet vert dans le commerce du pétrole et du gaz. La Russie doit substituer aux prix en dollars son propre système de formation des prix des matières premières énergétiques en roubles.
La Russie possède des alliées en puissance dans sa volonté d'introduire des paiements en monnaie nationale. L'allié le plus puissant est la Chine. En octobre 2013 le chef du pétrolier russe Rosneft Igor Setchine a déclaré au cours du Congrès énergétique international qu'il était nécessaire de créer un « mécanisme mondial de commerce du gaz naturel » et « une bourse internationale pour les pays qui le désirent afin de réaliser des transactions en monnaies régionales ». En novembre 2013 la Banque populaire de Chine a décidé « qu'accumuler les monnaies étrangères ne répondait plus aux intérêts » du pays et Pékin a déclaré qu'il fallait choisir une nouvelle monnaie de réserve internationale pour remplacer le dollar.
La guerre contre le dollar est menée simultanément sur plusieurs fronts : pétrolier, gazier et monétaire.
Front pétrolier. Le projet du commerce des matières premières énergétiques sans dollars a commencé à prendre corps à la Bourse des matières premières de Saint-Pétersbrourg en mai 2014. L'idée clée consiste à abandonner le dollar dans la zone la plus dynamique et prometteuse du marché mondial des ressources énergétiques, à savoir l'Asie-Pacifique, au profit du yuan et du rouble. Les sociétés d'Etat russes ont pour objectif de garder la totalité de la plus-value. Outre la Chine, les alliées en puissance de la Russie sont l'Inde et l'Iran. La Russie a proposé à l'Inde plusieurs projets de grande envergure dans le domaine pétrogazier dès le mois de mars dernier. L'Iran est en train d'organiser, depuis 2004, une bourse du pétrole indépendante par rapport au dollar.
Moscou se propose d'obtenir un avantage colossal susceptible de minimiser la dépendance vis-à-vis des marchés occidentaux et assurant des bénéfices maximum. Des démarches réuissies en ce sens ont été déjà faites. Le 13 octobre Rosneft et la Corporation pétrogazière nationale de Chine ont signé un accord sur l'approfondissement à long terme de la coopération stratégique dans le domaine du pétrole et du gaz.
Front gazier.Selon Washington Times, en mai Vladimir Poutine « a remporté une victoire stratégique en signant un contrat gazier avec la Chine ». Selon la presse américaine, ce « marché du siècle » empêchera les Etats-Unis d'isoler la Russie à l'aide de sanctions économiques et permettra d'enlever au dollar son statut de monnaie de réserve mondiale. En été Gazprom et la Chine ont concerté la construction du gazoduc Sila Sibiri et en juin l'Inde a déclaré son intention de le conduire jusqu'à sa frontière.
En septembre, le chef de Gazprom a annoncé un accord sur le deuxième grand contrat avec la Chine portant sur la construction du gazoduc Altaï et les livraisons de 100 milliards de mètres cubes de gaz par an dans la région d'Asie-Pacifique. Le contrat doit être signé dès le mois de novembre. Selon les experts occidentaux, les fournitures par le biais du gazoduc Altaï évinceront du marché chinois environ 21 millions de tonnes de gaz importé. Cela portera un coup aux exportateurs comme les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et le Qatar dont les fournitures sont orientées essentiellement sur le marché asiatique.
Front monétaire. En octobre, lors du forum La Russie appelle, Vladimir Poutine a déclaré l'intention d'introduire activement la monnaie nationale dans les règlements avec la Chine et d'autres partenaires. La Russie réduit les investissements dans les obligations d'Etat américaines et retirera, à partir du printemps prochain, ses dépôts dans des banques américaines. Rien qu'en mars 2015, plus de 100 milliards de dollars seront retirés des comptes de la Fed.
La Russie a brusquement intensifié l'achat d'or sur le marché mondial et a augmenté ses réserves d'or de plus de 18 % au cours de ces six derniers mois, devançant au début de l'automne la Chine et la Suisse en termes de part de l'or dans l'ensemble des réserves. La Banque de Russie réduit simultanément la part du dollar. La Banque nationale du Kazakhstan agit de la même manière. Certains experts occidentaux estiment que l'accumulation de l'or par Moscou et Astana fait partie d'une politique monétaire coordonnée.
La Chine dont les réserves en dollars sont les plus grandes au monde met en place, sur la base de la Bourse de l'or de Shanghaï, un centre de formation d'un marché de ce métal. Selon les économistes occidentaux, le but est de maîtriser le contrôle de l'ensemble du commerce de l'or et d'en priver la bourse américaine Comex afin de procéder par la suite à un « redémarrage » monétaire complet grâce à un brusque changement du prix de l'or.
Washington fait feu de tout bois pour bloquer les actions et les alliances faisant peser une menace mortelle sur le billet vert. Les Etats-Unis ne cachent plus qu'ils mènent une guerre contre la Russie. Le 17 septembre le secrétaire de presse de la Maison Blanche Josh Earnest a dit dans son commentaire de la chute du rouble : « Notre objectif consistait initialement à isoler la Russie et à la faire payer économiquement ». Les Etats-Unis et leurs alliés saouditens jouent à la baisse des prix du brut contre la Russie. Pour l'économie russe une baisse du prix de pétrole n'est pas dangereuse en tant que telle, mais plutôt comme prétexte à une attaque contre le rouble pour les gros spéculateurs.