25-11-2024 12:24 PM Jerusalem Timing

Les USA détruisent les infrastructures pétrolières sous le prétexte de Daesh

Les USA détruisent les infrastructures pétrolières sous le prétexte de Daesh

Daesh transporte le pétrole volé dans des camions et le vend au marché noir en Turquie

Les USA envisagent de bombarder les pipelines en Syrie prétendant à une tentative de mettre fin aux profits énormes réalisés par ISIS grâce à l’annexion des champs pétrolifères

Le journal The Independent cite Julieta Valls Noyes, secrétaire adjointe américaine aux affaires européennes et eurasiennes qui, lors d’une visite à Londres, précise qu’ISIS engrange 2 millions de dollars de vente de pétrole par jour et que les Etats-Unis envisagent des attaques aériennes ainsi que des « frappes chirurgicales sur certains pipelines » et de « réelles actions physiques pour couper le débit ».

Le problème avec cette justification en vue de détruire les pipelines de pétrole syriens tient au fait qu’ISIS n’a pas la capacité d’utiliser les pipelines pour transporter le pétrole. ISIS transporte le pétrole volé dans des camions et le vend au marché noir en Turquie.

Ceci est reconnu dans le même article de « The Independent » qui a cité Mme Noyes.

"The Independent" prétend que :

    ISIS a revendu une partie des hydrocarbures issus des installations saisies au régime de Damas au travers d’échanges locaux alors que, dans le même temps, des cargaisons ont été vendues au marché noir en Turquie avec la complicité du gouvernement Erdogan accusé de fermer les yeux sur ces transactions illicites.

Si les USA souhaitaient réellement stopper les profits tirés du pétrole par ISIS, ils bombarderaient ces convois de pétrole, très facilement repérables via une surveillance aérienne conventionnelle déjà opérationnelle dans le dispositif actuel des opérations occidentales.

L’agenda US qui préside à la destruction des pipelines syriens n’a pas grand-chose à voir avec le profit que tire ISIS du pétrole, et bien plus à voir avec le fait de détruire les infrastructures pétrolières syriennes. En fait, les statistiques qui prétendent qu’ISIS récupère deux millions de dollars par jour de la vente de pétrole brut est une estimation d’une société de consulting spécifique (IHS) basée dans l’état du Colorado aux Etats-Unis.

L’administration américaine choisit de retenir cette estimation comme une source insoupçonnable. Il semble bien plus vraisemblable que l’échelle des profits a été exagérée de manière à détourner l’attention du fait qu’ISIS reçoit des fonds d’acteurs étatiques comme la Turquie, le Qatar ainsi que d’autres états du Golfe Persique tout en présentant une excuse pour cibler l’infrastructure syrienne.

Le mois dernier, les attaques aériennes américaines sur la Syrie et l’Irak avaient soi-disant détruit de petites raffineries à Raqqa. Aucun effort n’a été fait pour prouver si ISIS était réellement capable d’utiliser les raffineries de pétrole syriennes. En fait, la même société de consulting que l’administration US cite concernant les profits tirés du pétrole par ISIS déclare qu’ISIS vend du pétrole brut non raffiné. IHS ajoute que cette estimation avait lieu avant les « frappes aériennes américaines » en éludant la notion que les frappes aériennes américaines auraient eu un effet sur les profits du pétrole réalisés par ISIS. Néanmoins, l’Observatoire syrien pro- insurrection pour les droits humains basé à Londres, qui était, comme l’établissement géré par les occidentaux, considéré par les média comme la source la plus fiable lors de la crise syrienne, a précisé que les raffineries de pétrole n’étaient pas des cibles réelles et n’étaient pas utilisées par ISIS.

Reuters nous apprend que :

    « Ces soi-disant raffineries ne représentent pas une cible sérieuse et n’affaiblissent pas l’état islamique dans la mesure où elles n’ont pas de valeur financière pour lui,» a précisé Rami Abdel Rahman de l’Observatoire à Reuters. « Elles sont composées de camions qui comportent des équipements dédiés à séparer le diesel et le pétrole et sont utilisées par des civils ».

Les deux principales raffineries pétrolières sont situées à Homs et Banyas et nulle part dans les alentours de Raqqa. La déclaration US prétendant qu’ils détruisent les raffineries source de la richesse D’ISIS n’est que poudre aux yeux et servira sans doute à justifier plus encore la destruction des infrastructures syriennes à terme.

La destruction des infrastructures de pétrole syriennes ouvrirait également la porte aux compagnies pétrolières britanniques et américaines en vue de décrocher les contrats de reconstruction qui seront payés au titre de dette par l’état syrien. Les compagnies qui gèrent la production de pétrole et de gaz en Syrie empêcheraient ainsi la Syrie de nationaliser ses propres ressources et de devenir un état prospère et indépendant. Cela générerait un esclavage fondamental du pays tout en diminuant la menace qui repose sur les états clients des US incluant Israël, l’Arabie Saoudite et la Turquie.

L’enjeu des gazoducs

Les tracés des pipelines en compétition pour l’importation du Gaz de la Caspienne et du Moyen-Orient jusqu’à l’Europe du sud-est

Il semble qu’il existe d’autres intérêts aux objectifs US que de disposer du pétrole syrien. Les américains cherchent également à contrôler le débit du pétrole ainsi que ses ventes à d’autres nations ce qui est bien plus important pour atteindre une hégémonie globale. Leur objectif pourrait également aussi concerner davantage les réserves gazières d’Iran et de Russie que leur intérêt pour le pétrole syrien.

The Guardian déclare :

    En 2009… Assad refusa de signer une proposition d’ accord avec le Qatar qui proposait de construire un pipeline partant de ses champs du nord, contigus aux champs pétrolifères iraniens de South Pars et traversant l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie puis la Turquie en vue de fournir les marchés européens, tout en contournant tout particulièrement la Russie. La logique d’Assad consistait à « protéger les intérêts de son allié russe », qui est le premier fournisseur de gaz naturel en Europe.

Au lieu de cela, l’année suivante, Assad a poursuivi les négociations en faveur d’un plan alternatif de 10 millions de dollars avec l’Iran pour la construction d’un pipeline qui passerait par l’Irak et la Syrie et qui permettrait potentiellement à l’Iran de fournir à l’Europe du gaz issu de ses champs de South Pars partagés avec le Qatar. Le protocole d’entente (MoU) mis en place pour le projet fut signé en juillet 2012 – juste au moment où la guerre civile syrienne gagnait Damas et Alep – et précédemment cette année, l’Irak signait un accord cadre pour la construction des pipelines de gaz. Le projet de pipeline Iran/Irak/Syrie fut un camouflet au regard des plans qatari.

Le projet de pipeline prévu par l’Iran, l’Irak et la Syrie passant par la côte syrienne et dans la Méditerranée au long de laquelle la Russie est présente, permettrait un contrôle russe sur la production et le débit du gaz iranien atténuant ainsi les rivalités entre les divers pays concernés.

L’intérêt du Qatar à financer l’insurrection avait pour objectif de renverser la Syrie et d’installer une opposition malléable qui signerait l’accord qatari sur le pipeline. La Turquie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie avaient elles aussi tout intérêt à ce que ce plan aboutisse. Cette opération répondait aux objectifs américains de casser et d’affaiblir l’influence russe sur l’Europe.

Quoiqu’il en soit, ils ont aussi une alternative pour y parvenir. Le pipeline Nabbaco prévu et censé s’étendre de l’Iran à la Turquie puis à l’Europe mettrait directement le gaz russe et le gaz iranien en concurrence. De plus, en l’absence d’une destitution effective du gouvernement syrien, les US ont prévu de détruire ce qu’ils ne peuvent contrôler. Une guerre permanente et la destruction de pipelines empêcheraient ou tout au moins retarderaient tous accords ultérieurs imaginables en matière de pipelines.

Au regard des gros titres des médias alignés tel que « les US bombardent les pipelines contrôlés par ISIS », il est facile d’oublier que les pipelines et les raffineries que les US envisagent de bombarder n’appartiennent pas à ISIS mais au peuple syrien.



 

The Daily Sheeple

Contribution de Maram Susli du New Eastern Outlook
Maram Susli également connue comme la « fille syrienne » est une journaliste-activiste et commentateur social qui couvre la Syrie et les sujets plus généraux de géopolitique particulièrement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

Traduit par Hélichryse pour Réseau International