Les traders ont privilégié leur intérêt personnel sur celui des clients. Ils ont tenté de manipuler le marché et trahi la confiance du public et des régulateurs
Les régulateurs américain et britannique ont infligé des amendes de 2,5 milliards d'euros au total contre cinq banques internationales accusées d'avoir manipulé le marché des changes, un nouveau coup de balai dans le grand ménage lancé depuis la crise financière.
Ces décisions annoncées mercredi sanctionnent de vastes établissements financiers déjà punis dans le scandale de malversations autour du taux interbancaire Libor et confrontés à des litiges en cascade et autres soupçons d'évasion fiscale.
Les banques britanniques HSBC et RBS, américaines Citibank et JP Morgan Chase et suisse UBS se voient punies cette fois par l'autorité de conduite financière du Royaume-Uni (FCA) et par le régulateur américain des marchés dérivés (CFTC) pour avoir entre autres tenté d'infléchir un taux de référence du marché des changes.
Des cambistes auraient notamment utilisé des forums de discussion sur internet et des messageries instantanées pour se concerter de façon indue.
Ce gigantesque marché voit transiter quelque 5.300 milliards de dollars par jour - dont 40% via la City de Londres -, aussi la moindre entorse aux règles de bonne conduite engendre-t-elle un effet boule de neige.
"Les traders ont privilégié leur intérêt personnel sur celui des clients. Ils ont tenté de manipuler le marché et trahi la confiance du public et des régulateurs", a tempêté le directeur général de la FCA, Martin Wheatley, en dénonçant les abus permis par "l'auto-régulation des marchés".
Chacune des banques fautives va devoir régler une facture équivalente à au moins 470 millions d'euros. Le régulateur helvétique a imposé à UBS une pénalité supplémentaire de 134 millions de francs suisses (111 millions d'euros) dans la même affaire.
Poursuites judiciaires
Ces amendes s'inscrivent dans le cadre d'un règlement négocié par les régulateurs avec un groupe de six banques. Seule la Britannique Barclays n'a pas accepté les termes proposés. Elle a fait savoir qu'elle continuait de discuter avec la FCA et la CFTC.
"Aujourd'hui nous prenons des actions sévères pour en finir avec la corruption de certains, de façon à ce que le système financier fonctionne pour tout le monde", a souligné le ministre britannique des Finances, George Osborne.
Des employés passés ou actuels de ces établissements pourraient faire l'objet de poursuites judiciaires.
Déjà, la Banque d'Angleterre a congédié un de ses principaux responsables du marché des changes, accusé de n'avoir pas fait connaître ses soupçons dans cette affaire.
Ces amendes interviennent après le scandale de manipulation du taux interbancaire Libor, qui a valu des sanctions financières à sept banques au moins. Elles surviennent aussi au moment où les établissements financiers internationaux font face à une série de litiges qui les exposent à des centaines de millions d'euros de pénalités supplémentaires, au bas mot.
'Assez peu' pour les banques
Les faits reprochés autour du marché des changes se sont produits entre le début 2008 et la fin 2013, soit juste après l'éclatement de la crise financière qui a mis en lumière les excès les plus visibles du secteur.
"La multiplication des sanctions dans les pays anglo-saxons à l'égard du secteur bancaire relève d'une volonté des régulateurs, bien souvent incités fortement par les législateurs à ne plus réitérer les errements qui ont conduit à la dernière crise financière mondiale", a expliqué à l'AFP l'économiste Christopher Dembik, de Saxo Banque.
Il juge toutefois qu'en faisant des banquiers des "victimes expiatoires", les régulateurs et les Etats s'évitent un "examen de conscience".
Les banques ont déjà dû payer l'équivalent de dizaines de milliards d'euros pour solder d'autres contentieux, liés notamment à la vente forcée d'assurances crédit au Royaume-Uni ou aux crédits immobiliers "subprime" aux Etats-Unis.
La française BNP Paribas a même écopé d'une amende équivalente à 6,6 milliards d'euros aux Etats-Unis pour avoir enfreint des embargos américains sur plusieurs pays (Cuba, Soudan et Iran).
De ce point de vue, "2,5 milliards d'euros à répartir entre cinq banques, c'est donc assez peu", souligne M. Dembik pour qui elles n'auront "même pas besoin de réduire les dividendes" versés à leurs actionnaires.
En Europe, les administrations fiscales élargissent pour leur part leurs recherches sur d'éventuels soutiens apportés par des banques à l'optimisation, voire à l'évasion, fiscale de clients.