Les responsables américains affichent de concert des positions dans lesquelles leur priorité est accordée à l’éradication de Daesh.
Aussi bien dans les déclarations que dans les faits, un certain remaniement s’entrevoit de la position américaine à l’encontre du maintien du président syrien Bachar al-Assad au pouvoir.
Pour l’opposant syrien vivant en France Haytham Mannaa, c’est une politique schizophrène qui est désormais exercée par les occidentaux dans la crise syrienne. Elle s’illustre à travers l’utilisation d’un double langage : le premier affiché médiatiquement est hostile au maintien du président syrien Bachar al-Assad au pouvoir alors que le second, exprimé en huis-clos en catimini, soutient son maintien, au moins pour les deux années à venir, a-t-il expliqué mercredi soir dans un entretien pour la chaine de télévision panarabe al-Mayadeen.
Ces révélations coïncident avec les récents propos attribués aux dirigeants américains et qui reflètent bien l’existence d’une nouvelle approche politique de la crise syrienne, mais toujours véhiculée dans le double langage.
Dans les récentes recommandations du président Barak Obama, il est question pour son équipe de mettre au point une nouvelle stratégie pour se comporter aussi bien avec Daesh qu’avec le gouvernement syrien en même temps.
Sans tarder, ces propos cités par la CNN et rapportés par la chaine de télévision arabophone pro américaine al-Hurra ont été démentis par le secrétaire d’Etat à la défense Chuck Hagel. Schizophrénie oblige.
Mais devant la commission des forces armée américaines du Congrès, tout en assurant maintenir la même politique hostile au président syrien, Hagel semble avoir relégué cette hostilité à un second degré. La priorité étant accordée à l’éradication de la milice takfiriste de l’Etat Islamique (Daesh).
« Nos objectifs militaires en Syrie à court terme se focalisent pour isoler et détruire les milieux qui abritent l’organisation de l’Etat Islamique », a-t-il assuré après avoir indiqué qu’en Syrie, il n’y a pas de gouvernement partenaire avec laquelle les Américains peuvent s’entretenir, contrairement à L’Irak.
Ainsi, les Américains n’adoptent pas l’approche qui place le président syrien et Daesh sur le même pied d’égalité. Comme le veut Ankara.
Dans son intervention, Hagel a rejeté la proposition française sur l’accélération de l’opération d’armement de «l’opposition syrienne modérée » et de la création de zone d’exclusion au nord de la Syrie. «Notre stratégie en Syrie nécessite du temps et de la patience pour qu’elle puisse donner ses fruits. Nous ne pouvons réaliser nos objectifs rapidement en Syrie », a-t-il tranché.
Autre révélation aussi signifiante du nuancement de la politique américaine : Hagel y indique que son pays est toujours aussi motivé par la volonté de renverser Assad, mais dans le long terme, et à travers les négociations.
Il n’est donc plus question de le renverser par la force, comme ce fut le cas durant les années qui se sont écoulées. « On peut aujourd’hui changer Assad, mais ceci ne changera rien rapidement de l’ensemble des dynamiques. Mais par qui faudrait-il le remplacer Assad ? Et quelle armée pourrait-elle affronter l’Etat Islamique ? » , a-t-il défendu et interrogé, plus persuasif plus que persuadé.
Quoi qu'il découle de cette intervention que l’éviction de Bachar al-Assad ne semble plus une priorité, du moins pour le moment, l'omission est flagrante : il évite de rappeler que les tentatives qui ont été déployées durant ces trois premières années de la crise syrienne se sont soldées par un échec.
Et la crise de confiance aussi : ses propos reflètent que l’administration américaine ne reconnait pas le soi-disant gouvernement de l’opposition émanant de la coalition, dirigé par Ahmad Tohmeh, ni ne semble non plus s’être résigné à désigner les factions armées qu’elle voudrait armer et entrainer.
La milice du front des révolutionnaires du Levant de Jamal Maarouf et qui était taxée de pro occidentale a d’ailleurs essuyé un échec important ces dernières semaines lorsqu’elle a été délogée des régions qu’elle contrôlait dans le gouvernorat d’Idleb par la branche armée d’Al-Qaïda en Syrie le front al-Nosra.
Du coup, pragmatisme oblige, Washington ne semble pas avoir trouvé de substitut au président syrien et voit en lui et en l’armée syrienne les seuls capables de combattre Daesh sur le terrain.
« Oui bien sûr il y en a qui nous disent qu’ils seraient disposés à coopérer avec le gouvernement syrien dans les conditions actuelles, pour un an ou deux, parce qu’une vacance au pouvoir pourrait aboutir au succès du projet des obscurantistes de Daesh. En conséquent il n’y a pas d’alternative préparée d’avance, ni de possibilité pour qu’une opposition modérée, démocratique ou pas, puisse affronter Daesh », dévoile pour sa part Mannaa, toujours pour la télévision al-Mayadeene, corroborant cette analyse.
Connu pour son franc-parler, il révèle aussi les déceptions que les dirigeants occidentaux reprochent à leurs alliés syriens, un sentiment d’avoir été trompés.
« Ils nous disent qu’ils ont fait l’objet d’une grande opération de manipulation (de la part de leurs alliés syriens), qu’on leur a parlé de quelques 185 mille membres de l’ASL et lorsque le temps est venu pour les utiliser, il n’en a rien été, et qu’il n’y en avait même pas 20 ou 30 mille. Ils disent que cette image qui leur a été présentée, ce sont les Syriens qui en assument la responsabilité et qu’ils essaient maintenant de palper la situation sur le terrain pour lui trouver des règlements tangibles », Mannaa expose ces reproches dans lesquels le constat d’échec ne saurait être dissimulé .
Certes en reprenant les choses en main, les Américains tentent une remédiation, mais craignent en même temps de se trouver face-à-face avec Daesh. Au grand plaisir de ce dernier.
En s’efforçant d’esquiver cette situation, ils se veulent accorder un sursis au président syrien et porter leur intérêt à l’armée syrienne. Pourvu qu’ils s’intercalent.
Une tactique caduque pour ce vieil Orient, pour en finir avec les uns et les autres! Elle ne saurait échapper à la direction syrienne!