Un programme saoudien se vante d’avoir réussi la déradicalisation, avec un taux d’échec de 80%!!!
Faut-il les emprisonner ou les réhabiliter ?
Face au problème des combattants rentrant des zones de jihad, les gouvernements hésitent, tâtonnent. Si la plupart choisissent la fermeté, certains expérimentent des programmes de déradicalisation qui doivent encore faire leurs preuves.
"Soyons clairs, pour l'instant la déradicalisation, ça ne marche pas", assure à l'AFP un haut responsable de la lutte antiterroriste en France, qui demande à rester anonyme.
En Europe, aux Etats-Unis, dans les pays du Moyen-Orient et du Golfe, les policiers, magistrats et services antiterroristes se demandent comment traiter, à leur retour dans leurs pays d'origine, les milliers de jeunes nationaux embrigadés dans des groupes jihadistes en Syrie ou en Irak, dont ils craignent que certains ne passent à l'action terroriste.
Le premier programme de déradicalisation a vu le jour en 2007 en Arabie saoudite, frappée par une vague d'attentats terroristes de 2003 à 2006: il offrait à ceux qui renonçaient au jihad de généreuses conditions matérielles (allocation mensuelle, appartement, voiture, emploi, 20.000 dollars en cas de mariage) et des cours de religion par des imams respectés.
Récemment, les autorités danoises ont mis en place des centres expérimentaux de réhabilitation où, après une évaluation du risque par la police qui doit donner son feu vert, les jeunes sont inscrits dans un programme comprenant une formation et des aides pour trouver un logement et du travail.
En Grande-Bretagne, l'évocation par le chef-adjoint de la section antiterroriste de la police de la mise en place d'un programme similaire, mais à destination uniquement de ceux qui seraient tentés par un départ et n'auraient pas sauté le pas, a provoqué une levée de boucliers.
Une longueur d'avance pour l'embrigadement
Les Saoudiens affirment que leur programme "est un succès, mais je vous assure qu'ils ont un taux d'échec de 80%. Les gars suivent les cours, prennent le fric puis partent rejoindre les maquis d'Al-Qaïda au Yémen", affirme le haut responsable français de la lutte antiterroriste.
"En France, comme chez nos principaux partenaires, nous n'en sommes pas du tout là. Nous suivons avec attention les tentatives faites en ce sens, mais ce n'est pas encourageant. Notre but, c'est d'abord d'éviter des attentats", ajoute-t-il.
Jeudi à Paris, le premier jihadiste jugé à son retour de Syrie, Flavien Moreau, a écopé du maximum de la peine requise, 7 ans de réclusion.
Le même haut responsable fait toutefois la distinction entre les tentatives de déradicalisation au retour des zones de jihad et les efforts de "désembrigadement" entrepris en direction des jeunes fascinés par les films de propagande jihadistes, qui rêvent de partir mais ne l'ont pas fait. "Là, ça marche mieux, et le service d'appel téléphonique" institué en France à destination des proches et des familles "est un bon outil".
Aux Etats-Unis le professeur John Horgan, spécialiste de psychologie politique, a étudié au sein du Centre international d'étude du terrorisme qu'il dirige à l'Université de Pennsylvanie (est) les différents programmes internationaux.
"Je partage le scepticisme général", confie-t-il à l'AFP. "Il s'agit de changer la façon de penser de ces individus, ce n'est pas une tâche facile. Certains pensent naïvement qu'on peut s'asseoir avec eux et re câbler leur cerveau : ça ne marche pas".
"L'expérience danoise est intéressante et créative, mais cela va-t-il fonctionner? J'ai des réserves. Ou alors, comme c'est souvent le cas, cela ne marchera que pour ceux, et ils sont nombreux, qui étaient déjà engagés sur le chemin de la désillusion".
"Dans le cas des Saoudiens", ajoute-t-il, "le principal problème est le manque de transparence, leur réticence à laisser évaluer les résultats de leur programme. Ils disent : +Ce n'est pas une science exacte+, à quoi je leur réponds: +Si vous ne pouvez pas évaluer ce que vous faites, ne soyez pas si fiers des résultats+".
Commentant dans un livre publié récemment les résultats du programme mis en place dans son pays, le général indonésien Tito Karnavian, chef-adjoint de l'Agence nationale antiterroriste, regrettait le fait que "les idéologues extrémistes embrigadent des nouveaux membres plus vite que nous ne parvenons à déradicaliser les anciens".