22-11-2024 08:07 AM Jerusalem Timing

Les femmes-kamikazes, nouvelle arme de terreur de Boko Haram

Les femmes-kamikazes, nouvelle arme de terreur de Boko Haram

Le groupe radical qui sévit dans le nord du Nigeria recrute des femmes, plus difficilement repérables, pour mener des attentats suicides.

Le groupe terroriste Boko Haram, responsable de tueries quasi-quotidiennes dans le nord du Nigeria, a recours à une nouvelle arme de terreur : des femmes-kamikazes qui dissimulent des explosifs sous leur long hijab.

Dimanche à Azare, dans l’Etat de Bauchi, dans le nord-est, une femme est entrée dans un marché en fin de journée et s’est fait exploser au milieu des marchands et de leurs clients, tuant au moins 10 personnes.

A plus de 700 km à l’ouest d’Azare, dans la ville de Konatogora, dans l’Etat de Niger, un autre attentat suicide avait été commis par une femme quelques jours plus tôt, dans un centre de formation d’enseignants.

Déjà en juillet à Kano, la plus grande ville du nord du Nigeria, une vague d’attentats suicides perpétrés par des jeunes filles avait semé la psychose. Cette série avait poussé de nombreuses musulmanes à abandonner leur tenue traditionnelle, une sorte de hijab long, pour cesser d’être regardées comme des kamikazes potentielles.

La première de ces kamikazes nigérianes s’était fait exploser en juin devant une base militaire de l’Etat de Gombe, dans le nord-est, et un peu plus tard, le même mois, une femme a aussi été soupçonnée d’avoir participé à un double attentat dans le port de Lagos.

«Habituellement, l’utilisation de femmes kamikazes correspond à une phase de déclin» au sein d’un groupe extrémiste «et à des problèmes de recrutement», note la spécialiste Elizabeth Pearson, du Nigerian Security Network (NSN). «Les femmes sont souvent utilisées comme un ultime recours (...) mais ici, cela intervient dans la 'meilleure année' de Boko Haram en termes de violences et de nombre de personnes tuées», a-t-elle déclaré.

Ces attentats suicides, tous perpétrés en dehors des trois Etats du Nord-Est où le groupe est le plus actif, contribuent notamment à réveiller les peurs de voir le groupe activer des cellules dormantes à travers tout le Nigeria, selon Mme Pearson.

«Veuves noires»

L’attentat suicide, très répandu au sein d’Al-Qaïda, pratiqué dans les pays du Golfe et au Proche Orient, est le plus souvent le fait d’hommes.

On a trouvé cependant des femmes kamikazes chez les Tigres Tamouls au Sri Lanka, parmi les séparatistes kurdes du PKK en Turquie, et chez les Tchétchènes. Selon de nombreux chercheurs, ces femmes commettent souvent ce type d’attentats pour des raisons très personnelles : venger la mort de leur mari, de leur frère ou de leur père au combat. C’est le cas des «veuves noires», qui représentent un tiers des kamikazes tchétchènes, selon l’anthropologue Scott Atran.

Au Sri Lanka, les Tigres Tamouls utilisaient des femmes parce que, moins soupçonnées, elles étaient plus faciles à infiltrer dans les lieux pris pour cible, ajoute Scott Altran, citant l’exemple de l’assassinat, en 1991, de l’ex Premier ministre indien Rajiv Gandhi par une kamikaze.

Au Nigeria, les kamikazes n’ont laissé aucun message permettant de dire si leur action était motivée par une idéologie fondamentaliste, mais plusieurs données laissent penser que la plupart ont agi sous la contrainte.

A Kano, selon une source proche de l’enquête, les auteurs des attentats suicides avaient toutes entre 14 et 16 ans et les explosifs ont sans doute été déclenchés à distance. A Azare, selon les témoins, la kamikaze était accompagnée de deux hommes, qui ont ensuite tenté de s’enfuir quand elle s’est fait exploser. L’arrestation, en juillet, dans l’Etat de Katsina (nord) d’une petite fille de 10 ans portant une ceinture d’explosifs permet d’imaginer qu’au même titre que de jeunes garçons, de très jeunes filles sont enrôlées de force par Boko Haram.

Trois «recruteuses» présumées du mouvement islamiste ont été arrêtées en juillet et un homme soupçonné d’entraîner des femmes kamikazes a aussi été arrêté en août avec 16 recrues à Kano. A cause du jeune âge des kamikazes de Kano, on s’est demandé, sur les réseaux sociaux et dans les médias, si ces jeunes filles pouvaient faire partie des plus de 200 lycéennes enlevées par Boko Haram à Chibok, dans l’Etat de Borno, en avril.

Un Nigérian travaillant pour une organisation caritative a même affirmé en septembre, lors d’une audience à la Chambre des représentants, aux Etats-Unis, qu’une des otages avait été identifiée comme impliquée dans les attentats de Kano. Mais la police de Kano et des représentants de Chibok ont nié tout lien entre les lycéennes et les kamikazes.