Le volontarisme des autorités de Kiev risque en effet de ne pas être suffisant face aux nombreuses et profondes réformes qu’elle doit accomplir
Abandon du statut de "non-aligné", modernisation de l'armée et promesse d'un référendum: confrontée à la pression russe, le pouvoir pro-occidental à Kiev s'est fermement engagé sur la voie d'une adhésion à l'Otan, une perspective pourtant très incertaine et semée d'embûches.
Le président ukrainien Petro Porochenko, qui affirmait déjà il y a dix ans que l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan était comme la "lumière au bout du tunnel", a promis lundi d'organiser un référendum national à ce sujet, une fois que "les critères seront remplis", sans plus de détails.
La nouvelle coalition pro-occidentale au Parlement ukrainien, issue des élections d'octobre, a également fixé comme nouvelle priorité l'adhésion de l'ex-république soviétique à l'Alliance atlantique. Elle s'est engagée à modifier d'ici la fin de l'année la législation afin d'"annuler le statut non-aligné de l'Ukraine" et de "relancer la politique en vue d'une adhésion à l'Otan".
La classe politique semble ainsi répondre à la demande pressante de la société dont le soutien à cette idée d'adhésion a bondi cette année, à la faveur du conflit dans l'Est, à 51% d'opinions favorables en novembre contre seulement 20% en octobre 2013.
"Il est important de noter que M. Porochenko ne suggère pas une entrée prochaine dans l'Otan. Il parle d'un référendum vers l'année 2020. Beaucoup peut avoir changé d'ici là et il n'est pas garanti qu'il sera toujours aux commandes", rappelle pour l'AFP Alisa Lockwood, chercheuse au centre de réflexion IHS Country Risk à Londres.
"C'est une manière de remettre la question à plus tard tout en reconnaissant l'importance de l'entrée dans l'Otan devant l'opinion publique", résume-t-elle.
Le volontarisme des autorités de Kiev risque en effet de ne pas être suffisant face aux nombreuses et profondes réformes qu'elle doit accomplir si elle veut un jour se mettre en conformité avec les critères très stricts de l'Alliance atlantique.
Rien que sur le plan technique, l'Ukraine devra disposer d'une armée moderne et parfaitement compatible avec celle des autres pays membres, ce qui est bien loin d'être le cas des forces ukrainiennes, faibles, mal équipées et largement corrompues.
Ligne rouge pour Moscou
Mais au-delà de ces difficultés, Kiev risque de provoquer le courroux de la Russie, qui a ouvertement averti l'Ukraine de "rester en dehors de tout bloc" et demandé "100% de garanties" qu'elle n'entrerait pas dans l'Otan, traçant clairement une ligne rouge à ne pas franchir auprès des Occidentaux.
La perspective d'une adhésion est en effet un cauchemar pour Moscou, qui n'a de cesse de dénoncer le rapprochement de l'Otan de ses frontières, malgré les promesses de non-élargissement formulées lors de l'effondrement du bloc de l'Est.
L'Ukraine s'était associée, aux côté de la Russie, à l'Otan dans le cadre du partenariat pour la paix dès 1994, puis a progressivement intensifié son dialogue avec l'Alliance avant de tout abandonner en juin 2010, confirmant son statut de "non aligné".
Mais au-delà de la Russie, la perspective d'une entrée de l'Ukraine dans l'Alliance atlantique divise ses membres entre "anciens", comme la France et l'Allemagne, qui sont réticents à accueillir Kiev, et les "nouveaux" comme la Pologne ou la Lituanie, qui plaident activement en faveur de son adhésion.
Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a déclaré dimanche au Spiegel qu'il voyait un "partenariat entre l'Ukraine et l'Otan, mais pas d'adhésion".
Anders Fogh Rassmussen, secrétaire général de l'Alliance à l'époque, avait rappelé en août que "l'Ukraine deviendrait un Etat membre" si elle le souhaitait.
D'un point de vue stratégique toutefois, l'Otan est frileuse à l'idée de s'élargir à des pays ayant un conflit territorial avec la Russie, comme en témoigne l'abandon des négociations d'adhésion avec la Géorgie, autre pays qui ambitionnait de rejoindre l'Alliance avant un conflit éclair avec la Russie en 2008 et la montée en puissance de deux territoires séparatistes prorusses sur son sol.
"Les pays membres de l'Otan sont incapables de trouver un consensus quant aux sanctions contre la Russie", rappelait la semaine dernière Vassyl Filiptchouk du Centre international pour les études politiques de Kiev. "Alors accepter dans les rangs de l'Alliance un pays en proie à un conflit armé avec la Russie, c'est de la science-fiction."