Le cas français est le plus problématique: Paris prévoit un déficit de 4,3% en 2015 au lieu des 3% promis initialement, et un retour dans les clous
La Commission européenne va lancer vendredi un dernier avertissement à la France pour qu'elle mette en oeuvre des réformes et réduise son déficit, en brandissant la menace de sanctions au printemps.
Après d'âpres débats, l'exécutif européen a jugé peu judicieux d'accorder dans l'immédiat plus de temps à la France pour réduire son déficit, ou de changer son objectif pour 2015. Bruxelles préfère demander à Paris plus d'efforts et lui laisser quelques mois, jusqu'à mars-avril.
L'Italie, lestée par une dette au-delà de 130% du PIB, va bénéficier du même traitement, ainsi que cinq autres pays de la zone euro (Espagne, Portugal, Belgique, Malte et Autriche), dont les finances publiques ne respectent pas les critères européens.
"J'ai fait le choix de ne pas sanctionner. Il aurait été facile de punir les pays qui ne respectent pas les règles du Pacte: il suffisait d'appliquer les procédures prévues. Mais j'ai choisi de les laisser parler. Et de les écouter", a expliqué Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne dans une interview donnée à plusieurs journaux européens dont Le Monde, La Repubblica et Le Soir.
L'idée est de temporiser, tout en maintenant la pression, explique-t-on dans les couloirs du Berlaymont, le siège de la Commission européenne. Mais au printemps, tous ces pays, en particulier la France, s'exposent à des sanctions, un scénario encore inédit.
Le cas français est le plus problématique: Paris prévoit un déficit de 4,3% en 2015 au lieu des 3% promis initialement, et un retour dans les clous
Jusqu'ici, la deuxième économie de la zone euro l'a toujours échappé belle: non seulement elle a déjà obtenu deux délais pour ramener son déficit au niveau autorisé, mais elle a aussi bénéficié en octobre de la clémence de la Commission, qui aurait pu retoquer son projet de budget 2015. L'exécutif européen n'a pas sévi grâce à des mesures annoncées à la dernière minute par Paris.
Vendredi, elle ne va pas demander de sanctions à l'encontre de la France, ni lui imposer une liste de réformes au forceps, mais elle va durcir le ton.
Une manière de refléter les dissensions qui l'agitent, comme l'a montré la sortie au vitriol de Gunther Oettinger la semaine dernière.
En charge de l'Economie numérique, le commissaire européen, membre du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel, a appelé à traiter avec "rigueur" une France "déficitaire récidiviste". Une preuve éclatante que la nouvelle
Commission est partagée entre faucons, partisans d'une rigueur budgétaire sans souplesse, et colombes, plus enclines à la flexibilité au moment où la croissance de la zone euro est anémique.
"Il y a eu un débat interne sur d'éventuelles sanctions à l'encontre de la France", confirme une source communautaire. Plusieurs réunions ont eu lieu le week-end dernier pour trancher.
Les Premiers ministres français et italien ont dû s'engager en fin de semaine dernière sur leurs programmes de réformes, dans des lettres adressées à la Commission européenne où ils indiquent un calendrier précis. La missive française doit être rendue publique ce vendredi.
Pour Paris, le but est clairement de fournir un effort structurel (hors
0,3% actuellement selon la Commission, soit environ 4 milliards d'euros supplémentaires.
Le rappel à l'ordre de Bruxelles à l'encontre de la France va survenir au lendemain d'un rapport franco-allemand sur la croissance, qui évoque le risque d'un "manque d'audace" face aux réformes. Mais ce rapport pointe également une Allemagne soucieuse de préserver des finances publiques saines à tout prix, malgré les nombreux appels à investir plus.
Une recommandation que ne devrait pas manquer de faire vendredi la Commission en présentant un rapport sur les déséquilibres macroéconomiques en Europe, qui soulignera de nouveau les énormes excédents commerciaux allemands.
Deux jours après avoir annoncé un plan d'investissements de 315 milliards d'euros, sans argent des Etats membres, Bruxelles devrait en profiter pour inviter Berlin à injecter dans le plan Juncker une partie des milliards d'euros d'investissements prévus jusqu'en 2018.