"Regarde pendant que ceux que tu aimes meurent", a lancé à l’enseignante un taliban avant d’abattre ses élèves.
"Regarde pendant que ceux que tu aimes meurent", a lancé à l'enseignante un taliban avant d'abattre ses élèves dans l'école de Peshawar où livres, cahiers et crayons baignent dans le sang au lendemain de l'attaque la plus meurtrière de l'histoire du Pakistan.
Les écoliers ne reviendront plus jamais en classe, ne riront plus jamais dans la cour de récréation et ne pleureront plus jamais après un examen.
Dans l'école publique de l'armée pakistanaise, les cris se sont tus et les rêves évanouis pour faire place à un silence de mort qui n'est interrompu que par le bruit des bottes des soldats pakistanais, au lendemain de l'attaque d'un commando taliban, qui a tué 148 personnes.
Le plancher de l'auditorium de cet établissement scolaire de Peshawar, grande ville poussiéreuse du Nord-Ouest du Pakistan, est encore recouvert de flaques de sang séché. Des livres, des cravates, des pull-overs et des cahiers de notes sont abandonnés sur le sol : il n'y a plus d'écoliers pour venir les récupérer.
La veille, ils étaient pourtant là, en classe, quand un commando terroriste du TTP, le même groupe qui avait tenté d'assassiner la jeune Malala il y a deux ans, a fait irruption, déguisé en paramilitaires.
Les talibans, dont le nom signifie pourtant "étudiants" en arabe, n'ont pas posé de questions et ont semé la mort en criblant de balles écoliers et professeurs horrifiés.
A l'approche du commando, la directrice de l'école s'est enfermée dans les toilettes, pensant échapper à un funeste destin, mais les talibans ont ouvert une conduite de ventilation pour y lancer une grenade. Elle a été retrouvée morte, carbonisée, sur une chaise, selon l'armée.
D'autres ont survécu en ayant fait semblant d'être morts, immobiles comme des cadavres, comme Shahrukh Khan. "Mon corps tremblait, j'ai vu la mort de si près, je n'oublierai jamais ces grosses bottes noires (des talibans), comme si c'était la mort elle-même qui me traquait", confie Shahrukh, blessé par balle aux jambes.
Alignés et abattus
Shahnawaz Khan, 14 ans, raconte, lui, comment deux talibans sont entrés dans sa classe et ont choisi huit écoliers qu'ils ont alignés devant le tableau noir. "L'un d'eux a dit à l'enseignante: regarde pendant que ceux que tu aimes meurent. Ceux que nous aimons sont aussi tués de cette façon", par l'armée pakistanaise, témoigne-t-il.
Les deux hommes ont ouvert le feu et abattu l'un après l'autre les écoliers. Puis, ils ont tenté de reproduire le même manège macabre mais les écoliers se sont pris la main les uns, les autres, pour empêcher d'être alignés devant le tableau de la mort. A ce moment, un "talib" a dit à l'autre qu'il fallait quitter rapidement car des soldats arrivaient, poursuit Shahnawaz.
"Ils ont alors tiré sur nous sans discernement et ont quitté les lieux, j'ai été atteint de deux balles à l'épaule", souffle Shahnawaz dont le témoignage, glaçant, a été confirmé par son enseignante, aussi miraculée.
Dans cet établissement scolaire moderne, fréquenté par des enfants de militaires mais aussi de civils, âgés de 10 à 20 ans, les murs sont aujourd'hui maculés de sang, criblés d'impacts de balle.
Les bureaux de la direction ont été complètement ravagés. C'est là que le commando de six talibans a trouvé la mort, dans son dernier combat contre les
forces spéciales.
Une pièce est désormais ensevelie sous un chaos de verre brisé, de cartouches de fusil et d'ordinateurs éventrés. Plus loin, deux pieds nus, déchevillés, gisent sur le sol. Dans un coin, des médailles et des trophées s'entassent pour rappeler les exploits et les mérites des élèves.
Et des photos d'écoliers ornent un grand tableau en bois portant l'inscription : "nous aimons nos braves soldats". Dans un Pakistan en deuil, ce sont les yeux de la nation tout entière qui sont aujourd'hui rivés sur l'armée pour qu'une telle tragédie ne se reproduise plus jamais.