Et Perez a dit: "Dans la politique française, je m’immisce autant que je veux et de toute façon tout le monde s’en moque"
« Je tiens à dire à monsieur Fabius, qui est un ami personnel, qu’il fasse bien attention à ne pas gaspiller ce talent extraordinaire qu’il y a chez monsieur Bigot, il va falloir qu’il utilise ce talent comme il se doit.
D’autre part, je tiens à féliciter Meyer Habib pour son élection, quelle chance avons-nous eue qu’il n’ait pas été élu à la Knesset, car je n’aurais pas pu le féliciter, on m’aurait reproché de m’immiscer dans la vie politique israélienne. Dans la politique française, je m’immisce autant que je veux et de toute façon tout le monde s’en moque ».
Exhumés par Panamza, ces propos avaient été tenus par Shimon Peres, alors président de l’État d’Israël, le 14 juillet 2013 lors d’une cérémonie organisée à l’ambassade de France à Tel Aviv.
« Monsieur Bigot » était encore ambassadeur. Son «talent » a depuis été « utilisé », comme l’a prescrit Shimon Peres, dans un domaine particulièrement sensible : admirateur du purificateur ethnique David Ben Gourion et proche du CRIF, il est devenu l’un des haut-responsables des services secrets français.
Mardi dernier, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, recevait au Quai d’Orsay l’ancien président israélien. Un caméraman attaché au ministère a capturé les images de la rencontre. (Vidéo)
Détail atypique : à deux reprises (0’20, 1’15), Laurent Fabius -l’homme qui montra patte blanche envers un lobby sioniste américain- déclare à Shimon Peres les propos suivants : « Tu es toujours ici chez toi ».
Question : pourquoi l’ancien dirigeant d’une nation étrangère a-t-il droit à un tel traitement de faveur? Jamais un autre leader de la scène internationale ne s’est vu accueilli de la sorte au sein du Quai d’Orsay, lieu emblématique où se forge -de manière (supposée) indépendante- la politique diplomatique de la France.
Les biographes de Shimon Peres évoquent souvent le privilège que lui a accordé la IVème République, très engagée en faveur du projet sioniste: le jeune Israélien, dépêché par la régime de Tel Aviv, bénéficiait ainsi d’un bureau permanent dans les locaux du ministère de la Défense.
Autres éléments d’information à souligner (déjà évoqués par Panamza) au sujet d’un homme qui rapprocha Israël de l’Afrique du Sud durant l’apartheid: Prix Nobel de la paix 1994 mais également architecte principal du programme nucléaire illégal de l’Etat hébreu et co-responsable de « l’opération Susannah » (des attentats israéliens commis en 1954 sur le sol égyptien, notamment contre des intérêts américano-britanniques, et imputés mensongèrement aux nationalistes égyptiens), Shimon Peres demeure adulé en France, notamment par les porte-paroles médiatiques de la frange sioniste de la gauche (tel le journaliste neo-muslim-friendly Claude Askolovitch), ainsi que dans les capitales des grandes puissances occidentales.
Rappelons ici que le dernier acte politique de Shimon Peres consista à rendre hommage à l’ex-Grand rabbin Ovadia Yossef, décédé la semaine dernière et pourtant réputé pour son racisme viscéral à l’encontre des Palestiniens, des Afro-Américains et des non-juifs.
« Il y a quelques heures, je suis allé à l’hôpital dire adieu à mon professeur, mon rabbin, mon ami Ovadia Yossef. Ce fut un moment difficile. Mes yeux étaient embués de larmes et ma gorge était saisie par l’émotion. J’ai tenu sa main qui était encore chaude et j’ai embrassé son front. Quand je pressais sa main, je sentais que j’étais en train de toucher l’Histoire et quand j’ai embrassé sa tête, c’était comme si j’embrassais exactement la grandeur d’Israël ».
Dans un billet étayé, Richard Silverstein, blogueur juif américain, a dénoncé la célébration unanime du personnage par les autorités israéliennes et les leaders internationaux de la communauté juive.
Qu’à cela ne tienne : aux yeux de ses émules et de ses chantres, particulièrement nombreux en France, Shimon Peres (dont le mandat se terminera en août 2014) continuera à incarner le visage aimable de l’expansionnisme sioniste, plus avenant que la rudesse d’un Netanyahu ou la brutalité d’un Sharon.
C’est d’ailleurs en compagnie de ce dernier que Shimon Peres avait occupé le poste stratégique de ministre des Affaires étrangères en 2001/2002. L’homme, autrefois co-responsable d’attentats sous faux drapeau commis en Egypte, était idéalement placé pour gérer et alimenter la communication diplomatique de crise suscitée par les évènements du 11 septembre.
Et contrairement à l’opération Susannah de 1954 (dont la véracité historique ne fait plus débat), la connexion israélienne du 11-Septembre, largement étayée par un ensemble de faits concordants et indéniables, n’a pas été, pour l’instant, portée à son « crédit » ou à celui des autres dirigeants israéliens (Ariel Sharon, Ehud Barak et Benyamin Netanhayou) qui ont préparé (en amont et avec la complicité de relais américains dévoués à la cause ultra-sioniste) l’opération mystificatrice de New York.
Mais ceci est une autre histoire …
Mardi soir, Shimon Peres était également reçu par le Keren Hayessod France, groupuscule ultra-sioniste dirigé par Richard Prasquier (ancien président du CRIF, soupçonné aujourd’hui de fraude fiscale).
Le lendemain matin, ce fut au tour d’Europe 1 de diffuser un entretien délicatement réalisé par Thomas Sotto.
Mais le palmarès de la plus grande déférence revient à un tandem de journalistes influents : Antoine Guélaud, directeur de la rédaction de TF1, et Christophe Kulikowski, rédacteur en chef de l’émission « On n’est pas couché » (et salarié -en conséquence- de Catherine Barma, la productrice qui censura Aymeric Caron au sujet de l’armée israélienne).
Les deux hommes viennent de créer le Cercle des médias et ont choisi Shimon Peres comme premier intervenant. L’intermédiaire qui a facilité la rencontre : le Keren Hayessod France, remercié par le dirigeant de TF1.
Il faut voir la vidéo de la rencontre, organisée mercredi, pour saisir pleinement la misère du journalisme à la française.
Face à l’un des « pères fondateurs » -reçu comme une vache sacrée- d’un régime colonial et ségrégationniste, des titulaires de la carte de presse se sont montrés béats d’admiration ou obséquieux, à mille lieues de la tradition journalistique anglo-saxonne -plus distante et pugnace.
Dans la salle : Christophe Barbier, Olivier Ravanello, Audrey Pulvar, Gilles Bouleau, Michel Scott, Anne-Claire Coudray, Catherine Nayl, Patrice Romedenne, Laurent Neumann, Ulysse Gosset, Ruth Elkrief, Rachid M’Barki, Olivier Royant, Gérard Leclerc, Frédéric Haziza, Jean-Michel Apathie et Éric Naulleau. Ce dernier a d’ailleurs posé une question (inutile) à Shimon Peres avec une gentillesse qu’on ne lui connaissait guère.
On notera également la présence -outre celle du député-maire UMP Claude Goasguen- du socialiste Patrick Klugman (adjoint au maire de Paris, ex-président de l’UEJF, avocat de SOS Racisme) aux côtés de Yossi Gal, ambassadeur d’Israël proche du raciste Avigdor Lieberman. À la même table : Hassen Chalghoumi, visiblement empressé de saluer avec ostentation Shimon Peres lors de son arrivée.
Explication de Guélaud sur le choix de l’invité :
Nous souhaitions une personnalité d’envergure internationale avec cet esprit d’ouverture et d’écoute. Ce moment était empli de beaucoup d’émotion, une émotion qui s’est ressentie notamment au travers des échanges avec la salle.
Shimon Peres est une personne qui fait consensus même si on peut ne pas être d’accord avec ce qu’il a fait dans l’histoire, c’est une voix de la sagesse. Car notre vocation, c’est aussi la transmission aux générations de futurs journalistes.
Nulle surprise, dès lors, qu’avec un tel cérémonial, les jeunes futurs journalistes désireux d’intégrer les rédactions traditionnelles continuent à manifester indifférence ou autocensure au sujet des exactions commises par Tel Aviv.
Nul étonnement, non plus, à ce que Shimon Peres puisse remercier, à la fin de sa rencontre avec le Cercle des médias, les journalistes réunis -et emblématiques de la profession- pour « avoir aidé Israël ».
HICHAM HAMZA
Source: Panamza