Les thèses de Pegida sont conbattues moralement et surtout économiquement
L'opposition s'organise en Allemagne contre le mouvement anti-islam et anti-réfugiés Pegida, politiques, patronat et simples citoyens montant au créneau contre la vague populiste qui gagne le pays et défendant l'immigration au nom de la morale et de l'économie.
"Voir que nous réagissons avec compassion à la détresse (...), que la plupart d'entre nous ne suivent pas ceux qui veulent isoler l'Allemagne, cela a été pour moi une expérience vraiment encourageante cette année".
La phrase, lancée mercredi par le président allemand Joachim Gauck dans son discours de Noël, ne vise nommément personne. Mais le lien entre "ceux qui veulent isoler l'Allemagne" et Pegida est évident.
Lancé en octobre à Dresde (est), capitale d'un Land (Etat régional), la Saxe, qui n'a que 2,2% de population d'origine étrangère, Pegida (acronyme allemand pour "Européens patriotes contre l'islamisation de l'Occident") s'est retrouvé en l'espace de quelques semaines sur le devant de la scène médiatique, passant de quelques centaines de manifestants à 17.500 lundi.
Son credo: le refus de l'islamisation, des jihadistes ou des étrangers qui refuseraient de s'intégrer. Ses cibles: l'islam, les étrangers, les médias ("tous des menteurs"), les élites politiques, le multiculturalisme... qui dilueraient la culture chrétienne allemande.
Le succès du mouvement a d'abord étonné, puis inquiété dans un pays marqué par le racisme extrême de la dictature nazie.
Les analystes relèvent sa force dans l'ex-RDA communiste, qui, après 1945, n'a pas fait de travail sur son expérience du IIIe Reich puisque... les nazis étaient à l'Ouest.
Mais, passé cet effet de surprise, les voix se sont élevées pour dire le rejet que suscitent les thèses et les valeurs de Pegida dans une large part de la société allemande.
'Révolte des honnêtes gens'
Plusieurs contre-manifestations ont mêlé responsables politiques, artistes, citoyens... à Dresde, mais aussi dans d'autres villes. Et lundi soir, avec 20.000 personnes dans plusieurs villes du pays -- dont 12.000 rien qu'à Munich (sud) --, les anti-Pegida étaient plus nombreux que les pro.
Du côté des politiques, qui disent "prendre au sérieux" les peurs des gens, le ton s'est également durci: la semaine dernière, la chancelière conservatrice Angela Merkel avait déclaré qu'il n'y avait pas de place en Allemagne "pour l'incitation à la haine et la calomnie".
Mardi, son ministre des Affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, a assuré au magazine Der Spiegel que "la grande majorité des Allemands estiment que ces gens doivent trouver chez nous un refuge pour échapper à la guerre civile".
Lundi, dans un entretien au magazine "Couragiert", c'est l'ancien chancelier social-démocrate Gerhard Schroder qui avait appelé à une "révolte des honnêtes gens".
Sur le plan économique, les thèses de Pegida sont également combattues par le président de la puissante fédération allemande de l'industrie (BDI, patronat): selon lui, l'Allemagne, meilleur élève de la zone euro et désormais première destination d'immigration en Europe, doit au contraire accueillir plus de réfugiés puisque sa population vieillit et qu'elle a besoin de main d'œuvre.
La presse se fait aussi l'écho de ces débats: "La force d'une société se voit dans son ouverture. Qui est sûr de lui peut accueillir des étrangers à bras ouverts et peut aider là où règne la misère", écrit dans son édition de mercredi le journal Badische Zeitung, basé à Fribourg (sud-ouest).
Quant aux citoyens Allemands, ils multiplient localement les initiatives: cours d'allemand gratuits, examens psychiatriques pour les enfants qui viennent de zones de guerre, formations spéciales pour les travailleurs sociaux afin de mieux appréhender les problématiques propres aux réfugiés...
Ainsi, ces étudiants berlinois qui ont créé un site (www.fluechtlinge-willkommen.de) collectant, pour les réfugiés, des annonces de chambres libres dans des colocations. Ou encore cette journaliste, Birte Vogel, qui a créé un blog rassemblant les projets de soutien aux réfugiés.
Aide aux repas, achats de matériel dans des supermarchés: la Berlinoise Ulrike Meier met la main à la pâte dans un foyer qui héberge depuis début décembre une centaine de réfugiés dans le centre de la capitale allemande.
"Accueillir des réfugiés est un défi énorme" mais "nous sommes ouverts et nous voulons aider", explique-t-elle à l'AFP.
Pegida est "un mouvement extrêmement populiste" qui reflète en un sens une partie de la société mais certainement "pas ce qu'est l'Allemagne" dans sa totalité, veut-elle croire.