23-11-2024 09:44 PM Jerusalem Timing

La fin du mythe de l’Arabie bienveillante

La fin du mythe de l’Arabie bienveillante

Aujourd’hui, les masques sont tombés et l’Arabie saoudite ne cache plus son influence directe sur le Courant du Futur et sur certaines autres parties au sein du 14-Mars.

Depuis les années 70, les Libanais ont vécu dans l’idée que le royaume wahhabite a toujours voulu aider le Liban et qu’il y jouait un rôle positif.

Même après le déclenchement de la guerre civile en 1975, le rôle saoudien au Liban était perçu comme rassembleur visant à préserver l’unité du pays et la cohésion entre ses fils.

La participation de l’Arabie saoudite à «l’initiative arabe» de soutien au Liban au début des années 80 était même considérée comme une garantie de l’intérêt du Liban. Ensuite après l’invasion israélienne de 1982, l’ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri qui était alors considéré comme un homme d’affaires libano-saoudien (selon la presse de l’époque) a commencé à distribuer des aides aux habitants de Beyrouth avec la mention «de la part du roi Fahd d’Arabie».

Les Libanais, toutes tendances et confessions confondues avaient le sentiment que l’Arabie était en quelque sorte la bienfaitrice du Liban, face à la Syrie qui ne voulait qu’y imposer sa tutelle et y faire la loi.

Cette impression est restée jusqu’à l’accord de Taëf dans lequel l’Arabie a joué un rôle prépondérant. La plupart des Libanais ont considéré que la démarche des Saoudiens d’aider le Liban à mettre un terme à la guerre qui ravageait leur pays comme une initiative positive. Seul le général Aoun, alors chef de l’un des deux gouvernements en place s’y était opposé, voyant dans l’accord en gestation l’affaiblissement du rôle des chrétiens au profit des musulmans, au sein du pouvoir, ainsi qu’une formule complexe qui nécessitera une intervention étrangère pour réguler son fonctionnement.

Mais à cette époque, le contexte régional et international n’était pas en faveur de la position du général Aoun qui s’est retrouvé isolé et Taëf a pu voir le jour. Pour les Libanais épuisés par les années de violence, le rôle saoudien avait eu au moins le mérite de mettre un terme à la guerre. Ils n’avaient pas alors compris que Taëf qui, dans le texte, est un accord acceptable, était destiné à être contourné pour aboutir à une formule de partage des influences entre la Syrie, l’Arabie saoudite et les Etats-Unis.

A cette époque déjà (1990), les Saoudiens étaient déjà soucieux de préserver leur influence au Liban, quitte à la partager avec d’autres, pour éviter toute émergence d’une influence iranienne qui avait commencé à se faire sentir à travers la création du Hezbollah.

La formule de Taëf avec son parapluie tripartie a fonctionné tant bien que mal jusqu’en 2004, lorsque les Etats-Unis, avec l’aide de la France et la bénédiction de l’Arabie, ont décidé de changer leur politique dans la région en cherchant à briser la Syrie, pour affaiblir à la fois le Hezbollah et l’Iran. La Syrie a donc été contrainte de se retirer de ce parapluie qui ne comportait plus que deux composantes, les Etats-Unis et l’Arabie.
 

A partir de 2005, suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, l’Arabie a commencé à modifier sa politique envers le Liban. Il n’était plus vraiment question de faire semblant d’être à égale distance de toutes les parties libanaises, mais d’appuyer clairement le camp hostile au Hezbollah et donc à l’Iran.

A partir de cette date, l’Arabie n’a plus vu au Liban qu’une scène où elle peut affronter l’Iran en ayant des cartes de force. Le retournement du 14-Mars et en particulier contre l’accord quadripartite qui avait permis à ce mouvement de remporter les élections législatives de 2005, l’attitude de certaines parties du 14-Mars pendant la guerre de 2006, puis le gouvernement tronqué de Fouad Siniora qui a pris les commandes du pays sans tenir compte de toute une communauté, ainsi que la division permanente du pays sont devenus une constante de la politique saoudienne au Liban, qui a connu son apogée avec l’attentat contre l’ambassade d’Iran en 2013 et dont le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah a clairement accusé des parties saoudiennes.

Aujourd’hui, les masques sont tombés et l’Arabie saoudite ne cache plus son influence directe sur le Courant du Futur et sur certaines autres parties au sein du 14-Mars.

Les figures de ce mouvement sont convoquées les unes après les autres et parfois ensemble à se rendre à Riyad, officiellement pour s’entretenir avec le chef du Courant du Futur, mais comme ce pays est loin d’être une grande démocratie, il y a peu de chances que le chef du Courant du Futur y bénéficie d’une grande liberté d’action.

Pour former un gouvernement, pour amorcer un dialogue avec le Hezbollah, pour assurer une couverture à une opération de l’armée, il faut toujours un feu vert de Riyad. De même, pour élire un président, Riyad a son mot à dire, ses vétos et ses candidats.

Ce qui était discret dans les années 80 se fait désormais au grand jour, la confrontation avec l’Iran étant devenue plus profonde, plus générale et plus étendue.

En dépit des efforts louables de l’ambassadeur saoudien à Beyrouth pour tenter de maintenir l’image d’un royaume bienfaiteur et soucieux du Liban, la politique de Riyad est aujourd’hui clairement hostile au Hezbollah et vise à l’affaiblir par tous les moyens, dans le cadre de la lutte que ce pays mène contre l’Iran et le régime syrien.

Le mythe est tombé et entre Beyrouth et Riyad, plus rien ne sera plus comme avant, même avec les milliards à l’armée que l’Arabie n’a pas pris la peine de donner au gouvernement dirigé par l’homme de son choix, Tammam Salam…     

Souraya Hélou

Source: french.alahednews