Amnesty International a recueilli les témoignages de femmes yézidies violées par les miliciens.
Les combattants kurdes ont repris dimanche le mont Sinjar, dans le nord-ouest de l’Irak, qui était aux mains de l’Etat islamique (EI ou Daesh) depuis l’été.
La mise en esclavage des femmes yézidies, violées, mariées de force ou vendues, fait partie du processus d’épuration adopté par Daesh.
L'envoyée spéciale du site français Libération au Kurdistan irakien, Célia Mercier, rapportait au début du mois les témoignages de ces sévices.
Mardi dernier, Amnesty international publie un rapport qui va dans le même sens: Echappées de l’enfer. Torture et esclavage sexuel des captives de l’Etat islamique en Irak.
L’ONG estime que «des centaines de femmes et de jeunes filles» sont concernées. «Beaucoup d’esclaves sexuelles sont mineures – des filles âgées de 14, 15 ans ou même plus jeunes», rapporte Donatella Rovera, conseillère d’Amnesty pour les situations de crise, qui s’est entretenue avec 42 anciennes prisonnières de l’EI dans le nord de l’Irak.
Elle a recueilli plusieurs récits poignants, dont celui du suicide de Jilan, 19 ans, confirmé par trois témoins. Une des jeunes filles détenues dans la même pièce qu’elle explique : «Un jour, on nous a donné des vêtements qui ressemblaient à des costumes de danse et on nous a dit de prendre un bain et de les mettre. Jilan s’est suicidée dans la salle de bains.» La jeune femme s’est entaillé les poignets et s’est pendue. «Elle était très belle. Je pense qu’elle savait qu’elle allait être emportée par un homme et c’est pour ça qu’elle s’est tuée.»
Deux sœurs de 17 et 20 ans racontent avoir tenté de se donner la mort en s’étranglant avec leurs foulards pour éviter le mariage auquel elles étaient contraintes. D’autres jeunes femmes parlent de viols fréquents et de différentes maltraitances physiques. Les terroristes de l’EI «ont ruiné nos vies», dit aussi Randa, 16 ans, violée par un homme deux fois plus âgé. «C’est tellement douloureux ce qu’ils nous ont fait à moi et ma famille.»
Ces crimes, qui ciblent des «infidèles», sont légitimés au sein de cette organisation armée.
Dans Dabiq, leur publication officielle, les miliciens de l’EI disent avoir «divisé les femmes et enfants yézidis, selon la charia [la loi islamique, ndlr], entre les combattants […] et l’autorité de l’EI». Dans un texte publié en décembre à destination des combattants, l’Etat islamique précisait le sort qui devait être réservé aux femmes esclaves : «Les filles vierges peuvent être violées immédiatement après avoir été achetées par leur propriétaire. Celles qui ont déjà eu des rapports sexuels doivent avoir leur utérus "purifié" en premier.» Il est aussi écrit qu'«il est légal d’avoir des relations sexuelles avec une enfant prépubère».
Crime contre l’humanité
La publicité que nourrit le groupe terroriste autour des violences faites aux femmes constitue une «arme de guerre» et de terreur, selon l’ONG. Amnesty rapporte le témoignage de combattants ayant fui l’arrivée de l’EI.
Ici un Yézidi : «La peur des crimes que Daech pourrait commettre contre les femmes et les enfants de ma famille est plus forte que la peur d’être tué par Daech.» Une arme qui appuie l’entreprise de destruction de Daech. Célia Mercier l’expliquait en ces termes : «Dans une culture où la virginité des filles est considérée comme l’honneur d’une famille, les fanatiques s’acharnent sur les jeunes yézidies.»
Le rapport consolide les efforts des associations de victimes qui cherchent à amasser de la matière pour faire reconnaître, dans de futures poursuites, la torture sexuelle de l’EI comme crime contre l’humanité. L’esclavage sexuel est reconnu comme tel par le Statut de Rome de 1998, texte fondateur de la Cour pénal internationale. L’ONU a statué sur ce point en 2008, considérant également les violences sexuelles comme élément constitutif d’un génocide. Les conclusions du rapport abondent dans ce sens.
Source: libération