Reuters a interrogé 25 policiers afro-américains, dont 15 à la retraite et 10 en service.
L’agence Reuters a mené une enquête auprès d’Afro-Américains faisant ou ayant fait partie du NYPD. Ils témoignent de leurs expériences de l’autre côté de la barrière, lorsqu’ils se trouvent en civil.
Aux Etats-Unis, la crainte des contrôles au faciès par des policiers blancs n’épargne pas leurs collègues noirs lorsqu’ils sont hors service et en civil, et il est compliqué pour eux de se plaindre ensuite, révèle une enquête menée par l’agence de presse Reuters auprès de policiers new-yorkais.
L’article de Reuters survient dans le contexte de colère qui a saisi la communauté noire de New York après la mort d’Eric Garner en juillet et la décision début décembre de ne pas poursuivre le policier qui l’avait saisi au cou – un geste interdit – provoquant son décès par asphyxie.
Les clivages entre la police de New York et la population se sont encore aggravés la semaine dernière lorsque deux agents ont été abattus dans leur véhicule par un délinquant disant vouloir venger les victimes de violences policières.
Reuters a interrogé 25 policiers afro-américains, dont 15 à la retraite et 10 en service. «Tous sauf un ont déclaré avoir été victimes, lorsqu’ils étaient hors service et en civil, de contrôles au faciès, c’est-à-dire la pratique consistant pour un policier à se baser sur l’appartenance ethnique d’une personne pour la soupçonner d’avoir commis un acte répréhensible», écrit Reuters.
Parmi les faits subis dans ces circonstances, les témoins ont énuméré, selon l’agence de presse : «être arrêté en voiture sans raison, se faire plaquer la tête sur le capot du véhicule, se faire braquer un pistolet au visage, être jeté dans un fourgon de police et subir une fouille lorsqu’on est en train de faire des courses».
90% des Noirs arrêtés finalement innocentés
Bernard Parks, ancien chef de la police de Los Angeles et lui-même noir, nuance ces témoignages. «Dire que ce phénomène existe, ça fait un bon titre, mais je ne pense pas qu’on puisse l’affirmer sans détailler les circonstances dans lesquelles ils ont été arrêtés», explique-t-il.
«Si vous voulez connaître les raisons essentielles qui font que certaines catégories de personnes sont arrêtées plus souvent que d’autres, il suffit de consulter les rapports de police sur les crimes signalés et de voir quels groupes ethniques reviennent le plus dans les listes de suspects. Ce sont les données sur lesquelles se basent les policiers», déclare-t-il à Reuters.
L’agence précise que «les Noirs représentaient 73% des auteurs de coups de feu à New York en 2011, pour 23% de la population».
Mais la situation n’est pas si simple, selon des universitaires, qui soulignent que les statistiques sont faussées par le fait que la police se concentre de façon disproportionnée sur les quartiers à majorité noire, et que 90% des Noirs arrêtés en tant que suspects sont finalement innocentés.
Autre fait souligné par Reuters : l’ensemble des policiers et anciens policiers interrogés et ayant subi des contrôles au faciès disent que cela a été le fait de collègues blancs. Un tiers d’entre eux s’est ensuite plaint auprès d’un supérieur, mais parmi ceux l’ayant fait, tous sauf un ont témoigné que leur plainte avait été rejetée, ou qu’ils avaient ensuite subi des brimades administratives. Eric Adams, un ancien officier du NYPD (la police de New York) aujourd’hui chef de l’exécutif du district de Brooklyn, affirme avoir été stigmatisé et brimé au cours de ses vingt-deux ans de carrière pour avoir dénoncé les contrôles au faciès et les violences policières.
En fait, «il n’y a pas vraiment de procédure pour signaler des abus», déplore-t-il, et la police des polices finit généralement, lorsqu’elle est saisie, par divulguer l’identité des plaignants.
Source: libération