Mohammed Dahlan a été exclu du Fatah en 2011.
Le procès pour corruption de l'ex-homme fort du Fatah à Gaza, Mohammad Dahlane, tombé en disgrâce auprès du président Mahmoud Abbas, a été reporté dimanche, a indiqué à l'AFP son avocat, qui a accusé la justice de lui refuser l'accès au dossier de son client.
Désormais installé aux Emirats arabes unis, Dahlane ne s'est pas présenté dimanche au tribunal de Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée, comme il ne l'avait pas fait lors de la première audience
il y a 10 jours.
Une condamnation à deux ans de prison ferme pèse déjà contre lui, après qu'un tribunal palestinien l'a reconnu coupable, en son absence, de diffamation pour des propos tenus sur les services de sécurité de l'Autorité dirigée par
Abbas, chef du Fatah dont Dahlane a été exclu en 2011.
Parce que son client, qui dénonce une affaire politique, ne s'est pas présenté, Me Sévag Torossian s'est vu refuser l'accès au dossier de procédure "malgré deux demandes", a déploré l'avocat, inscrit au barreau de Paris, dans une lettre au procureur général palestinien, dont l'AFP a obtenu copie.
"La Palestine a signé le 2 avril 2014 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (...) qui garantit le droit au procès équitable", rappelle Me Torossian, faisant allusion à l'une des 15 conventions ratifiées par les Palestiniens après l'obtention du statut d'Etat observateur à l'ONU.
"Ce droit n'a en l'état pas été respecté", affirme l'avocat qui dit se réserver le droit de "saisir toutes instances internationales compétentes pour statuer sur les violations" de ce Pacte.
La prochaine audience a été fixée au 22 janvier, selon Me Torossian. Une date également annoncée par la justice palestinienne.
A la suite de son exclusion du Fatah sur des accusations de corruption et de meurtres, l'immunité parlementaire de Dahlane avait été levée. Abbas
et Dahlane se sont mutuellement accusés d'implication dans la mort du dirigeant historique Yasser Arafat il y a dix ans.
Le colonel Dahlane, considéré comme le protégé des Etats-Unis, ministre chargé de la Sécurité intérieure après avoir dirigé la Sécurité préventive dans la bande de Gaza, était tombé en disgrâce en raison de la déroute de ses forces face aux combattants du Hamas, arrivé par la force au pouvoir à Gaza en 2007.
Progressivement revenu dans le jeu politique à la faveur de son élection au Comité central du Fatah en 2009, il en a finalement été totalement écarté, sa condamnation pour diffamation lui interdisant de briguer la succession d'Abbas.
Parodie de justice
Le correspondant de RFI (radio France internationale) à Ramallah, Nicolas Ropert cite les propos de l'avocat français de Dahlane, Sévag Torossian.
« Monsieur Mohammed Dahlan et la défense ont appris par voie de presse qu’il y avait une audience qui le concernait. Donc pas de citation, nous n’avons aucune connaissance du dossier, de l’acte d’accusation. La défense a demandé à plusieurs reprises copie du dossier, comme on le fait naturellement dans toute démocratie. Cela a été refusé. Il semble que l’accusation soit absolument ridicule. C’est complètement disproportionné », critique ainsi Maître Torossian.
La défense de Mohammed Dahlan dénonce un procès politique. L'Autorité palestinienne, de son côté, défend que la justice est indépendante. L'ancien ministre, qui ne se rendra pas à Ramallah, compte utiliser cette fenêtre pour accuser le pouvoir en place.
Mohammed Dahlan, le sulfureux
Mohammed Dahlan est né en 1961 dans le camp de réfugiés de Khan Younès. Il a passé sa jeunesse à jeter des pierres contre les soldats israéliens. Il devient vite chef du mouvement de jeunesse du Fatah, le parti de Yasser Arafat qu’il contribue à mettre sur pied en 1981. Il est emprisonné 11 fois par les Israéliens entre 198 et 1986 pour son appartenance au mouvement. C'est là sans doute qu'une grande partie de son destin se joue.
Il apprend l’hébreu pendant son incarcération et, une fois libéré, termine ses études de gestion à l’université islamique de Gaza. Il rentre alors dans son fief de Gaza avec Yasser Arafat en 1994. Arafat fera de lui le chef des Forces de sécurité préventive de la Bande de Gaza. Une carrière fulgurante qui n'échappe pas aux critiques. Ses adversaires disent de lui qu'il a travaillé avec la CIA, ce qu'il ne nie pas. Son rôle était de mater le Hamas, rebelle aux injonctions du Fatah, ce qui convenait très bien aux Etats-Unis et à Israël.
Fort de ses appuis et d'une immense fortune qu'il a acquise depuis et qui se chiffre à des centaines de millions de dollars, ses appétits politiques s'aiguisent. Il envisage à un moment de renverser Yasser Araraf. En 2007, au moment des plus forts combats entre le Fatah et le Hamas, il ne doit son salut que dans la fuite. Il se réfugie d'abord en Égypte puis dans les pays du Golfe.
Source: RFI, AFP