"Le risque pour nous, c’est qu’une connexion se fasse entre Daech et son armée terroriste, qui ambitionne de progresser jusqu’en Jordanie et au Liban, et des groupes dans la zone du Sahel".
"La militarisation du terrorisme exige une réponse militaire", indique Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, au JDD. Des frappes en Irak à l’opération Barkhane au Sahel en passant par l’arrestation de Mehdi Nemmouche, il explique l’implication de la France dans la guerre contre Daech en Irak, en Syrie mais aussi au Sahel.
Cette menace que vous affrontez dans le Sahel, vous diriez qu’elle est aussi importante ou plus importante que celle rencontrée en Irak et en Syrie face à Daech?
Le risque pour nous, c’est qu’une connexion se fasse entre Daech et son armée terroriste, qui ambitionne de progresser jusqu’en Jordanie et au Liban, et des groupes qui se réclamaient jusqu’à présent d’al-Qaïda dans la zone sahélo-saharienne.
On voit apparaitre aujourd’hui des points de connexion, notamment à Derna en Libye où Daech essaye de prendre la main. Le creuset de cette connexion est en Libye. C’est là que se trouve Belmokhtar mais aussi Iyad ag-Ghali, le leader d’Ansar Dine.
Le sud de la Libye est devenu un hub terroriste. J’ai la conviction que le sujet libyen est devant nous. En 2015, l’Union africaine, les Nations Unies et les pays voisins devront se saisir de cette question sécuritaire brûlante. (…) Frapper sans solution de sortie politique est stérile. La Libye est indépendante. Dans le même temps, nous veillons sur un autre risque de connexion entre les terroristes abrités en Libye et Boko Haram.
"Toutefois, il n'est pas question pour l'instant d'y envisager une intervention militaire directe, estime le ministre.
"C'est là que se trouve Belmokhtar (l'un des principaux chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique) mais aussi Iyad Ag Ghali, le leader d'Ansar-Dine (...) J'ai la conviction que le sujet libyen est devant nous. En 2015, l'Union africaine, les Nations unies et les pays voisins devront se saisir de cette question sécuritaire brûlante".
Réunis le 19 décembre à Nouakchott cinq Etats du Sahel réunis au sein du G5 Sahel (Tchad, Mali, Niger, Mauritanie et Burkina Faso) ont appelé à une intervention internationale "pour neutraliser les groupes armés" en Libye, où le chaos favorise la création de sanctuaires terroristes qui minent les efforts de stabilisation de la zone.
Le G5 Sahel -créé en février- a salué les tentatives des voisins de la Libye et de l'ONU pour "réunir les conditions d'un dialogue entre toutes les parties libyennes à l'exception des groupes terroristes reconnus comme tels".
"Avoir si près de la Méditerranée des organisations terroristes structurées met en cause notre propre sécurité", a ajouté Le Drian. "Et avoir des Français qui combattent aux côtés de Daech, également. Je ne distingue pas entre les terroristes. Ce que nous redoutons, c'est une fusion des mouvances qui jusqu'à présent se combattaient : ceux auxquels nous sommes confrontés au Sahel, issus d'Al-Qaïda, et ceux qui se sont regroupés depuis juin sous le califat de Daech".
Ce califat est désormais "une armée terroriste", a-t-il estimé. "20.000 combattants, des chars repris à l'armée irakienne, des moyens financiers tirés des revenus du pétrole, une technicité au combat et un savoir-faire dans l'utilisation des médias sociaux, tout cela au service d'une volonté de conquête territoriale. Une armée capable de faire de la guérilla urbaine, du terrorisme classique et de la guerre conventionnelle. Oui, nous entrons dans
une nouvelle dimension, celle de la militarisation du terrorisme. Elle exige une réponse militaire".
Source: JDD, AFP