28-11-2024 11:56 AM Jerusalem Timing

Les jihadistes surfent le cyberespace pour recruter des Occidentaux

Les jihadistes surfent le cyberespace pour recruter des Occidentaux

Les recrues étrangères jouent un rôle de premier plan dans le rayonnement jihadiste sur la toile.

Les groupes jihadistes, auxquels étaient liés les trois hommes ayant mené des attaques en France, pratiquent une propagande hyper-sophistiquée sur la toile pour gagner des recrues occidentales, affirment les experts.
   
Les organisations, du groupe Etat islamique (EI) à Al-Qaïda en passant par les shebab somaliens, utilisent l'anonymat et le vaste réseau d'internet pour ramener dans leurs filets des Occidentaux, les inciter à rejoindre les champs de bataille ou à mener des actions violentes dans leur pays.
   
Les deux frères, auteurs du massacre à Charlie Hebdo, ont revendiqué leur appartenance à Al-Qaïda péninsule arabique (Aqpa), basé au Yémen, tandis que l'assaillant du magasin juif a assuré appartenir à l'EI.
   
Les formations radicales islamistes cherchent depuis longtemps à recruter des Occidentaux mais internet a révolutionné leur approche, selon Clint Watts, analyste du Foreign Policy Research Institute, aux Etats-unis.
"Il y a trente ans, cela prenait du temps pour réussir à envoyer des gens en Afghanistan" où les jihadistes combattaient les troupes soviétiques, rappelle-t-il. "Mais maintenant ils utilisent les réseaux sociaux pour leur propagande et c'est pourquoi ils peuvent recruter avec une telle vitesse".
   
 

L'EI en pointe

Pour faire circuler leurs messages, les jihadistes jonglent entre les différentes formes de média. L'Aqpa publie ainsi périodiquement depuis 2010 un magazine en PDF en langue anglaise intitulé "Inspire" dans lequel il expose en détail son idéologie et explique à ses lecteurs comment mener des attaques.
   
Dans ses derniers numéros, il a présenté la France comme une cible et désigné le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, Charb, tué lors de l'attaque, comme l'une des personnes "les plus recherchées".
   
Le Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, diffuse des vidéos habilement montées, des photos et des communiqués sur son compte officiel Twitter et sur le site YouTube. Les Somaliens d'al-Shabab utilisent aussi fréquemment Twitter.
   
Mais aucun groupe ne maîtrise internet avec autant d'efficacité que l'EI.

Alors qu'Al-Qaïda préfère les forums avec des mots de passe, son concurrent a opté pour les sites ouverts.

L’EI a été rapidement présent sur Facebook et Twitter et a même autorisé ses combattants à converser avec des recrues potentielles sur des sites par le biais de questions réponses comme ask.fm.

"L'EI a vraiment perfectionné sa stratégie média. Il possède un format standardisé, qui lui permet d'être facilement identifiable. C'est très efficace et il publie quatre à cinq vidéos par semaine", explique Charlie Winter, un chercheur de la Fondation Quilliam, un think-tank britannique pour contrer l'extrémisme.

Le groupe compte aussi sur "un vaste réseau décentralisé de personnes qui passent leur temps à partager" ses informations, ajoute-t-il.
   
Mais cela ne s'arrête pas là. L'EI et ses partisans sont capables d'utiliser des méthodes très perfectionnées comme le piratage des comptes Twitter et Youtube du Commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom), pour se faire de la publicité.
   
Les experts assurent que les recrues étrangères jouent un rôle de premier plan dans le rayonnement jihadiste sur la toile.

Les groupes jihadistes les plus importants promeuvent leurs opérations en diverses langues et diffusent régulièrement des vidéos montrant des Occidentaux décrire leur vie sur les champs de bataille comme la Syrie ou l'Irak.
"Ils connaissent les moyens d'atteindre une population généralement difficile à atteindre", assure Charlie Winter.
   
L'EI utilise même un otage britannique John Cantlie, un journaliste kidnappé en Syrie, pour présenter une série de "documentaires" prétendant montrer la vie dans les régions qu'il contrôle.
   
 

Encourager les attaques à domicile

 Si la propagande jihadiste a comme premier objectif de convaincre les recrues occidentales de rejoindre son combat, elle appelle aussi les sympathisants à mener des attaques à domicile.
   
L'an dernier, le porte-parole de l'EI Abou Mohammad al-Adnani avait désigné spécifiquement la France dans un message appelant à tuer les "mécréants" en Occident.
"Les jihadistes essaient en premier lieu d'attirer les gens à eux mais ils savent qu'il y a de nombreuses barrières. Si les sympathisants ne peuvent les rejoindre sur le terrain, ils leur disent: 'Restez sur place et menez des attaques'. Ceci s'est produit à plusieurs reprises récemment", explique Clint Watts.

S’en prendre aux causes   

Les experts s'accordent sur le fait qu'il faut s'en prendre aux causes pour assécher le recrutement.
   
Pour Charlie Winter, les gouvernements doivent travailler sur les causes de la marginalisation qui poussent les candidats au jihad. "Se borner uniquement à arrêter des gens ou leur enlever leur citoyenneté peut être potentiellement nuisible car vous pouvez les marginaliser encore plus".
   
Les gouvernements "doivent diminuer le sentiment de marginalisation des gens car c'est un des motifs les poussant à rejoindre ces groupes", insiste-t-il.