Le gouvernement veut les combler
Les "failles" dans la surveillance des auteurs des attentats de Paris sont incontestables, ont reconnu mardi des policiers, le jour où le premier ministre Manuel Valls annonçait de nouvelles mesures pour y pallier, comme un fichier des condamnés pour terrorisme.
"Oui, on est passé à côté" des frères Kouachi et d'Amédy Coulibaly admet, sous couvert de l'anonymat, un membre de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui assure que les services antiterroristes avaient été mobilisés, pendant que les trois hommes planifiaient leurs attaques, sur des suspects jugés plus dangereux et davantage susceptibles de passer à l'action.
"On priorise, au risque de se tromper", explique un responsable de la lutte antiterroriste. "Il est impossible de mettre un flic derrière chaque personne. On essaie de trouver le temps, les gens, pour avoir une surveillance, la meilleure possible, mais qui ne peut pas être une surveillance absolue. C'est une surveillance minimale, essentiellement technique" (écoutes téléphoniques et interceptions sur internet), ajoute-t-il.
Les conversations de Chérif et Saïd Kouachi, bien connus des enquêteurs et signalés par les États-Unis, ont été écoutées dans le cadre d'écoutes administratives (sans feu vert préalable d'un juge nécessaire), sans que rien de suspect n'apparaisse.
"Les écoutes administratives, c'est quatre mois renouvelables une fois, donc huit mois en tout", explique à l'AFP une source policière dans le domaine du renseignement. "Alors si on n'entend rien qui permette d'aller voir un juge, on arrête. En plus, il y a un quota : pour brancher quelqu'un, il faut en débrancher un autre. En plus, il faut avoir les moyens d'écouter vraiment. Et les moyens, on ne les a pas", ajoute cette source.
Au cours des deux dernières années, l'évolution de la situation en Syrie et en Irak, avec la création d'abord de maquis islamistes radicaux puis l'implantation du groupe État Islamique qu'ont rejoint des dizaines, puis des centaines, puis des milliers de volontaires internationaux dont de nombreux Français, a submergé les services spécialisés sous le nombre de cibles à surveiller.
Les frères Kouachi étaient d'autant moins dans le radar des services français que nombre de leurs anciens compagnons radicaux, notamment membres de ce qu'on a appelé la "filière des Buttes Chaumont" (un quartier parisien) au début des années 2000, s'étaient rangés.
Farid Benyettou, l'ancien "émir" autoproclamé de cette filière, a condamné les attaques et les a qualifiées de "pire crime qu'un musulman puisse commettre".
Eux-mêmes présentaient de bons signes d'intégration, avec famille et logement.
Afin de tenter de combler ces "failles", le premier ministre Manuel Valls a annoncé mardi, lors d'un discours à l'Assemblée nationale, la création prochaine d'un nouveau fichier recensant les personnes condamnées pour terrorisme ou ayant été "membres d'un groupe de combat". A l'image de ce qui existe pour les délinquants sexuels, ces personnes devront donner leur adresse, signaler leurs éventuels déménagements et seront passibles de poursuites s'ils ne le font pas.
Le chef du gouvernement a également annoncé une augmentation prochaine des effectifs des services antiterroristes et demandé au ministre de l'Intérieur de lui faire des propositions en ce sens dans les huit jours.
Il a aussi annoncé que des projets de loi déjà votés, comme notamment l'interdiction faite à des ressortissants français soupçonnés de vouloir rejoindre une terre de jihad de sortir du territoire, ou les mesures d'isolement des islamistes radicaux dans des quartiers spéciaux de certaines prisons françaises, allaient être signés rapidement et leurs décrets publiés.