03-05-2024 07:04 AM Jerusalem Timing

Attentats antijuifs : mort mystérieuse d’un procureur argentin encombrant

Attentats antijuifs : mort mystérieuse d’un procureur argentin encombrant

Suicide ou pas suicide..

Suicide ou pas, la mort dimanche du procureur Alberto Nisman interpelle en Argentine, car elle intervient quatre jours après qu'il a accusé la présidente Cristina Kirchner d'arrangements avec l'Iran au détriment de l'enquête sur l'attentat contre la mutuelle juive AMIA (85 morts en 1994).
   
Les autorités argentines semblent privilégier la thèse du suicide, mais nombre d'Argentins, dans la rue ou dans l'opposition, ne croient pas qu'il ait pu se donner la mort alors qu'il avait interrompu ses vacances en Europe pour révéler la responsabilité du pouvoir dans l'entrave faite à l'enquête et qu'il devait intervenir devant le Parlement lundi après-midi.
   
Dimanche soir, le procureur chargé depuis 2004 de l'enquête sur l'attentat de l'AMIA a été retrouvé mort, tué d'une seule balle, gisant dans une flaque de sang et un revolver de calibre 22 mm près de lui, dans son appartement fermé de l'intérieur situé au 13e étage d'un immeuble de Puerto Madero, un quartier chic de Buenos Aires.
   
Pour le secrétaire argentin à la Sécurité, Sergio Berni, "tous les chemins conduisent au suicide", alors que quelques instants plus tôt la procureure Viviana Fein avait invité à la prudence en attendant les résultats de l'autopsie, attendus pour lundi après-midi.
   
La semaine dernière, Alberto Nisman avait demandé l'ouverture d'une enquête pour entrave contre Mme Kirchner. Il la soupçonnait d'avoir freiné l'enquête au profit de l'Iran, dont des hauts-fonctionnaires sont recherchés par la justice argentine.
   
Le gouvernement argentin, par la voix du ministre des Affaires étrangères Hector Timerman, avait catégoriquement démenti la mise en cause du procureur Nisman et dénoncé une manoeuvre de déstabilisation à neuf mois du premier tour de la présidentielle.
   
En 1994, une explosion criminelle avait ravagé le bâtiment de la mutuelle juive AMIA, faisant 85 morts et 300 blessés, dans le centre de la capitale.
   
Deux ans plus tôt, le 17 mars 1992, 29 personnes avaient péri dans un attentat contre l'ambassade d'Israël.
   
Les deux attentats ayant visé la communauté juive argentine n'ont jamais été élucidés.
   
Israël s'est dit lundi attristé par la mort du procureur et a appelé Buenos Aires à "continuer le travail du procureur Nisman (...) pour traduire en justice les responsables de l'attentat".
   
 
Appels à manifester
 
"C'est un nouvel attentat contre la République", s'est ému Sergio Bergman, rabbin et député du PRO, parti conservateur d'opposition.
   
Le procureur argentin avait affirmé détenir des enregistrements d'écoutes téléphoniques accusant le pouvoir et démontrant que les autorités argentines avaient ces dernières années cédé à un chantage de la part de l'Iran, qui, selon lui, faisait miroiter à Buenos Aires de juteux contrats commerciaux.
   
Il devait présenter lundi aux parlementaires des preuves de ses accusations contre Mme Kirchner et M. Timerman coupables d'après lui d'avoir préparé "un plan d'impunité" pour "protéger les fugitifs iraniens".
   
M. Nisman avait demandé la saisie préventive de leurs biens pour un montant de près de 20 millions d'euros.
   
S'il y a "impunité" après cette mort, "ce sera un désastre pour nos institutions", a estimé le maire de Buenos Aires et candidat à la présidentielle d'octobre 2015, Mauricio Macri.
   
L'Iran est soupçonné d'être impliqué dans l'attentat de l'AMIA. La justice argentine réclame l'extradition de huit responsables iraniens, dont l'ancien ministre de la Défense Ahmad Vahidi et l'ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, pour les juger.
   
L'Iran et l'Argentine ont signé en 2013 un mémorandum pour la mise en place d'une commission d'enquête sur l'attentat contre l'AMIA et l'audition à Téhéran des huit suspects. Cet accord est resté lettre morte.
   
Alberto Nisman, 51 ans, divorcé d'une juge argentine et père de deux filles, avait été nommé en 2004 par le président Nestor Kirchner, époux de Mme Kirchner, mort en 2010. Il vivait sous protection policière. C'est d'ailleurs un de ses gardes du corps qui a donné l'alerte, car le procureur ne répondait pas à ses appels.
   
Pour le politologue Atilio Boron, "la première victime est Nisman, la deuxième, les familles des victimes de l'attentat et la troisième, le gouvernement argentin. Car les médias hégémoniques disent qu'il est pratiquement certain que le gouvernement est derrière (la mort de Nisman)".
   
Dans l'affaire de la mutuelle AMIA, l'ancien président argentin Carlos Menem (1989-1999), 84 ans, est également mis en cause, lui aussi pour avoir entravé l'enquête. Il attend depuis trois ans qu'une date soit fixée pour le procès.
   
Sur les réseaux sociaux, des appels à manifester lundi à 17h00 heure locale (20H00 GMT) se multipliaient.