Israël se défend avoir su à l’avance l’identité des victimes de son raid meurtrier contre des membres du Hezbollah et un général iranien
« Nous étions loin de nous douter du rang des tués, et encore moins qu'un général iranien se trouvait parmi eux ».
Des propos inhabituels de la part d’un responsable militaire israélien surtout quand il s’agit d’une attaque israélienne aussi percutante tant au niveau des cibles visées qu’à celui de leur identité, à savoir des membres du Hezbollah et un général des Pasdarans iraniens.
Et bien sûr, la question qui s’impose : pourquoi Israël se défend-il de connaitre ses cibles?
Deux lectures : la première consiste à réfuter de tels propos, au motif qu'ils constituent une insulte à l’intelligence du simple citoyen arabe, et un effort méprisant de décrire un crime par un mensonge.
En effet, il est difficile de penser que l'ennemi israélien réputé pour ses capacités militaires et d’intelligence développées ne puisse pas être au courant de l'identité des personnes dans le convoi qui a été visé à Quneitra. Par conséquent, tout argument avancé pour justifier l’injustifiable dans le but d’atténuer l'impact de ce qui est arrivé est un leurre évident malgré toute la mesquinerie exprimée par le responsable.
Ce qui nous conduit à la conclusion selon laquelle l'ennemi a adressé à travers cet raid des messages à Hezbollah, à l'Iran et à la Syrie et cherche maintenant à protéger ce qu’il croit être «un exploit», en essayant de contenir les débordements de son acte et d’en réduire les répercussions, sachant qu’il a détecté un réel danger, à la lumière de la confusion qui prévaut dans l’institution militaire qui vit dans l'attente d’une riposte inévitable de la part de la résistance.
La deuxième lecture consiste à prendre au sérieux les propos du responsable israélien et à prendre en considération la possibilité que l'ennemi ne connaissait pas réellement l'identité des membres du convoi ciblé, et donc que l’ennemi israélien pensait viser une simple patrouille du Hezbollah. Israël a donc décidé de donner des explications sur ce qui est arrivé, sans doute pour atténuer la riposte de la Résistance islamique, et surtout neutraliser l'Iran, qui a menacé hier, de «conséquences orageuses ».
Quoiqu’il en soit, il est certain qu'Israël ne sera pas en mesure de faire marche arrière et toute explication israélienne n'a pas de valeur après, sutout que des combattants sont tombés en martre , ce qui revêt une signification symbolique et une valeur militaire inestimable.
Cela dit..
Dans une analyse du commentateur militaire de Haaretz, Amos Harel, « les décisions israéliennes concernant la planification et l’exécution d’opérations d’assassinats exigent deux phases: consultation entre le ministre de la Défense et les chefs de l'armée israélienne et, si nécessaire, les chefs du renseignement, puis accord entre le ministre de la Défense et le chef du gouvernement. S’il s’agit de récolte de renseignements de sécurité proche de la date de l'opération, il se peut que les consultations soient très brèves notamment à travers des lignes téléphoniques cryptées. Or, les officiers ont souvent mis en garde contre l’exécution de telles opérations, par crainte de répercussions dangereuses ».
De l'avis de Harel, au cas d’un conflit de point de vue entre les chefs d'état-major, la décision finale revient au ministre de la Défense. Or, Moshe Ya'alon, a toujours adopté une politique offensive qu’il a justifiée publiquement pour toutes les attaques israéliennes, sachant qu’il était un commandant à Sayeret Matkal (ou commando d’État-major : l'unité de dernier recours des forces spéciales de Tsahal. Ses principales fonctions sont les opérations d’assassinat, la reconnaissance et le renseignement militaire)..
En fait, la décision finale appartient au premier ministre et au ministre de la défense qui ont le droit d'ignorer les mises en garde de certains officiers et d’accepter les recommandations d’autres.
Harel croit que « les hypothèses selon lesquelles aussi bien Israël que le Hezbollah répugnent toute escalade ne changent rien, car la guerre de 2006 prouve le contraire ». Cependant il explique que « les circonstances régionales actuelles ont radicalement changé et le Hezbollah affronte une situation plus compliquée alors qu'il tente d’installer une politique de dissuasion face à Israël, surtout après les opérations israéliennes à la frontière en Syrie et après les assassinats au Liban. Il suggère que ceux qui étaient dans les deux voitures Jeep avaient pour mission de préparer le terrain pour de futures opérations contre Israël ».
Harel estime toutefois que « même si le Hezbollah n’est pas intéressé par une escalade parce qu’il est préoccupé par ses batailles à l'intérieur de la Syrie et au Liban, les nouvelles estimations n’excluent pas une forte riposte de sa part ».
En témoigne la cadence accélérée des réunions du Conseil ministériel réduit pour discuter des possibilités de ripostes, voire d’un risque réel d’une escalade conduisant à une confrontation majeure non seulement avec le Hezbollah mais peut-être avec l'axe de la résistance.
Le commentateur des affaires arabes à Haaretz, Zvi Bar'el avance la crainte que le raid de Quneitra ne fasse éclater l’ «accord tacite de l’Iran de ne pas intervenir».
Dans cet ordre d’idées, les arguments des Israéliens que leur raid était tactique et qu'ils méconnaissaient le rang des passagers du convoi, pourraient s’adresser à certains pays pour les pousser à intervenir afin d'empêcher une éventuelle escalade.
Cependant, l'armée israélienne a d'ores et déjà déployé ses batteries «Dôme d'acier» dans le nord, et a déclaré l'état d'alerte tout au long de la frontière, aussi bien avec le Liban que la Syrie.
Traduit à partir du journal as-Safir