L’opposition saoudienne se réveille et publie un communiqué: un appel pour l’instauration d’une démocratie populaire en six étapes..
La mort du roi Abdallah intervient à un moment très délicat pour le secteur pétrolier en Arabie-saoudite surtout que celle-ci s’efforce de maintenir son rôle de leader dans un secteur qui évolue rapidement.
Depuis le début du 21eme siècle , l'Arabie saoudite a investi des dizaines de milliards de dollars pour devenir le seul État qui puisse jouir d’un excédent de production estimé à trois millions de barils.
Le royaume a aussi tenu à augmenter sa capacité de raffinage d'environ cinq millions de barils par jour, renforçant le développement du secteur de gaz naturel.
Aujourd'hui, l’Arabie saoudite a haussé sa production qui était de huit millions de barils par jour en 2011 jusqu’ à 9.600.000 barils pour couvrir le déficit d'autres pays producteurs de l’(OPEP) exportateurs de pétrole, en particulier l'Iran, l'Irak, la Libye et le Nigeria.
Et il ne semble pas que l'Arabie saoudite soit prête à abandonner cet excédant de production.
En effet, grâce à sa haute production en pétrole, l'Arabie saoudite a récolté d’énormes couvertures financières estimées à 750 milliards de dollars, le royaume reste fortement tributaire des revenus du bruts, qui représentent 90 pour cent des recettes publiques.
Mais après une décennie de haute-production, l'Arabie saoudite se retrouve aujourd’hui dans une lutte acharnée pour conserver sa part dans le marché et défendre sa position de leader face à de nouveaux producteurs de pétrole qui ne sont pas membres de l'OPEP.
Or, cette dernière a décidé, sous l'influence de l'Arabie saoudite et d'autres États du Golfe, de maintenir les niveaux de production malgré une chute des prix du baril du pétrole, poussant le marché dans le sens de nouvelles chutes jamais enregistrées depuis la crise financière mondiale en 2008.
Les prix du brut ont perdu plus de la moitié de leur valeur depuis Juin.
Pour la première fois en quatre décennies, Riyad, a refusé de jouer son rôle traditionnel de modérateur du marché, soulignant que sa décision est purement économique et non politique.
Le ministre saoudien du Pétrole Ali al-Naimi, architecte de la politique pétrolière de l’Arabie depuis vingt ans, a promis de ne pas réduire la production, même si le prix du baril de pétrole chute à 20 $.
D’ailleurs, les experts ne s’attendent pas à un changement dans la politique de l'Arabie saoudite dans ce domaine. L’analyste à l'Institut Carnegie, Frédéric Moins a déclaré pour l'AFP : « Je pense que le royaume poursuivra sa politique. La politique pétrolière saoudienne est dirigée par un groupe de technocrates, je ne pense pas que le nouveau roi compte changer cette politique ».
Pour sa part, Jean-François Seznec, qui enseigne à l'Université de Georgetown et expert dans les affaires du pétrole dans le Golfe, s’attend à ce que Riyad lutte farouchement afin de maintenir sa supériorité. Il a souligné : "L'Arabie saoudite luttera farouchement pour conserver sa position de leader sur les marchés du pétrole, a rapporté l'AFP.
Pour Al-Naimi: "L’avenir du marché du pétrole dépend uniquement des producteurs..."
Le ministre du pétrole au cœur du jeu
Justement ce ministre du pétrole semble être un élément clé dans les jours ou les semaines à venir : il s’agit de savoir si le roi Salman le confirmera dans ses fonctions ou pas.
"Il est possible qu'Ali al-Naimi soit remplacé" après qu'il a laissé entendre qu'il souhaitait consacrer davantage de temps à ses activités universitaires, soulignait Phil Flynn, analyste de Price Futurs à Chicago.
Pour Florence Eid-Oakden, économiste en chef d'Arabia Monitor à Londres, "Naimi est respecté et aucun changement ne devrait intervenir tant que l'actuel cabinet restera en place" a-t-il affirmé à l'AFP (version arabe) .
Dans l'immédiat, la mort du roi Abdallah ne devrait pas jouer de façon significative sur les prix du brut dont de nombreux analystes pensent qu'ils s'approcheront au cours du premier semestre du seuil des 40 dollars, voire en-deçà.
Ils avaient encore fortement baissé jeudi sous l'effet d'un bond des stocks de brut aux Etats-Unis et d'un net regain de vigueur du dollar après l'annonce par la Banque centrale européenne d'un programme de rachats massifs de dette qui a pour conséquence de renforcer le dollar, rendant plus onéreux les achats de brut libellés dans la monnaie américaine.
Quand le pétrole achetait la paix sociale
A court terme cependant, rien ne sera plus compliqué à gérer pour le nouveau roi saoudien que la baisse significative et durable des prix mondiaux du pétrole. Le brut a plongé sous les 50 dollars le baril environ, frappant durement le gouvernement saoudien, qui dépend presque entièrement des revenus pétroliers. Pour la première fois depuis des années, le budget saoudien sera en déficit en 2015.
Cette baisse des prix pétroliers va mettre Salmane face à deux défis. D’abord, dans les faits, le royaume s’est acheté une stabilité interne depuis des décennies en mettant en place un système social extrêmement généreux, qui offre aux citoyens, parmi d’autres avantages, une éducation et un accès à la santé gratuits. Ce sera plus difficile à maintenir avec un pétrole qui s’échange à son prix le plus bas depuis des décennies.
Ensuite, l’Arabie saoudite a utilisé son pétrole pour construire une des armées les plus puissantes du Moyen-Orient, en achetant de nombreux armements américains et en engageant des milliers de soldats américains et occidentaux pour former ses propres troupes. Le royaume a récemment également augmenté son soutien financier aux rebelles qui tentent d’évincer Assad ainsi qu'au nouveau gouvernement égyptien, qu’il voit comme un rempart contre un retour des islamistes qui ont contrôlé le pays pendant le court mandat du président Mohamed Morsi.
Des réformes lancées, mais pas menées à terme
Pour l’instant, beaucoup de Saoudiens vont s’interroger sur l’avenir des réformes lancées mais pas menées à leur terme par Abdallah. Il a travaillé à réduire la dépendance du pays au pétrole en promouvant l’usage de l’électricité nucléaire et d’autres formes d’énergie renouvelable. Le roi a également fait quelques modestes pas vers plus de libertés pour les femmes, bien qu’une promesse de les autoriser à voter aux élections municipales ait été suspendue sine die face aux critiques des religieux et des conservateurs.
Salmane a passé des années dans les cercles du pouvoir, mais on est loin de savoir quel sorte de leader il s’avèrera être ou comment réagira-t-il face à une opposition qui a déjà a montré son bout du nez.
L’opposition se réveille..
En effet, un groupe de militants saoudiens, se clamant de l’opposition, ont publié un communiqué qui semble être un appel à un soulèvement populaire pacifique de réformes, a rapporté le stie d'informations alWAtan.
Le texte affirme : « Dans ces moments critiques que traversent le pays à travers la crise de l'énergie , la mort de l'actuel roi, l'absence de tout rôle pour le peuple dans la prise de décision politique, et la paralysie des institutions de l’Etat en raison du vide constitutionnel et législatif qui sont censées organiser la transition du pouvoir pour qu’elle se déroule et pour qu’elle ne soit pas exploitée dans un conflit qui pourrait surgir entre les branches du pouvoir monarchique et son centre, notamment dans la distribution des ministères-clés comme celui de la défense , de l'intérieur et de la Garde nationale, il a été décidé de publier cette déclaration.
Nous exhortons le peuple et notre armée nationale bénie à coopérer ensemble pour surmonter les défis actuels du pays et déclencher une phase de transition dans laquelle la volonté du peuple sera exprimée via un gouvernement constitutionnel élu par le peuple qui dirigera le pays, et ensuite créer une constitution qui répondra aux aspirations du peuple. Les principales étapes de cette transition :
1. Un parlement national composé de députés élus par tous les citoyens, jouissant de pouvoirs qui lui offrent la possibilité de promulguer des lois, des règlements, de nommer le gouvernement, d’interroger les fonctionnaires, de contrôler le travail du gouvernement et sa performance.
2. Séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire afin de garantir leur indépendance.
3. L'indépendance du pouvoir judiciaire et la clôture de tous les dossiers des droits de l’homme et la libération immédiate des prisonniers politiques.
4. Créer des lois qui protègent la dignité humaine et le droit d’expression, et qui assure l'immunité pour la presse afin qu’elle puisse s’exprimer comme quatrième pouvoir et dénoncer la corruption.
5. Création d'organisations civiles et syndicales concernées par la sensibilisation à la défense des droits de l'homme.
La déclaration conclut que « les filles et fils libres de notre peuple poursuivront leurs efforts pour libérer le pays de la tyrannie de la famille royale ».
Il nous reste plus qu'à attendre ce que nous réservent les prochains jours dans un royaume à bout de souffle..