Abdel Fattah al-Sissi est accusé d’avoir instauré un régime plus autoritaire que celui de M. Moubarak
Comme des millions d'Egyptiens, Zyad el-Elaimy manifestait en 2011 pour obtenir le départ du président Hosni Moubarak mais quatre ans plus tard, il rend visite à ses amis militants en prison tandis que l'ancien raïs est quasiment blanchi par la justice.
Au moment où l'Egypte commémore dimanche le quatrième anniversaire de la révolte du 25 janvier, la parenthèse démocratique ouverte par le soulèvement contre M. Moubarak a été refermée, estiment militants des droits de l'Homme.
Le président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en 2013, est accusé d'avoir instauré un régime plus autoritaire que celui de M. Moubarak.
Fort du soutien d'une grande partie de l'opinion publique, lassée par quatre années d'instabilité politique et de crise économique, son pouvoir mène une répression implacable contre toute opposition, islamiste mais aussi laïque.
M. el-Elaimy, figure de proue de la révolte et élu député lors des premières législatives démocratiques après le soulèvement, rêvait de voir se concrétiser les slogans de la place Tahrir, réclamant "du pain, la liberté, la justice sociale, la dignité humaine".
Mais aujourd'hui, alors que la justice a abandonné l'accusation de complicité de meurtre qui pesait contre l'ancien raïs pour la mort de centaines de personnes durant la révolte, M. el-Elaimy ne se fait pas d'illusion.
Ce verdict "est un message qui nous est adressé. Le pouvoir peut être aussi corrompu et répressif qu'il le veut, il échappera toujours au châtiment", déplore-t-il.
'Règlement de compte politique'
Jeudi, les deux fils Moubarak, Alaa et Gamal, ont été remis en liberté, en attendant leur nouveau jugement dans une affaire de corruption. Accusés avec leur père d'avoir détourné plus de 10 millions d'euros alloués à l'entretien des palais présidentiels, ils avaient été condamnés à la prison en mai, avant que la Cour de cassation n'ordonne un nouveau procès.
M. Moubarak va rester en détention dans un hôpital militaire du Caire même si techniquement il est libre, selon son avocat. Une bien maigre consolation pour les figures de proue de la révolte de 2011, qui sont quasiment tous derrière les barreaux, des dizaines de militants ayant été emprisonnés pour avoir enfreint une loi controversée limitant le droit de manifester.
Parmi eux, Ahmed Maher et Mohamed Adel, deux dirigeants du mouvement du 6 avril, ont écopé de trois ans de prison tandis que cette organisation, à la pointe de la contestation anti-Moubarak, a été interdite par la justice.
Pour le professeur de sciences politiques à l'université du Caire Ahmed Abd Rabo, les autorités sont engagées dans "un règlement de compte politique avec toute personne qui représente la révolution".
Et les partisans de M. Morsi restent la cible principale de la répression.
Depuis son éviction, soldats et policiers ont tué plus de 1.400 manifestants islamistes. Plus de 15.000 sympathisants ont été arrêtés et l'ONU a dénoncé des peines de mort prononcées dans des procès de masse, qualifiés de "sans précédent dans l'Histoire récente."
'Rien n'a changé'
"Quatre ans après, nous en sommes à mener une bataille encore plus difficile contre un régime encore plus violent", estime Ammar Motawee, un jeune membre de la confrérie de M. Morsi, dont la soeur est restée trois mois en détention.
Les Frères musulmans, qui avaient remporté toutes les élections entre 2011 et la chute de M. Morsi, ont été classés "organisation terroriste" en décembre 2013 par le gouvernement.
La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme estimait vendredi que "les libertés gagnées avec la révolution étaient maintenant niées", dénonçant "une justice à deux vitesses".
Les célébrations officielles prévues pour l'anniversaire de la révolte ont par ailleurs été repoussées en raison de la mort du roi d'Arabie Saoudite.
Le président Sissi nie régulièrement tout retour à un régime autoritaire.
Après l'abandon des charges contre M. Moubarak, il avait assuré que le pays se dirigeait "vers l'établissement d'un Etat démocratique et moderne, fondé sur la justice, la liberté, l'égalité et la lutte contre la corruption".
Des élections législatives doivent débuter le 21 mars.
"Rien n'a changé", assène pourtant M. Elaimy. "La gestion du pays est toujours la même, marquée par l'autoritarisme, la corruption et les restrictions des libertés."