Les annonces du gouvernement assomment les marchés, "arrangements possibles" sur la dette.
Le président de la Commission européenne a prévenu jeudi qu'il n'était "pas question de supprimer la dette grecque" mais que "des arrangements sont possibles", au lendemain des déclarations d'intention du nouveau gouvernement grec qui ont assommé les marchés.
"Il n'est pas question de supprimer la dette grecque. Les autres pays de la zone euro ne l'accepteront pas", a affirmé Jean-Claude Juncker dans une interview au quotidien français Le Figaro.
"Des arrangements sont possibles, mais ils n'altèreront pas fondamentalement ce qui est en place", a estimé le président de la Commission européenne.
Le nouveau Premier ministre "Alexis Tsipras jure que la Grèce n'acceptera plus l'austérité. Les pays de l'euro répondent qu'il n'y aura plus de crédits si la Grèce s'affranchit de ses engagements", a-t-il ajouté.
Mercredi, le gouvernement Tsipras a multiplié les annonces tirées du programme de gauche radicale Syriza, contraires aux préconisations de la troïka (UE, BCE, FMI), avec pour première conséquence une chute massive des banques à la Bourse.
L'indice général de la Bourse d'Athènes a ainsi perdu 9,24%, les banques un quart de leur valeur (-26,67%), tandis que l'obligation grecque à 10 ans est repassée au-dessus de 10%.
M. Tsipras, comme son ministre des Finances Yanis Varoufakis, ont soufflé le chaud et le froid, le premier en installant le conseil des ministres pour la première fois, le second lors de sa passation de pouvoir avec son prédécesseur conservateur, Guikas Hardouvelis.
M. Tsipras a déclaré en ouvrant le premier conseil des ministres qu'il s'estimait à la tête d'un gouvernement "de salut national", prêt à "verser son sang" pour restaurer "la dignité des Grecs".
Cette perte de "dignité" a régulièrement été imputée par Syriza aux contraintes imposées à la Grèce depuis l'entrée en vigueur des programmes d'aide, en 2010, et dont le nouveau gouvernement prétend s'affranchir, tout comme il exige une renégociation de la dette du pays.
Pas de rupture désastreuse
M. Tsipras a d'emblée évoqué parmi "les priorités" une "nouvelle renégociation avec nos partenaires pour trouver une solution juste, viable et mutuellement utile". Il a assuré vouloir à la fois éviter "une rupture désastreuse réciproque" avec les partenaires de la Grèce et mettre fin à "la politique de soumission" du pays.
M. Varoufakis pour sa part a réaffirmé que son pays allait "tourner la page de la politique d'austérité", mais "ne voulait pas de duels" entre la Grèce et l'Europe : au contraire, "une nouvelle relation de confiance et de sincérité".
Mais toute la journée, au fur et à mesure des discours de passation de pouvoir, les ministres ont multiplié les annonces qui n'étaient pas faites pour rendre l'UE très confiante.
La première a été l'arrêt de la privatisation prévue du port du Pirée et de celui de Thessalonique, ou de la compagnie d'électricité DEI.
Ont suivi la hausse du salaire minimum, la réintégration de plusieurs milliers de fonctionnaires, le relèvement des pensions des retraités les plus pauvres...
Symboliquement, le gouvernement a aussi annoncé la réintégration des femmes de ménage de l'administration des Finances du pays, mises en disponibilité il y a un an et demi et qui depuis avaient installé un campement devant le ministère à Athènes, devenant la mascotte des "anti-austérité".
De quoi écoeurer les experts de la troïka, au moment où l'UE doit justement verser fin février à la Grèce les 7 derniers milliards de son plan d'aide, mais à la condition expresse que les réformes en cours aient abouti et que la Grèce observe un régime budgétaire strict.
Or ni M. Tsipras ni son ministre des Finances n'ont paru mercredi accorder la moindre importance à l'échéance de février.
Incompatibles
L'agence de notation Standard's and Poor's a menacé dès le début de soirée d'abaisser de "stable" à "négative" la note "B" de la Grèce : "Certaines des politiques économiques et budgétaires promues par le nouveau gouvernement récemment élu en Grèce, mené par le parti de gauche Syriza, sont incompatibles avec le cadre politique négocié entre le précédent gouvernement et les créanciers officiels" du pays, justifie l'agence.
Analyste chez IHS, Blanka Kolenikova juge la tâche du gouvernement Tsipras "potentiellement aggravée par le manque d'expérience des nouveaux ministres".
Dans ce contexte, Alexis Tsipras reçoit jeudi à 14h00 son premier hôte de marque, le président du Parlement européen, l'Allemand Martin Schulz.
Mais toute l'attention se porte sur la visite que fera vendredi Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe (ministres des Finances de la zone euro).
Alexis Tsipras a prédit mercredi des discussions "cruciales et productives". Il a réuni mercredi soir tout son état-major chargé des Finances pour préparer la rencontre.
"Nous sommes ouverts aux idées et propositions des actionnaires privés", a déclaré le vice-Premier ministre Ioannis Dragasakis à la sortie de cette réunion, ajoutant que la "préoccupation (du gouvernement) était le bon fonctionnement des banques".
Parallèlement, la Maison Blanche a dit "surveiller de près" la situation en Grèce.