Le parti SYRIZA s’était opposé à plusieurs reprises aux sanctions décidées contre l’économie et les finances russes.
La victoire de la coalition des gauches SYRIZA en Grèce ne se limitera peut-être pas au séisme extérieur de l’opposition à l’austérité européenne et intérieur de la séparation entre l’Eglise et l’Etat. SYRIZA veut aussi rétablir les relations privilégiées historiques entre la Grèce et la Russie, quitte à dynamiter l’unité européenne sur les sanctions contre l’économie russe.
Interrogé par l’édition en ligne du journal Rossijskaya Gazeta peu avant les élections grecques qui ont vu l’avènement de son parti, Kostas Sirixos, directeur du département des affaires étrangères au sein de SYRIZA précisait ainsi les orientations principales de la politique étrangère de la Grèce en cas de victoire. « Notre premier objectif est de rétablir la souveraineté de la Grèce (…) en matière de politique étrangère, notre pays écrasé par une dette de 340 milliards obéit beaucoup à la volonté de ses bailleurs de fond. Notre second objectif est de travailler avec nos alliés politiques européens pour contrecarrer l’influence géopolitique et économique que l’Allemagne essaie d’imposer aux pays d’Europe du Sud-est et aux Balkans ».
Le plus intéressant réside dans les orientations à moyen et long terme : « nous devons mettre en route de nouvelles orientations de la politique étrangère grecque hors de l’UE. Notamment, le gouvernement SYRIZA a l’intention de coopérer partout où nous avons des intérêts communs avec les pays BRICS et surtout la Russie ».
Mettant en avant la communauté de liens historiques, religieux, économiques, il a exprimé son soutien au projet russe alternatif au South Stream, c’est à dire le gazoduc vers la Turquie et la création d’un hub gazier aux limites avec la Grèce : «notre pays dispose de réserves potentielles d’hydrocarbures. Nous pensons que la Russie et ses majors pourraient être nos partenaires stratégiques dans ce domaine ».
Le parti SYRIZA s’était opposé à plusieurs reprises aux sanctions qui ont été décidées par les pays de l’UE et les autres pays du camp de l’Occident (USA, Canada, Norvège, Suisse, Australie, Japon) contre l’économie et les finances russes : « nous savions que la Russie allait prendre des contre-sanctions, qui frappent durement notre économie. Nos agriculteurs ont perdu près de 430 millions d’euros suite à la rupture des contrats de livraison. Je pense que la Grèce gouvernée par Syriza peut proposer la voie du dialogue avec la Russie ».
SYRIZA a déjà annoncé qu’elle ne remettrait pas en cause l’appartenance de la Grèce à l’UE, si l’Union abandonne l’austérité à tous crins, et que le pays ne sortira pas de l’OTAN, même si le parti estime que « l’OTAN a perdu sa raison d’être. L’Alliance est restée seule en Europe, et c’est dangereux car elle se transforme en gendarme mondial ».
Cependant, les spécialistes de l’UE russes restent sceptiques quant à la possibilité réelle pour la Grèce de dynamiter les sanctions. Citée par l’édition russe de la BBC – qui véhicule une ligne pro-occidentale et opposée à la montée en puissance de la souveraineté russe – le politologue russe Pavel Sviatenkov, du Fonds de Mise en Perspective Historique, estime que « si l’on compare l’Union avec une société par actions, la Grèce est un petit porteur. Sa puissance économique est faible et elle a peu de moyens de pression sur les dirigeants de l’UE. Mais la Grèce peut être un soutien de la Russie à l’intérieur de l’Union».
Il a estimé par ailleurs que « la coopération de la Grèce avec la Russie sera sans doute tournée vers la recherche de moyens financiers et la possibilité de s’appuyer sur la Russie dans ses négociations avec Bruxelles. Du fait des sanctions, il est peu probable que la Russie donne de l’argent, ou du moins en grande somme. En revanche, les deux pays mèneront ensemble des projets communs, comme celui du gazoduc sous la Mer Noire entre la Russie et la Turquie. S’il bifurque vers la Grèce, ce sera très bien pour Athènes ».
SYRIZA est consciente de la faiblesse à priori de la position grecque. Sirixos explique que son parti espère coaliser l’ensemble des forces européennes opposées à l’austérité : « regardez l’Espagne où Podemos monte. Dans quelques mois la nouvelle gauche européenne pourrait détenir un nouveau gouvernement. Regardez l’Irlande, où le Sinn Fein cartonne. Comme on dit en Grèce, les coutures sont en train de craquer (…) L’Europe ne peut pas continuer sur le chemin de l’austérité en s’enfonçant dans la récession. Et si l’Allemagne nous coupe les vivres à cause de notre position, elle disposera ainsi une bombe à retardement sous toute l’UE ».
Source : Breizh info