La politique de destitution de la nationalité des Bahreinis chiites est toujours accompagnée de celle de la naturalisation des étrangers sunnites..
Au lendemain de sa rencontre avec le nouveau roi de l'Arabie-saoudite, le roi Salmane, le roi cheich Hamad bin Isa Al-Khalifa, a décidé de dépouiller 72 citoyens bahreïnis de leur nationalité, pour avoir soi-disant «nui aux intérêts du royaume», a rapporté l’agence officielle BNA.
Selon l’agence, cette décision, qui a fait l’objet d’un décret, s’inscrit dans le cadre des mesures prises pour «préserver la sécurité et la stabilité et lutter contre les dangers et les menaces terroristes». Les noms des 72 personnes ont été publiés par BNA.
«Les autorités compétentes au ministère de l’Intérieur prendront les dispositions nécessaires pour mettre en œuvre» la décision gouvernementale, explique BNA, sans plus de précision sur l’application de cette mesure.
Il s'agit là d'une grave violation des lois internationales et de la Déclaration universelle des droits de l'homme notamment l'article 15, qui interdit de priver les gens de leur nationalité de manière arbitraire ou de leur dénier le droit de la changer. Sans oublier, le Pacte des droits civils et internationals, notamment l'article 16 qui reconnait la personnalité juridique des citoyens.
Le ministre de l’Information, Issa al-Hammadi, a indiqué que «la plupart» de ceux qui ont été déchus de leur nationalité «se trouvent à l’étranger et peuvent faire opposition auprès de la justice».
«Ils ne représentent pas un seul courant terroriste», laissant entendre qu’ils n’appartiendraient pas à une seule confession, a-t-il ajouté.
Parmi les raisons ayant motivé le retrait de la nationalité aux 72 Bahreïnis, le ministre a cité notamment «l’appartenance à des cellules et des groupes terroristes» et «le financement d’actes terroristes» mais aussi «l’incitation à un changement du régime par la force» et «la propagation des idéologies déviantes», une référence aux groupes islamistes extrémistes.
Il s’agit du plus grand nombre de Bahreïnis, déchus collectivement de leur nationalité depuis l’entrée en vigueur d’une loi adoptée en 2013 et prévoyant cette sanction pour les auteurs d’actes qualifiés de «terroristes». Le principal groupe de l’opposition bahreinie, Al-Wefaq, a dénoncé le retrait de la nationalité, devenue «une arme» que le régime utilise pour «punir les opposants».
«La plupart de ceux qui ont été déchus de leur nationalité samedi sont des opposants en exil», a ajouté le Wefaq dans un communiqué, estimant à une cinquantaine le nombre de ces opposants qui militent pour «une transition démocratique à Bahreïn».
En novembre, trois chiites bahreïnis avaient été condamnés à dix ans de prison chacun et déchu de leur nationalité accusé d' avoir planifié un attentat contre la police.
Peu auparavant, 18 autres Bahreïnis avaient été déchus de leur nationalité dans deux affaires différentes de violences.
En 2012, les autorités de Bahreïn avaient déjà déchu de leur nationalité 31 chiites pour «atteinte à la sûreté de l’Etat», sans décision de justice.
Changer le tissu démographique du pays
Cette stratégie consistant à dépouiller les Bahreinis appartennant à une certaine confession de leur nationalité, et d'octroyer la nationalité du pays aux résidents étrangers également appartenant à une certaine confession, a pour objectif de changer le tissu démographique du Bahreïn, en faveur des Sunnites.
Et pour cause..
Il s'agit pour le régime des al-Khalifa de s'acheter une forme de légitimité démocratique pour s'octroyer le droit de diriger seul le pays face à l'opposition bahreinie qui exige une participation dans le pouvoir.
Le Bahreïn, rappelons-le, abrite une population d’un million deux cents mille personnes, dont plus de la moitié sont chiites. Le régime des Al-Khalifa gouverne, à Bahreïn alors qu’il fait partie de la minorité sunnite et non de la majorité chiite bahreïnie.
Les Chiites constituent, donc, la majorité de la population bahreïnie, et c’est pour cela que les Al-Khalifa, sous l’influence des pensées wahhabites, ont commencé à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, à vouloir changer le tissu démographique en manifestant une véritable animosité envers le Chiites, à travers une série de mesures discriminatoires et racistes , dignes du régime de l'Apartheid.
Or, la cause principale de l’opposition des Chiites au régime des Al-Khalifa n’est pas due au fait qu’ils soient des Sunnites, au contraire ..
Il s'agit de la revendication de réformes constitutionnelles permettant à toutes les composantes de la societé bahreinie de participer dans la gestion des affaires du pays.
Mais aussi, il ne faut pas omettre que le régime des alKhalifa s'est emparée du pouvoir, avec l’aide de la Grande Bretagne, et qu’il utilise la stratégie de naturalisation des étrangers, pour affaiblir la position des chiites, à Bahreïn..
En effet, la stratégie de destitution de la nationalité des Bahreinis chiites est toujours accompagnée de celle de la naturalisation des étrangers..
Selon des chiffres avancées par l'opposition bahreinie, et dont notre site a pris connaissance, près de 95.372 étrangers ont été naturalisés soit une augmentation de 17,3% de la population .
Selon l'opposition, cette politique a pour objectifs de modifier la composition démographique de la population, de changer la culture et l'identité des populations autochtones du pays et d'obtenir une majorité dans les élections à travers la naturalisation des étrangers tels que les Pakistanais, les Indiens et autres à des fins électorales.
Il convient de noter que la plupart de ceux qui obtiennent la nationalité bahreïnie, sont ensuite intégrés dans l’armée des Al- Khalifa et sont utilisés, pour réprimer les manifestations populaires qui ont éclaté ces 3 dernières années, selon la chaine satellitaire iranienne alAlam.
Pour sa part, le Forum du Bahreïn pour les droits de l'homme a déclaré que "cette destitution de la nationalité bahreïnie à l'égard de 72 citoyens est une violation injuste des droits fondamentaux des citoyens car un tel acte est une condamnation morale pour ces citoyens".
Le Forum a dénoncé " cette politique de dépouillement de la nationalité dont 121 citoyens bahreinis, pour la plupart chiites, ont été victimes", promettant "de convoquer les ambassadeurs des cinq pays du Conseil de sécurité et les membres du Conseil des droits de l'homme".
Enfin le Forum a appelé les citoyens déchus leur nationalité qu'ils soient résident dans le pays ou à l'étranger de poursuivre en justice le gouvernement bahreïni aux niveaux national et international, appelant à le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme à intervenir immédiatement pour arrêter cette catastrophe contre les libertés fondamentales des citoyens.