29-04-2024 01:21 PM Jerusalem Timing

Athènes a peut-être désormais le coeur à Moscou, mais la tête toujours en Europe

Athènes a peut-être désormais le coeur à Moscou, mais la tête toujours en Europe

Résoudre les problèmes, pas en créer de nouveaux..

Le nouveau gouvernement grec issu de la gauche radicale ne cache pas sa sympathie pour la Russie, suscitant des interrogations sur une possible réorientation stratégique de sa diplomatie, mais la Grèce reste fermement européenne, estiment les analystes.
   
Quoique le parti Syriza ne défende plus une sortie de la Grèce de l'OTAN, le ministre des Affaires étrangères Nikos Kotzias a relevé cette semaine les liens historiques de son pays avec la Russie, et condamné une approche "spasmodique" de l'UE face à Moscou.
   
C'est pourquoi lorsque le gouvernement de M. Tsipras, lui-même ancien communiste, a protesté la semaine dernière contre un communiqué de l'UE menaçant Moscou de nouvelles sanctions au sujet de l'Ukraine, sur lequel il n'avait pas été consulté, les commentateurs y ont vu la main du Kremlin.
   
Mais l'omniprésent ministre des Finances Yanis Varoufakis, entre autres, a ouvertement réagi sur son blog. "Est-ce que les journalistes pourraient comprendre qu'il y a une différence entre protester parce qu'on n'a pas été consultés et protester contre les sanctions elles-mêmes? Ou c'est trop compliqué?", a-t-il lancé.
   
En visite à Chypre lundi, M. Tsipras a évoqué son souhait de voir la Grèce être un "pont" entre l'Europe et la Russie, mais Constantinos Filis, directeur de recherche à l'Institut des relations internationales à Athènes, n'anticipe pas de revirement stratégique.
   
"La Grèce va changer de rhétorique, essayer de renforcer ses liens et demander un rééquilibrage de la politique russe de l'Europe. Mais je ne vois pas de virage à 180 degrés dans les mois à venir", a-t-il indiqué à l'AFP.
   



Résoudre les problèmes, pas en créer de nouveaux


 
Fiodor Loukianov, président du Conseil de Politique extérieure et de défense, basé à Moscou, estime que la priorité des Grecs actuellement est surtout de sortir de leur programme d'assistance financière. "Quelles que soient leurs sympathies pour certaines personnes ici, Tsipras va tenter de se montrer comme un responsable politique qui veut résoudre les problèmes, pas en créer de nouveaux", a-t-il indiqué à l'AFP.
   
L'ambassadeur de Russie à Athènes avait été le premier à rencontrer M. Tsipras après sa victoire le 25 janvier, alimentant les spéculations. D'autant que M. Tsipras s'était rendu à Moscou en mai 2014, pour y rencontrer des officiels russes, deux mois après l'annexion de la Crimée. Il s'y était exprimé contre une expansion vers l'est de l'OTAN.
   
Le ministre Kotzias a également été photographié avec l'intellectuel russe ultra-nationaliste Alexandre Douguine. Selon le Financial Times, les deux hommes se sont rencontrés plusieurs fois à Moscou et M. Kotzias à invité M. Douguine à l'université du Pirée en 2013. M. Kotzias a cependant décrit l'article comme étant "sans fondement".
   
Daniela Schwarzer, directeur pour l'Europe du think tank German Marshall Fund, estime cependant que la Russie a tenté d'étendre récemment son influence en Europe du sud-est par "la propagande, le financement de parti et des ONG rétribuées par Moscou".
   
Grèce et Russie ont déjà des liens culturels et historiques très forts, notamment via le culte orthodoxe qu'elles partagent -- même si la majorité du gouvernement Tsipras a innové en prêtant serment de manière civile, et non religieuse. La Grèce conservatrice du précédent Premier ministre Antonis Samaras ne s'est d'ailleurs jamais montrée hostile à Moscou.
   
Pour les analystes, l'irritation du gouvernement Tsipras sur le communiqué de l'UE la semaine dernière était surtout une manière de se montrer d'emblée comme un interlocuteur de poids. Afficher un biais pro-russe pourrait aussi être utile au moment où le pays s'apprête à des négociations financières très difficiles avec ses partenaires européens.
   
M. Filis n'imagine cependant en aucun cas un veto grec sur le sujet de l'Ukraine lors du sommet de l'UE le 12 février.
   
Le soutien du président américain Barack Obama, qui ce week-end a observé qu'on ne pouvait pas "pressuriser" indéfiniment les pays par l'austérité budgétaire, pourrait aussi encourager Athènes à ne pas sortir du rang.
   
Theodore Couloumbis, professeur émérite de relations internationales à l'Université d'Athènes, est confiant : ""Si vous observez où vont actuellement les officiels grecs, avec qui ils ont des contacts, la réponse est : avec les autres pays d'Europe". A peine au pouvoir, MM Tsipras et Varoufakis se sont en effet lancés dans un véritable tour d'Europe : en trois jours, l'un, l'autre ou les deux seront passés par Nicosie, Paris, Londres, Rome et Bruxelles.