REPORTAGE de l’AFP
Crânes et ossements dans un fossé au milieu de haillons: c'est tout ce qui reste d'une vingtaine de personnes dont les cadavres ont été découverts dans le nord de l'Irak à la faveur de victoires contre le groupe Etat islamique (EI).
Les traces de sang et douilles éparpillées dans la fosse découverte aux abords de la localité de Snouni témoignent des conditions terribles dans lesquelles les victimes ont été tuées. Des atrocités qui viennent s'ajouter à la longue liste d'exactions attribuées au groupe jihadiste EI.
Les Nations unies ont accusé de nettoyage ethnique et crimes contre l'Humanité ce groupe extrémiste sunnite (wahhabite, site al-Manar), qui sème la terreur dans des pans entiers de territoire conquis en Irak et en Syrie: rapts, viols décapitations et crucifixions etc...
Dans le nord de l'Irak, les forces kurdes passées à l'offensive sont parvenues à reprendre plusieurs secteurs à l'EI, dont celui de Snouni, avec l'appui des crucial des frappes de la coalition internationale menée par les Etats-Unis. Lors des recherches ensuite conduites sur ces terrains et rendues laborieuses par les engins piégés que les jihadistes laissent derrière eux, les découvertes macabres comme celle de Snouni ne sont pas un cas isolé.
"Trois charniers ont été localisés -deux dans le secteur de Hardan et un troisième à Snouni", explique Myasser Haji Saleh, un responsable local de la région de Sinjar, dans la province de Ninive (nord). Les deux premiers n'ont pas encore été fouillés et dans celui de Snouni, les restes de quelque 25 personnes issues de la minorité des Yazidis ont été retrouvés, dit-il.
"Les principales fosses communes se trouvent dans le centre de Sinjar et dans des secteurs toujours sous contrôle de l'EI", estime M. Saleh.
L'EI a en effet conquis un temps les alentours du mont Sinjar, fief des Yazidis, où ses combattants ont exécuté des hommes et enlevé des centaines, sinon des milliers, de femmes, vendues comme épouses aux jihadistes ou réduites à l'état d'esclave sexuelle, selon Amnesty International.
Trousseau de clés
Au premier coup d'œil, la fosse près de Snouni ressemble à une déchetterie, mais en s'approchant, on distingue des crânes, certains cassés et d'autres intacts, des vertèbres et des côtes, parmi les lambeaux de vêtements et de chaussures portés par les victimes.
Ali Bazo, qui habitait un complexe immobilier non loin de là et vit aujourd'hui dans un camp de déplacés, est venu à la recherche de son père, capturé par les jihadistes lorsqu'ils ont envahi la région en août.
Comme lui, des familles dévastées sont sans nouvelles de leurs proches, après les nombreux enlèvements perpétrés par l'EI.
"Nous avons appris l'existence de cette fosse commune et en arrivant, nous avons trouvé les clés de notre maison", raconte-t-il, espérant que des experts puissent examiner les ossements pour identifier ceux de son père et l'enterrer dignement.
La première étape vers une identification des victimes a été entreprise mercredi: les restes ont été amenés dans une morgue de la région autonome du Kurdistan irakien pour des tests ADN, a déclaré un responsable kurde Fouad Othman.
Bizar Hasso est elle aussi venue à la recherche de son mari disparu. Lorsque l'EI a avancé vers son village de Khana Sur (nord), elle s'est enfuie vers le mont Sinjar, une immense crête de 60 km de long bordant la frontière syrienne. Un de ses fils lui apprendra plus tard que l'EI a tué son frère et capturé son père.
"Nous l'avons cherché pendant plus de cinq mois", explique Mme Hasso, également hébergée dans un camp de déplacés.
Portant un masque chirurgical et des gants en caoutchouc, elle est descendue dans la fosse, parmi les os et des vêtements, à la recherche d'un signe de son époux. Mais elle n'a rien trouvé, et comme beaucoup d'autres Irakiens, elle devra faire son deuil sans jamais connaître le sort de son mari.