Le sommet de la dernière chance
L'état-major de l'armée ukrainienne dans l'est de l'Ukraine a été bombardé mardi pour la première fois depuis le début de la guerre, à la veille d'un sommet crucial à Minsk où les dirigeants allemand, français russe et ukrainien doivent négocier un plan de paix.
Alors que les diplomates mandatés par les quatre pays négocient d'arrache-pied pour accoucher d'un texte qui serve de matrice à un plan de paix, les combats ont fauché de nouvelles vies dans l'est de l'Ukraine, théâtre depuis dix mois d'un conflit qui a fait plus de 5.300 morts.
Au moins vingt personnes ont trouvé la mort, l'armée ukrainienne et les rebelles prorusses cherchant à s'accaparer d'un maximum de terrain pour arriver en position de force à la table des négociations.
Le président ukrainien a dû interrompre une séance parlementaire pour annoncer que le principal quartier général de l'armée dans l'Est séparatiste avait été touché par des roquettes.
Situé à Kramatorsk, à 70 km au nord du fief rebelle de Donetsk, il se trouve à au moins 45 km de la zone rebelle la plus proche. Un journaliste de l'AFP présent sur place a vu deux corps, les autorités ukrainiennes annonçant la mort de six civils dans cette attaque de lance-roquettes multiples Tornado.
"Avec les compliments de Poutine! Qui d'autre aurait pu faire ça?", s'exclamait un passant devant un missile non explosé enfoncé au milieu de la chaussée, d'autres habitants blâmant l'armée ukrainienne sous l'œil des policiers locaux.
Auparavant, sept soldats et sept civils avaient été tués au cours des dernières 24 heures, selon les bilans établis séparément par les autorités rebelles et ukrainiennes.
Au sud de la ligne de front, les troupes ukrainiennes ont annoncé avoir lancé une contre-offensive et repris le contrôle de trois villages à l'est du port de Marioupol, dernière grande ville de la région sous contrôle ukrainien.
A Dokoutchaivsk, à 35 kilomètres au sud de Donetsk, un journaliste a entendu mardi des tirs d'artillerie et constaté que des combats intenses s'y étaient déroulés.
"On nous tire dessus quasiment tous les jours", a raconté à l'AFP Vladimir Ivanovitch, 47 ans, perché sur une échelle pour réparer avec des bâches en plastique les fenêtres de son appartement soufflées par des obus.
Sommet de la dernière chance
Les 24 prochaines heures seront cruciales sur le plan diplomatique, à la suite de l'initiative de François Hollande et d'Angela Merkel de prendre au mot Vladimir Poutine et de venir à Moscou lui présenter un plan de paix, après l'avoir exposé au chef de l'Etat ukrainien Petro Porochenko.
Depuis, les quatre dirigeants ont eu des entretiens téléphoniques et font travailler d'arrache-pied leurs conseillers pour parvenir à un compromis permettant l'organisation d'un sommet inédit, à Minsk, la capitale du Belarus, encore qualifié jusqu'à récemment par les Américains de "dernière dictature d'Europe".
La tenue du sommet dépendra notamment des résultats de la réunion du Groupe de contact sur l'Ukraine, qui réunit mardi soir à Minsk les représentants ukrainiens, russes ainsi que celui de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Les émissaires séparatistes y participent également.
François Hollande a affirmé aller à Minsk avec Angela Merkel avec "la ferme volonté d'aboutir" à un accord de paix pour l'Ukraine.
Selon une source proche du ministère allemand des Affaires étrangères, les discussions entre diplomates de haut rang qui se sont rencontrés lundi à Berlin doivent se poursuivre "ce soir à Minsk".
Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier s'est également entretenu mardi après-midi par téléphone avec ses homologues russe et ukrainien "pour plaider en faveur d'un compromis dans les questions difficiles", selon cette source.
S'il n'a pas été dévoilé, le plan franco-allemand vise à faire appliquer les accords de paix conclus en septembre à Minsk. Mais l'Ukraine insiste sur le respect de la ligne de front établie en septembre alors que les séparatistes occupent 500 km2 supplémentaires depuis.
Une autre question litigieuse concerne le "statut des territoires" conquis par les séparatistes. Moscou insiste sur la constitution d'une fédération quand l'Ukraine ne parle que de "décentralisation".
Autre point de discorde : la question du contrôle de la frontière ukraino-russe dans les territoires aux mains des rebelles. Kiev réclame son contrôle conjoint avec l'OSCE, mais Moscou souhaite que le gouvernement ukrainien se mette d'accord avec les rebelles sur ce point, selon une source gouvernementale ukrainienne.
Pour autant, une source diplomatique française s'est dite lundi confiante sur la tenue de ce sommet. "Il y a huit jours, ils (Ukrainiens et Russes, ndlr) ne se parlaient pas. Là, on les met autour d'une table", a-t-elle déclaré à l'AFP.