Israël ne finira jamais de manipuler l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais, pour harceler le Hezbollah et écarter les soupçons sur lui.
Israël se fourre de nouveau le nez au Liban, à travers l’affaire du procès du défunt Premier ministre libanais Rafic Hariri. La démarche pourrait être liée à la commémoration du martyre de Hariri, le 14 février prochain. Elle peut l’être aussi à celle du martyre de l’ancien commandant militaire du Hezbollah Imad Moughniyé, le 12 février.
Mais elle peut aussi être corrélée au dialogue entrepris entre le Hezbollah et le Futur depuis près de deux mois, et qui selon le chef du Parlement libanais Nabih Berri a commencé à porter ses fruits.
Entrepris en parallèle avec le dialogue interchrétien, entre le courant patriotique libre et les Forces libanaises, il pourrait aboutir à un accord sur la présidence, toujours vacante .
Et il peut très bien en découler l’instauration d’une entente durable.
Difficile à admettre pour l’entité sioniste qui a fait des divergences inter libanaises, attisées directement et indirectement, son fer de lance pour tenir le Hezbollah en laisse.
Enfoncer le clou
Comment s’est opérée cette immixtion? Insidieusement, non via une déclaration officielle qui pourrait trop paraitre comme une ingérence flagrante et laisserait transparaitre les intentions scissionnistes. Mais par la voie médiatique et un organe non israélien, en l’occurrence l’américain le New York Times, pour paraitre moins intéressé et paraitre distanciée.
Il s’agit d’un article signé par un journaliste israélien expert dans les questions sécuritaires, Ronan Bregman, connu pour ses liens étroits avec l’institution sécuritaire israélienne et qui s’attelle pour le moment sur la rédaction d’un livre sur le Mossad israélien.
D’ailleurs, il est bien franc là-dessus : il puise ses informations de responsables sécuritaires israéliens et d’informations requises de l’intérieur de l’enquête, exfiltrées pour la première fois.
Il y est question du sujet ultrasensible pour les Libanais: l’accusation de membres du Hezbollah dans l’assassinat de Hariri. L’affaire est d’autant plus sensible qu’elle porte une dimension communautaire incontournable : sachant que le Premier ministre est sunnite et les membres du Hezbollah chiites.
L’article tente d’enfoncer encore plus le clou de cette supposée accusation, totalement rejetée par le Hezbollah, persuadé que c'est Israël qui en est le commanditaire et accuse le TSL d’être politisé.
Son idée principale: c’est Imad Moughniyé en personne qui aurait donc donné l’ordre de tuer Hariri.
Appels et SMS
Dans les détails il est dit, comme le rapporte le journal libanais al-Akhbar : «l’accusé Moustafa Badreddine qui avait une vie parallèle sous l’identité de Sami Issa a effectué un appel téléphonique avec Imad Moughniyé, avant l’explosion, pour prendre son dernier feu vert sur l’opération, et ce avant que tous ses numéros de téléphone ne se taisent totalement durant deux heures, exceptionnellement ».
Et puis une autre histoire de Badreddine est rapportée, sans qu’on puisse comprendre directement le lien avec la première. « Il avait envoyé un jour avant l’attentat un SMS téléphonique à sa copine lui disant : « si tu savais où je suis, ceci t’aurait beaucoup dérangé » »
Et Bergman de donner son interprétation, pour ne pas laisser l’affaire dans le flou, ou laisser planer des explications en dehors de celles escomptées : « il est difficile de savoir si Badreddine voulait avouer sa trahison ou lui dire quelque chose de plus qui puisse la gêner, sachant qu’elle est sunnite ».
C’est là que se situe le cœur du message, et c’est là où le bat devrait blesser. Avec pour fond de décor un conflit sunnite-chiite, l’accusation d’assassinat d’ordre public est accouplée d’une accusation de trahison d’ordre personnelle, pour avoir l’effet explosif escompté.
Le nez et le mobilier
Tout le reste n’est autre que du décor qui devrait aussi servir à faire passer le message avec une apparence anodine.
Selon Bergman, les enquêteurs ont retrouvé « une grosse partie du nez du suicidaire », celle du kamikaze présumé de l’attentat, et qui serait d’origine éthiopienne, somalienne ou yéménite. Une histoire qui suggère une vélléité d'impliquer les Houthis, dont la promiscuité avec le Hezbollah n'a rien d'un secret, après celle des Iraniens et des Syriens surtout!
Il est également question d’un autre suspect du Hezbollah, Hassan Merii, lequel aurait selon l’article utilisé le réseau des téléphones rouges (principale pièces à conviction utilisées par le TSL dans son réquisitoire) pour s’acheter du mobilier. Merii est présenté dans le papier comme étant « le responsable de l’opération d’enlèvement des deux soldats israéliens le 12 aout 2006, et comme étant depuis 2003 le responsable des opérations spéciales, et comme étant celui qui a géré le réseau des téléphone rouges impliqués dans l’attentat».
Et pour terminer le tout, Bergman n’oublie pas de se donner une certaine légitimité : il dit avoir travaillé depuis plus d’un an en consultant des milliers de pages contenant les indices de l’enquête et exprimé sa compassion pour les victimes et surtout pour l’auteur de l’attentat, Abou Adass, « un naïf au cœur enfantin », comme il le décrit.
Un mélange d’assiduité et de sentimentalisme, censé forcer la raison du récepteur, ou dans le moindre degré, alimenter ses doutes dans le but d’attiser le feu dans l’huile.
Un Roméo chiite et une Juliette sunnite
Difficile à passer chez certains libanais habitués aux magouilles israéliennes. Dans les commentaires reçus par al-Akhbar au bas de la traduction de l’article, ce dernier est taxé de « naïf », et les dérisions fusent.
« C’est la fabrication d’une intrigue de film bidon, où tous les éléments sont fournis pour vendre des billets », écrit un certain Omar. « On y retrouve des complots, des magouilles, des appels secrets, des copines, des trahisons affectives, un Roméo chiite et une Juliette sunnite et un gros nez qui devrait aider l’enquête », raille-t-il
Un autre commentaire s’offusque que des as sécuritaires du Hezbollah puissent être présentés de la sorte, commettant des bêtises pareilles en utilisant entre autre leurs téléphones mobiles pour des missions sécuritaires et des affaires personnelles.
« Il ne manquait plus que Haj Imad utilise son portable pour commander un narguilé », s’est moqué Ramzi.