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Dix ans à l’assassinat de Hariri: défaites politiques et menaces terroristes

Dix ans à l’assassinat de Hariri: défaites politiques et menaces terroristes

Les groupes terroristes actifs en Syrie ont largement profité des crises politiques au Liban.

Le 14 février 2005, le Premier ministre libanais Rafic Hariri a été assassiné au centre-ville de Beyrouth. Analystes, observateurs et politiciens se sont attardés sur cet incident, souvent assimilé à un séisme qui a secoué le pays. Ils ont longuement cherché à connaitre les raisons de cet attentat, ils ont divergé sur l'identité de véritables auteurs, et se sont fortement divisés depuis sur les choix politiques liés à toutes les questions, mêmes vitales, du pays.

Dix ans après l'attentat, les Libanais divergent toujours sur cette affaire et le criminel n'a toujours pas été jugé. Mais de 2005 à 2015, une chose est sure: l'assassinat de Hariri père fut la clé qui a ouvert grandes les portes à de multiples séismes qui menacent aujourd'hui le pays en tant qu'entité étatique unie.

Parmi ces séismes, non moins dangereux que l'assassinat lui-même, est l'émergence de l'esprit radical takfiriste qui, quelques ans auparavant, n'avait pas d'existence concrète - du moins publiquement - au Liban. 

L'assassinat de Hariri a privé la communauté sunnite d'un leader puissant, ayant ses relations politiques et économiques, sur le plan local et international. Tout en prenant en compte la mise à l'écart des autres dirigeants sunnites traditionnels, Rafic Hariri a admis, quelques mois avant son assassinat, avoir commis une erreur flagrante en monopolisant la représentativité de sa communauté depuis 1996.

Hariri avait raison. En effet, dès le premier instant de sa liquidation, des milliers de sunnites ont afflué au palais de Qoureytem à Beyrouth, réclamant un leader alternatif de la même famille, qui protège l'héritage du défunt et poursuit sa voie. Immédiatement, Saad a été choisi pour la succession de son père.

Et les défis étaient multiples: venger la mort de Rafic Hariri, poursuivre l'action politique du courant du Futur, tisser des liens politiques avec d'autres forces du pays…

Mais Saad Hariri ne s'est pas ouvert non plus aux autres composantes politiques de sa communauté, qui ont été placées devant deux choix: soit se rallier au Futur, soit subir l'accusation de complicité dans le meurtre de son père.

Le processus politique de Saad Hariri fut un ensemble de contradictions et de défaites, qui ont provoqué un recul de sa popularité au fil des années. Alors qu'il a tant accusé la Syrie d'être derrière le meurtre de son père, Saad Hariri s'est rendu en Syrie pour blanchir le président Assad et son pouvoir de ce crime!

Par ailleurs, et sous l'alibi des menaces sécuritaires, Hariri a quitté la scène libanaise et a choisi de résider en Arabie Saoudite, à tel point que même ses partisans l'ont taxé d'être un Saoudien plutôt qu'un Libanais!

Cette absence a coïncidé avec l'accentuation de la crise économique dans le pays en l'absence de projets de développement dans les différentes régions du pays, et surtout dans celles les plus pauvres, à savoir Tripoli, Akkar et la Békaa, où se trouve le poids lourd du courant du Futur.

Tous ces facteurs réunis, à savoir l'absence d'un leader efficace, le blocage institutionnel du pays, la pénurie au niveau des projets vitaux, et les contradictions politiques du Courant du Futur, ainsi que le déclenchement du conflit en Syrie où les groupes terroristes déployés dans ce pays voisin profitent le plus de ce terrain fertile dû à la pauvreté, ont favorisé l'émergence de l'esprit takfiriste et l'enrôlement de centaines de jeunes sunnites libanais qui cherchent le gain matériel rapide.

La haine sectaire a immédiatement envahi la scène libanaise, et les partisans du courant takfiriste se sont transformés en terroristes qui sont allés jusqu'à commettre des attentats terroristes contre des civils, juste pour leurs convictions religieuses différentes.

En effet, l'ancien Premier ministre Saad Hariri a joué un rôle majeur dans le soutien aux groupes radicaux et salafistes, bien avant le conflit syrien. Celui-ci s'est rallié avec des courants islamistes radicaux en 2008, aspirant à la formation d'une "armée sunnite" qui fait face au Hezbollah sur la scène intérieure.

Ensuite, et après l'échec cuisant subi par cette "armée" lors des événements du 7 mai, Hariri l'a abandonnée et a cessé tout financement aux jeunes transportés dans des bus depuis Tripoli à Beyrouth pour prendre part au conflit avec le Hezbollah.

Un facteur de plus qui a aiguisé la colère de la rue sunnite contre son leader unique et qui a favorisé la radicalisation des jeunes.

Aujourd'hui, et au moment où le courant du Futur mène un dialogue avec le Hezbollah pour contrecarrer les effets néfastes de la montée en puissance des groupes terroristes dans le pays, des députés de ce courant ont lancé une campagne contre cette ouverture au Hezbollah!

La confusion dans la rue sunnite se poursuit donc depuis dix ans, date de l'assassinat de Rafic Hariri. Mais c'est tout le Liban, dans toutes ses composantes, qui paie toujours le prix de cet assassinat, à travers les menaces sécuritaires quotidiennes qui l'ont entrainé à bord du gouffre et l'imposition du facteur terroriste comme étant un facteur primordial mais destructeur du pays.