Les avocates des détenus ont avoué que l’enquête avait été délibérément entravée pour éviter un procès politiquement embarrassant..
La Cour européenne des droits de l'homme a rejeté l’appel de la Pologne qui devra donc procéder à une enquête criminelle pour établir qui a travaillé dans une prison secrète de la CIA sur son territoire.
La première décision de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour européenne) remonte au mois de juillet 2014. Elle demandait à la Pologne de mener une enquête criminelle sur une prison qui aurait été utilisée par la CIA dans le cadre de son programme de tortures – sous le nom de code Quartz – et de payer une indemnisation de de 230 541 euros à deux hommes qui ont été détenus et torturés dans cette prison. Les deux hommes sont encore détenus aux Etats-Unis dans le camp de Guantanamo à Cuba.
La décision qu’a prise hier la Cour européenne permettra de lever une partie du mystère qui entoure les agissements auxquels la CIA s’est livrée dans un réseaux de prisons secrètes réparties dans le monde entier ou presque.
«La Pologne est obligée de mener une enquête approfondie et effective, de rendre publiques les informations sur le rôle qu’elle a joué et de demander aux responsables de rendre des comptes», a déclaré Helen Duffy, l’avocate d’un de ces hommes, Abou Zoubaydah. Ce dernier, membre présumé d’Al-Qaïda, aurait été soumis à 83 simulations de noyade au cours de sa détention par la CIA.
Les avocates des détenus ont avoué que l’enquête avait été délibérément entravée pour éviter un procès politiquement embarrassant, probablement pour les hauts responsables polonais impliqués, mais les procureurs ont démenti, prétendant que cette affaire était compliquée et demandait du temps.
Amrit Singh est une avocate de l'Open Society Justice Initiative. Elle représente le second détenu impliqué dans cette affaire, Abd al-Rahim al-Nashiri, soupçonné d’avoir participé à l'attentat contre le navire américain USS Cole au Yémen en 2000 qui a fait 17 morts parmi les marins américains. Pour elle, la décision de mardi a créé un précédent pour d’autres pays.
«Ce jugement signale de manière forte et incontestable que les pays européens qui ont participé au programme de tortures de la CIA ne peuvent pas se soustraire à leurs responsabilités», s’est exclamée Amrit Singh. Les autres pays dans lesquels on sait que la CIA exploitait des prisons dans le cadre de son programme de tortures sont la Roumanie, Diego Garcia, le Pakistan, l’Afghanistan, le Maroc et la Thaïlande.
La décision de la Cour européenne risque donc d’accroître la pression sur d’autres pays européens pour qu’ils lèvent le secret sur leur engagement dans le programme global de tortures de la CIA après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
La publication en décembre 2014 du rapport de la commission du renseignement du Sénat américain sur les tortures utilisées par la CIA avait révélé plusieurs détails concernant les façons dont des dizaines de détenus ont été soumis à la torture, en particulier à la simulation de noyade et à des simulacres d'exécution, dont les résultats furent peu probants.
Après la publication de ce rapport, l’ancien président polonais Aleksander Kwasniewski et l’ancien Premier ministre Leszek Miller, ont admis pour la première fois qu’ils savaient que la CIA détenait des individus en Pologne. Pourtant, ils ont déclaré qu’ils ne savaient rien de ce qui se passait dans le centre de détention Quartz, une villa située dans une forêt sur le territoire d’un site d’entraînement des services de renseignement polonais.
Russia Today