Portrait réalisé par l’AFP
Depuis son entrée au parlement en 2009, Haneen Zoabi n'a cessé de provoquer institutions et public israéliens: pour ses détracteurs, cette Arabe israélienne est l'ennemie de l'intérieur, pour ses admirateurs, la pasionaria de la cause palestinienne en Israël.
Personnalité la plus controversée de la scène politique israélienne, cette élégante quadragénaire est une habituée des prétoires. Quatre fois la justice l'a convoquée pour répondre à des accusations d'hostilité à l'encontre d'Israël.
Cette fois encore, alors que se profilent les législatives du 17 mars, la droite a tenté de la disqualifier. Une fois de plus, un tribunal l'a remise en course, et elle conserve sa septième place sur la liste arabe commune sur laquelle se sont réunis tous les partis arabes d'Israël, des communistes aux islamistes en passant par les nationalistes arabes de son parti, le Rassemblement national démocratique (RND).
Née il y a 45 ans à Nazareth, la plus grande ville arabe d'Israël, elle entend bien continuer à porter le combat des Palestiniens au cœur du système israélien. "Haneen à Jénine", en Cisjordanie occupée, crient ses adversaires.
Haneen Zoabi est l'une des descendantes des Palestiniens qui, à la différence de centaines de milliers d'autres, sont restés sur leurs terres à la création d'Israël en 1948. Ils sont aujourd'hui environ 1,3 million, 20% de la population israélienne. Alors, elle n'en démord pas: "Ici, c'est ma terre. Je ne suis pas un colon, moi. Je resterai dans ma maison".
"Notre présence au Parlement est une façon de rendre visibles les Arabes palestiniens à l'intérieur d'Israël. Ce pays fait comme si nous n'existions pas. Ils traitent les Palestiniens en ennemis, mais nous (les Arabes israéliens), ils font comme si nous avions été rayés de la carte".
Formée à la philosophie à l'université de Haïfa, cette diplômée en journalisme est la personnalité arabe la plus connue d'Israël, sûrement parce qu'elle ne mâche pas ses mots et, un à un, fait voler en éclats les tabous.
Elle dit et redit refuser le caractère juif de l'Etat. Quand elle évoque le programme nucléaire iranien, ce n'est pas pour le condamner comme l'ensemble des dirigeants israéliens - ce qui lui valut une pétition réclamant son renvoi de la Knesset qui a recueilli 40.000 signatures en moins de 24 heures.
De toutes les manifestations
Pire, la première fois qu'elle a prêté serment en 2009, elle est sortie du Parlement avant que ne soit joué l'hymne israélien pour "ne pas être hypocrite" en écoutant "cet hymne qui ne me représente pas". Depuis, raconte-t-elle, c'est le froid total. "A la Knesset, 80% de mes collègues ne me saluent même pas.
J'assiste aux séances, je participe aux débats et je m'en vais. Je ne traîne pas à la cafétéria".
Mais c'est en 2010 que l'animosité a grimpé en flèche dans la rue israélienne: arrêtée à bord d'une flottille turque qui tentait de briser le blocus imposé par Israël à la bande de Gaza, elle n'a échappé à la prison que grâce à son immunité parlementaire. Ses collègues à la Knesset ont vainement réclamé qu'elle perde son siège, et même sa nationalité israélienne.
A la sortie du tribunal, elle déclarait: "Pas étonnant qu'un Etat qui prive un million de ses citoyens arabes de leurs droits fondamentaux veuille les retirer à l'un de leurs représentants".
Un temps, elle a été protégée de ses collègues par la sécurité de la Knesset à l'instigation du chef du Parlement de l'époque, Reuven Rivlin, aujourd'hui président d'Israël. Cinq ans plus tard, elle est toujours là, de toutes les manifestations, prenant à partie sans faiblir les soldats israéliens en hébreu et haranguant les foules en arabe.
"Nous ne sommes pas une opposition comme celles qui existent dans les pays qui garantissent les droits de tous leurs citoyens, comme en Europe par exemple", explique-t-elle. Si elle participe à la vie politique israélienne c'est "pour représenter mon peuple devant l'Etat, et pas l'Etat auprès de mon peuple".