L’Afrique du Nord est une fois de plus au cœur des conflits internationaux qui servent de cadre à la guerre contre le terrorisme
L’Etat islamique en Irak et en Syrie (EI) est en pleine expansion au-delà du Levant. L’établissement du Wilyat Sinaï (la province du Sinaï) n’était que le début, et maintenant le groupe est déterminé à s’étendre dans toute l’Afrique du Nord. Ce qui vient d’arriver à Syrte n’est qu’un épisode d’une série d’évènements orientée dont le but est un «printemps de l’État islamique » sur le continent africain.
Le Wilayat Sinaï a été lancé le 2 novembre 2014. Aujourd’hui, c’est au tour du Wilayat Syrte et demain ce sera le Wilayat Algérie et le Wilayat Rabat. Plutôt qu’une simple possibilité, c’est une réalité qui semble s’inscrire sur la carte tentaculaire de l’Afrique du Nord, où des milliers de kilomètres de frontières couvrent une vaste étendue de terrain désertique et indiscipliné.
Cette zone a été un terrain fertile pour la pensée takfirie, favorisée par les États influents comme l’Arabie Saoudite avec de l’argent, des prédicateurs, de la littérature etc...
Dans les années 1980, cette région était une source importante de recrutement pour les jihadistes en Afghanistan, connus comme les Afghans arabes.
Dans les années 1990, elle a servi de cadre pour ceux qui ont combattu leurs armées nationales dans une tentative d’islamiser les pays de la région.
Dans la dernière décennie, les militants takfiris se sont déplacés en Irak pour combattre l’occupation américaine de la terre musulmane, avant de se rendre en Syrie pour participer à la guerre pour renverser le président syrien Bachar al-Assad.
Le nom qu’ils portent et la bannière sous laquelle ils se battent ne comptent pas. Dans le passé, al-Qaïda était le groupe takfiri dominant dans le monde. Il était devenu un modèle avec son propre cadre, ses mécanismes opérationnels et son approche djihadiste, jusqu’à ce que ses bastions en Afghanistan aient régressé et qu’il soit devenu un nom de marque utilisé par tous les groupes takfiris qui décidèrent de prendre les armes et de s’engager dans le terrorisme à travers le monde.
Aujourd’hui, le modèle a changé et la nouvelle marque est l’EI, un groupe né en Irak alors que le pays jouait le rôle d’un aimant pour les takfiris de partout dans le monde, dont les djihadistes africains.
On ne peut pas parler du salafisme djihadiste et de son histoire sans se focaliser sur l’Égypte. Le phénomène n’est pas nouveau en Égypte, et les activités dans le Sinaï ne constituent pas un cas unique, isolé du reste du pays. Le Caire a adopté l’approche d’exporter les dommages depuis l’assassinat de l’ancien président égyptien Anouar el-Sadate, qui avait fourni un appui aux soi-disant moudjahidines avant de se faire tuer par l’un d’entre eux.
L’Égypte, cependant, est devenue une cible des activités djihadistes dans les deux dernières décennies avant la crise du « printemps arabe», avec des opérations qui ciblaient principalement les sites touristiques avant une escalade à un état progressif de guerre avec l’armée égyptienne, en liaison avec des attaques épisodiques de roquettes sur Israël. Finalement, ces groupes ont laissé Israël de côté et se sont axés sur les forces égyptiennes devenues leur ennemi principal. D’autres grands groupes takfiris égyptiens comprennent Ajnad Misr (les soldats de l’Égypte) et Ansar Bayt al-Maqdis (les partisans de Jérusalem).
L’importance de l’affaire libyenne est que des groupes extrémistes ont d’abord opéré dans l’ombre avant d’agir ouvertement, après avoir pris le contrôle de vastes zones dont les villes et les routes stratégiques qui relient la Méditerranée au désert du Sahara. Ceci a été avant tout rendu possible par l’état d’anarchie qui règne en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, et par l’absence de forces capables d’imposer une autorité sur le territoire libyen.
La présence de groupes takfiris dans les pays d’Afrique du Nord n’est pas nouvelle, et des groupes algériens, tunisiens et libyens ont fait serment d’allégeance à l’EI depuis un certain temps maintenant. Le 12 septembre dernier, un groupe de militants extrémistes se faisant appeler « les soldats du Califat en Algérie », dirigés par Khaled Abu Suleiman, a annoncé rejoindre l’EI et faire allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi après sa séparation d’avec al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), lequel est dirigé par l’Algérien Abdelmalek Droukdel.
Un autre groupe appelé « les soldats du Califat en Algérie », précédemment appelé les Brigades al-Furqan, opérait sous la bannière d’AQMI. En Tunisie, le « Bataillon Uqba bin Nafe » - dirigé par le ressortissant algérien Luqman Abu Sakhr connu pour ses liens étroits avec le groupe tunisien Ansar al-Sharia dirigé par Abou Ayyad - et sa branche libyenne dirigée par Mohammed al-Zahawi, ont fait allégeance à l’EI.
Cela signifie que le bataillon ayant fait serment d’allégeance à l’EI a des liens avec des groupes extrémistes actifs en Libye. Cependant, la Libye est un cas unique car elle reste le plus grand refuge pour les groupes terroristes affiliés à l’EI, après avoir été le principal réservoir et source de toutes sortes de groupes rebelles en Syrie.
Existent aussi des groupes agissant à découvert au Tchad, en plus du Niger et du Mali et jusqu’à la Mauritanie. Ces pays ont le désert du Sahara en commun, mais il y a également d’autres pays concernés et il est donc plus exact de dire que c’est là que les déserts du Sahara et du Sahel se rejoignent.
À la lumière de l’absence d’informations précises, nous ne pouvons cependant dessiner une image suffisamment précise dans le temps pour établir une coïncidence exacte entre l’émergence réelle de ces groupes avec les changements dans le monde arabe ainsi qu’avec l’intervention française dans le nord du Mali.
L’Afrique du Nord est une fois de plus au cœur des conflits internationaux qui servent de cadre à la guerre contre le terrorisme. Ces guerres sont alimentées par d’autres facteurs tels que les différends sur les frontières et les ressources naturelles qu’elles contiennent- ce qui complique encore la scène - et font ainsi de l’Afrique du Nord un domaine important témoin de conflits au niveau international.
En outre, les pays occidentaux ont manipulé les autorités centrales dans les pays faibles pour justifier la création de bases militaires, mettant ainsi en place les outils militaires dont ils ont besoin pour l’avenir.
La crise ne s’arrête pas là. Au sud, Boko Haram a amené ce phénomène à un tout autre niveau, au milieu du silence international et de la nonchalance arabe. Un nouveau rapport de l’Agence France Presse à propos de Boko Haram dit que le nombre de ses membres, sa structure et ses sources de financement restent inconnus des experts militaires.
Il est également devenu clair la semaine dernière que ce groupe est capable de lancer plusieurs attaques sur différents pays, utilisant à chaque fois des méthodes différentes, comme les attentats-suicides au Nigeria, les attaques par bateaux au Tchad, ainsi que les attaques au sol au Niger, au Cameroun et au Nigeria.
Source : Al-Akhbar; traduit par Info-Palestine