Le gouvernement turc a tenté de présenter l’opération de Suleiman Chah comme étant une victoire.
Quelle que soit l'ampleur de la propagande turque qui a accompagné l'évacuation de la tombe de Suleiman Chah, le père du fondateur de l'empire ottoman, l'incursion turque dans les territoires syriens a fait couler beaucoup d'encre et de salive dans la presse turque.
Ainsi, le journal turc Radikal a indiqué que la "Turquie n'a pas pu protéger le seul territoire situé hors de ses frontières et elle l'a abandonné".
"La Turquie menaçait quiconque ose tester sa force et sa puissance à riposter, mais Daesh a démontré qu'Ankara était incapable de protéger 8797 m² de terrain situé à 35 km loin de la frontière turque", a assuré le journal.
Et d'ajouter: "L'incursion turque n'est qu'un document sur la faillite de la politique étrangère turque au Moyen-Orient. Et la "profondeur stratégique" d'Ahmad Davutoglu n'a pas dépassé les 180 m au-delà de la frontière, où sera enterré à nouveau Suleiman Chah".
Pour sa part, le journal Milliyet a assimilé l'opération de Suleiman Chah à "un tournant dans la politique régionale turque sur trois niveaux:
1- La Turquie durcira-t-elle sa politique contre Daesh?
2- La Turquie se rapprochera-t-elle du parti de l'union démocratique kurde syrien qui renforce sa présence dans le nord syrien?
3- La diplomatie turque reverra-t-elle sa politique hostile au pouvoir d'Assad?
Concernant le premier sujet, le journal Milliyet a dit "ne pas s'attendre à un changement radical. Sur la deuxième question, la Turquie prendra en considération la montée en force de la puissance kurde en Syrie. Quant à la troisième question, il est temps de changer la position adoptée envers la Syrie, bien qu'Erdogan et Davutoglu ne montrent aucun signe de changement à cet égard".
Quant au journal Zaman, il s'est moqué du fait que "la Turquie ait détruit de ses propres mains la tombe de Suleiman Chah pour empêcher sa destruction par Daesh"!
S'étonnant aussi que les restes de la dépouille aient été transportés à une terre contrôlée par le parti des travailleurs kurdes, le journal Zaman a indiqué que ce qui a eu lieu est une preuve sur la faillite de la politique turque en Syrie.
Et pour le journal Hurriyet, "le gouvernement turc a tenté de présenter l'opération de Suleiman Chah comme étant une victoire, en publiant des photos du Premier ministre et du chef d'Etat-major devant des cartes militaires. Mais ce qui a eu lieu c'est que le pouvoir turc s'est heurté contre le dernier mur".
Et de conclure: "Vous vous êtes présentés comme étant le grand frère de la région, vous vous êtes figurés une force régionale, vous avez habité dans un palais de mille pièces, vous n'avez pas agi contre les groupes terroristes, et après tout, vous avez abandonné un territoire sur lequel flotte le drapeau turc".
Les dessous de l'incursion turque
Selon des rapports et des données turques, les rapports codés provenant des gardes de la tombe avertissaient de la possibilité de l'expansion de la confrontation armée entre Daesh et les forces de la protection du peuple kurde vers la région abritant la tombe, ce qui exposerait les gardes au danger.
Et puisque des élections parlementaires se tiendraient dans le pays dans trois mois, le Premier ministre Ahmad Davutoglu ne veut pas porter la responsabilité de toute goutte de sang turque qui pourrait couler en Syrie, pour ne pas affecter l'avis de l'électorat turc.
Le deuxième objectif de l'incursion turque est d'empêcher la mainmise kurde sur le mausolée en cas de victoire des miliciens kurdes sur Daesh. Ce que ne peut supporter le parti Justice et développement qui a la phobie contre tout ce qui est kurde.
Par ailleurs, les autorités turques ont pris au sérieux les informations sur une bataille imminente à Mossoul en Irak, provoquant des craintes sur la possibilité que des groupes de Daesh, insoumis à leur dirigeant Aboubakr Baghdadi, se vengent de la Turquie en détruisant la tombe et en tuant ses gardes.
C'est dans ce contexte que serait survenue donc l'opération de Suleiman Chah, avance un journaliste expert des affaires turques dans le journal libanais assafir.
Par l'expert libanais dans les questions turques Mohammad Noureddine
Source: Traduit du site assafir