M. Bouteflika a joué sur la fibre religieuse des Algériens. "Le pétrole, le gaz conventionnel et de schiste, les énergies renouvelables sont des dons de Dieu".
De nouvelles manifestations anti-gaz de schiste ont eu lieu lundi en Algérie, au lendemain de violents heurts entre manifestants et forces de l'ordre, les autorités affichant leur détermination à mettre fin à deux mois de protestation.
Le sud algérien est le théâtre de manifestations quasi quotidiennes d'opposants à l'extraction du gaz de schiste par fracturation hydraulique, dont ils craignent les répercussions environnementales, et ces rassemblements sont devenus de plus en plus tendus: dimanche, 40 policiers ont été blessés, dont deux grièvement, à In-Salah, à 200km au sud d'Alger.
"La ville d'In-Salah a connu des incidents touchant l'ordre public, initiés par un groupe de jeunes contestant les opérations d'exploration du gaz de schiste dans cette région", a indiqué le ministère de l'Intérieur.
Les heurts ont éclaté lorsque les forces de l'ordre, arrivées en nombre, ont commencé à déloger des protestataires qui occupaient une place publique depuis deux mois, demandant un moratoire du président Abdelaziz Bouteflika sur l'exploitation du gaz de schiste.
Les opposants craignent notamment que la fracturation hydraulique, qui consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques, pour permettre l'extraction de gaz capturé dans la roche, ne pollue les eaux du sous-sol saharien.
Selon la presse, des dizaines de manifestants ont été blessés, et un commissariat de police ainsi que le siège de la sous-préfecture et la résidence du sous-préfet ont été incendiés.
Mais dès lundi matin, des centaines de personnes ont repris possession de la place Somoud (Résistance).
Au même moment à l'Assemblée nationale, des députés de l'opposition ont exprimé leur mécontentement en brandissant dans l'hémicycle des pancartes proclamant "non au gaz de schiste" ou "nous sommes tous avec In-Salah".
"Le gouvernement sait comment organiser l'exploitation des ressources naturelles pour stimuler le développement économique au bénéfice de la population", leur a répondu le président de l'Assemblée Abdelkader Bensalah, dénonçant "l'agitation" à In-Salah.
Des dons de Dieu
L'Algérie compte énormément sur ses ressources en gaz de schiste - les quatrièmes au monde, selon plusieurs études - pour pallier à la baisse des prix du pétrole, qui représente 95% de ses revenus extérieurs.
Mais dès le premier forage pilote fin décembre à Ahnet, près d'In-Salah, des manifestations ont éclaté avant de se propager à d'autres provinces du vaste Sahara algérien.
La compagnie publique Sonatrach, qui opère avec des partenaires occidentaux comme Anadarko (USA), ENI (Italie), Shell (Anglo-néerlandais) ou BP (GB), a annoncé au début du mois de février qu'elle poursuivait ses forages.
Pour tenter de contrer la vague de contestation inédite qui s'est emparée du sud algérien, des provinces habituellement paisibles, le président Bouteflika a envoyé de nombreuses délégations chargée de rassurer les populations.
M. Bouteflika lui-même a joué sur la fibre religieuse des Algériens. "Le pétrole, le gaz conventionnel et de schiste, les énergies renouvelables sont des dons de Dieu. Il nous incombe de les fructifier et d'en tirer profit, pour nous et pour les générations futures", a-t-il déclaré le 24 février, au moment où les forces de l'ordre empêchaient l'opposition de manifester à Alger.
L'intervention des forces de l'ordre dans la capitale puis à In-Salah "illustre la transformation du régime lui-même en une source réelle de menaces sur la stabilité, l'unité et la cohésion de l'Etat national", a dénoncé l'ancien Premier ministre Ali Benflis, devenu l'un des principaux opposants à M. Bouteflika dont il fut pourtant le bras droit au début de son premier mandat (1999-2004).
Le parti Jil Jadid (Génération Nouvelle) a dénoncé une escalade de la "répression" du pouvoir qui a mis les institutions sécuritaires "à la disposition des multinationales".
Et le sociologue Nacer Djabi, cité par le quotidien El-Khabar, a déclaré craindre "le pire" à In-Salah où, selon lui, le gouvernement fait la "sourde oreille".