Joulani répond à Reuters et lui demande des excuses. Le Nosra semble rassuré que sa décision ne lui coupera pas l’aide des pays du Golfe
Pas question que le front al-Nosra se sépare d’Al-Qaïda.
La milice wahhabite takfiriste a donné son dernier mot sur la proposition qui lui a été faite de se démarquer d’Al-Qaïda, en échange de quoi elle obtiendrait tout le soutien dont elle besoin des pays du Golfe.
C’est son chef Abou Mohammad al-Joulani qui en a décidé ainsi, la direction d’Al-Qaïda lui ayant laissé la liberté de choix.
Selon le journal libanais al-Akhbar, certains observateurs ont opéré un lien entre cette suggestion qui avait été rendue publique par l’agence Reuters mercredi dernier et la mort d’importants chefs du Conseil consultatif du Nosra la semaine passée dans un raid aérien.
Leur élimination aurait eu pour but de faciliter la séparation et se débarrassant des voix récalcitrantes. A l’instar de ce qui s’était passé avec les dirigeants du mouvement « Ahrar al-Cham », (les libres du Levant) qui a été décapité en une seule fois.
Mais les sources proches d’Al-Qaïda ont assuré que la rencontre qui avait eu lieu à Idleb n’avait rien de secret et n’était qu’une rencontre courante. La mort d’Abou Hammam al-Chami n’a pas encore été confirmée, ni celle de son assistant libanais Abou Hamza al-Zoebi. Alors que Joulani n’y était pas du tout convié.
N’empêche que cette question faisait l’objet de longues discussions au sein du Conseil consultatif du Nosra depuis plusieurs mois et certains dirigeants de premier rang étaient partants.
Mais Joulani a tranché la question, après avoir pesé le pour et le contre, en refusant toute séparation avec Al-Qaïda. La plupart des chefs du Nosra l’ont approuvé.
Sachant que le numéro un d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri avait dépêché plusieurs émissaires en Syrie pour informer le chef du Nosra qu’il avait le libre choix de rester au sein d’Al-Qaïda ou de s’en séparer, si ceci pouvait servir la poursuite du Jihad en Syrie.
Zawahiri « a dit à Joulani si le succès de l’action au Levant dépend du fait d’ôter le nom d’Al-Qaïda, changez-lui son appellation et mélangez-vous avec les autres factions, à l’instar des « Ahrar al-Cham » et des autres adeptes du courant salafiste », rapportent les sources du Nosra.
Dans les milieux jihadistes, il est connu que les « Ahrar al-Cham » ont prêté allégeance à Al-Qaïda en catimini.
La décision du Nosra a été rendue publique dans la nuit de dimanche à lundi dans un communiqué dans lequel il demande des excuses de la part de l’agence Reuters.
Le texte dénonce aussi les informations contradictoires sur l’état de lieu du Nosra sur le terrain, qui rend compte de son incapacité à dissoudre les autres factions. Il a aussi démenti la tenue d’une réunion avec les renseignements du Qatar pour s’entretenir d’un financement de sa part et des autres pays du Golfe, mais n’a pas nié que des discussions aient lieu sur la séparation avec Al-Qaïda. Il n’explique toutefois pas comment la proposition a été faite.
Le raid qui a visé Abou Hammam la semaine passée n’est pas non plus mentionné.
Selon des sources proches du Nosra, « les pressions exercées pour rompre le lien entre le Nosra et Al-Qaïda ont pour but de redorer son image pour se débarrasser de l’embarras qui découle de son soutien ostensible… Le but étant d’utiliser les moujahidines comme tête de lance pour faire face à l’Etat islamique, car le Nosra est le plus capable de le faire ».
Cette décision reflète aussi une assurance chez le Nosra qu’on ne lui suspendra pas le soutien financier qui lui est déjà fourni, malgré la décision qu’il a prise.
Dans un Tweet qui répondait à une accusation de la part de Daesh d’obtenir de l’aide du Qatar, un des dirigeants du Nosra, Abou Maria al-Qahtani n’a pas démenti. Il a au contraire confirmé l’existence d’une aide, en la justifiant : « La législation n’interdit pas aux moujahidines de prendre de l’aide d’un gouvernement quelconque au cas où les intérêts convergent avec lui, à condition qu’il n’y ait aucun diktat en échange de la part de ce gouvernement ».
Par sa décision, il en découle que le Nosra s'estime en droit d’accueillir toute l’aide qui lui est fournie, sans avoir besoin de changer son identité. Signe d’assurance que les pays du Golfe ne peuvent se passer de lui.