Les forces gouvernementales n’ont pu réaliser aucune avancée. Les houthis sont devenus la première force politique du pays.
Le mouvement houthi « Ansarullah » a connu six guerres, dont les deux dernières contre l’armée yéménite et saoudienne. Le fondateur du mouvement, le martyr Sayed Hussein el-Houthi était toujours sûr de la victoire divine, affirmant combattre sur la voie de Dieu. A chaque fois, les combattants d’Ansarullah en sortaient plus forts, bien que le régime yéménite n’a épargné aucun moyen pour les éliminer.
Lors de la guerre de 2004, des accusations lancées contre le fondateur du mouvement de « prétendre être un prophète » ont valu aux partisans des houthis des massacres commis par l’armée yéménite, et des bombardements intenses sur la ville de Marran à partir des territoires saoudiens. Durant cette guerre, Marran a été complètement isolé du monde.
Le 10 septembre 2004, la guerre qui a duré trois mois a pris fin avec le martyre de Sayed Hussein el-Houthi. Seule la version des autorités a été rapportée par les médias, à cause du blackout total imposé sur les houthis.
« La première guerre a pris fin sans aucune pièce d’armes en notre possession. Ils ont confisqué les armes des martyrs et des blessés, et pris les autres combattants en otages. Nous avons été expulsés vers les monts et les vallées. Nous n’avions pas de quoi subsister. Nous mangions les feuilles d’arbres et nous étions pourchassés ». Voilà comment le membre politique du mouvement Ansarullah Dayfallah Chami décrit la situation du mouvement après la guerre de 2004.
Le reste des combattants ont réussi à resserrer les rangs et à se réfugier dans les monts de la région Nouchour, au centre de la province de Saada. Selon Chami, les combattants d’Ansarullah étaient interdits de fréquenter les marchés publics où ils ont été pourchassés.
Tentative d’assassiner Houthi le père… « la 2ème guerre de Saada »
Sayed Badredine el-Houthi veillait à libérer les détenus. Son fils, Yehia el-Houthi a contacté l’ancien président Ali Abdallah Saleh, qui a demandé à Houthi le père de visiter la capitale Sanaa. Abdel Rahim Hamrane, le gendre de Sayed Badredine el-Houthi, raconte au site al-Manar : « Les autorités ont prétendu que dès l’arrivée de Sayed Badredine el-Houthi à Sanaa, tous les détenus seront libérés. Il est parti là-bas et y est resté plusieurs jours, mais les autorités n’ont rien fait ».
Les autorités yéménites ont essayé d’assigner à résidence Sayed Houthi, pour faire pression sur les combattants réfugiés dans les montagnes. « Certains disent qu’il a subi une tentative d’assassinat à Sanaa, une information qui n’a pu être confirmée. Mais ce qui est sûr, c’est que Sayed Badredine est rentré furtivement parce que les autorités ne lui ont pas permis de quitter la capitale. Même sa famille ne s’attendait pas à son retour », rapporte Hamrane.
Ensuite, les forces sécuritaires yéménites ont lancé des opérations de recherche pour retrouver Sayed Badredine. Elles lui ont tendu une embuscade dans laquelle ont péri un certain nombre de ses proches, en prélude à faire exploser la situation. Ces forces gouvernementales ont par ailleurs effectué une descente pour enlever ou assassiner Sayed el-Houthi. Des affrontements ont éclaté avec ses gardes du corps, déclenchant la deuxième guerre contre les houthis.
L’objectif escompté des autorités consistait à pousser le reste des combattants à la capitulation. Elles cherchaient même à interdire le slogan des houthis et les cours religieux de Hussein el-Houthi. Le régime a interdit aux houthis de célébrer la fête d’al-Ghadir (celle de la désignation par le prophète de l’islam Mohammad de son successeur l’imam Ali ben Abi Taleb). Des avions ont bombardé le rassemblement populaire tenu en cette occasion.
Dans ce même cadre, des milliers de livres portant atteinte aux chiites zaïdites ont submergé les librairies du pays, alors que le ministère des legs, dirigé à l’époque par le parti des réformes, a consacré plusieurs heures pour l’enseignement de la doctrine wahhabite dans les écoles.
Cette politique visant à effacer l’identité des houthis fut derrière les guerres consécutives contre ce mouvement. Des guerres qui ont l'effet tout à fait inverse, en leur permettant toutefois d’ancrer leur existence dans l’histoire et la géographie du Yémen.
La deuxième guerre a débuté le 18 mars 2005 et a pris fin le 4 avril de la même année. Elle a pris fin par l’annonce des autorités de la « mort de Badredine el-Houthi ».
« Le pouvoir a cru que Sayed Badredine el-Houthi est tombé en martyre dans la deuxième guerre. Les forces sécuritaires ont retrouvé son turban et ses affaires dans la mosquée qu’il fréquentait. Elles ont cru qu’il est mort », raconte Hamrane.
«Ces allégations étaient infondées. Ils ont essayé d’entamer le moral des partisans d’Ansarullah. Ils parlaient de la mort de dirigeants. Des fois, ils prétendaient le martyre de Sayed Badredine, ou encore de Sayed Abdel Malek. Ils ont bloqué tous les moyens de communication, ainsi que les visites à la province de Saada. Les autorités ont même suspendu et fermé tous les journaux et les chaines de télévision qui ont essayé de parler d’Ansarullah », assure Dayfallah Chami dans un entretien accordé au site d’al-Manar.
De son côté, Abdel Rahim Hamrane rapporte les atrocités du régime lors de la deuxième guerre : « Ils ont incendié les tombes. Les chars ont rasé les corps des martyrs et les tombes. Ils ont tué les gens de sang-froid. Ils ont utilisé toute sorte d’armes contre une minorité du peuple retranchée dans une région assiégée ».
Les détenus, les juifs, et la troisième guerre
La deuxième guerre a pris fin, aucune région n’était en sécurité. « Les combattants ont pris la route vers la région Safraa proche des frontières saoudiennes. Ils se sont réfugiés à Naqaa, une zone habitée de bédouins et renfermant des cavernes et des montagnes. Les jeunes houthis s’y sont rassemblés avec Sayed Badredine el-Houthi. Mais les opérations de recherche menées par les autorités les ont poussés à sortir vers Matra et Naqaa ensuite. Le mouvement a réussi de réorganiser ses rangs et la région est devenue ensuite le siège du commandement des opérations du mouvement », souligne Mr Hamrane.
En 2006, la troisième guerre a éclaté entre Mai et septembre. Tout a commencé lorsque les autorités pénitentiaires ont agressé les détenus houthis dans la prison centrale dans la ville de Hajja à Saada.
Trois détenus ont trouvé la mort. Des combats violents ont éclaté dans les marchés.
« Les forces gouvernementales n’ont pu réaliser aucune avancée, et la guerre a pris fin par des négociations. Les détenus ont été transportés à la prison centrale en 2004, après avoir scandé le slogan du mouvement. Le régime a démis le gouverneur de Saada pour calmer la situation et mettre fin à la guerre. Nous avons alors accepté », poursuit Hamrane.
« Les autorités yéménites ont provoqué l’affaire de l’expulsion des juifs de Bani Salem » de la province de Saada, pour mener une nouvelle guerre contre Ansarullah.
La guerre s’est étendue de janvier jusqu’au mai 2007. Le mouvement a profité de la libération d’un millier de ses partisans pour les entrainer militairement.
Le membre du bureau politique d’Ansarullah Dayfallah Chami raconte : « Pendant plus de six mois, la guerre n’a pas connu de répit. Il s’agit de la guerre la plus violente jamais menée. Mais les autorités ont connu un échec cuisant. Elles ont tenté de trouver une issue sous la médiation du Qatar. Les deux parties se sont mis d’accord sur la remise de plus de 83 montagnes et positions militaires de l’armée yéménite, sous le slogan d’imposer la souveraineté de l’Etat".
Sur cette base, la quatrième guerre a pris fin.
A suivre
Reportage effectué par Esraa Fas, rédactrice au site arabe d'al-ManarPour lire la première partie, cliquez ici